samedi 28 février 2009

Hors des murs.

Comme je vous le disais hier, la pédagogie n'a pour moi de sens que si elle s'exerce aussi hors des murs de l'Ecole. Les fondateurs de l'Ecole laïque l'avaient bien compris, en instituant les oeuvres péri-scolaires. C'est la République toute entière qui doit faire oeuvre de pédagogie. Elever l'élève l'élève c'est bien, mais le citoyen c'est mieux. Depuis plusieurs années, je m'attelle à cette tâche, qui est militante. J'ai quatre projets pour l'année en cours, je les prépare de front, passant d'un dossier à l'autre:

C'est d'abord le 200ème anniversaire de la naissance de Darwin, et les 150 ans de la parution de "L'origine des espèces". Encore aujourd'hui, on colporte beaucoup de grosses bêtises sur l'évolutionnisme. Et puis, certains milieux religieux, avec le créationnisme et le "dessein intelligent", passent à l'offensive, jusque dans les établissements scolaires. Il faut rétablir la vérité, rappeler que la science et la croyance ne font pas bon ménage. Bref se montrer, plus que jamais, laïque!

C'est ensuite le 40ème anniversaire de l'homme sur la Lune. Je tiens beaucoup à le célébrer! Ce n'est plus vraiment la science, mais plutôt la technologie, et aussi l'épopée, l'émerveillement. Nous devons réapprendre à rêver, faire aimer la découverte, la connaissance, l'exploration. La conquête de la Lune a été oubliée, parce que nous vivons une époque désabusée. Il faut revivifier ce plus grand événement de tous les temps, lui redonner son sens, son ampleur, sa grandeur.

En septembre, je recevrai Philippe Val et l'équipe de Charlie Hebdo dans le cadre de la Fête du Livre de Merlieux. Ce journal satirique a marqué toute une époque, il traduit encore aujourd'hui toute une sensibilité, qu'il est nécessaire de comprendre. L'apparition de Siné Hebdo a un peu brouillé les pistes. Que de questions à soulever! La postérité de l'héritage soixante-huitard, la liberté d'expression, l'usage de la caricature, ...

En octobre, comme d'autres responsables d'associations saint-quentinoises, je participerai au 500 ans de l'Hôtel de Ville, sous l'angle citoyen, afin de faire connaître ce que finalement beaucoup de gens connaissent mal, le fonctionnement d'une municipalité, les pouvoirs du maire, l'utilisation du budget. Je compte faire venir une personnalité qui dissertera sur "l'avenir de la démocratie locale". D'autant qu'à la rentrée, nous serons en plein débat parlementaire sur la réforme des collectivités locales...

Je m'éloigne de l'Ecole, de l'enseignement? Non, j'y reviens, je me ressource. Ecole pour tous, école de tous. S'instruire, se cultiver, se former, ce n'est pas le privilège de la jeunesse, c'est le droit de tout homme, à n'importe quel moment de son existence.

vendredi 27 février 2009

Pédagogue avant tout.

Une semaine déjà que nous sommes en vacances. Mon paquet des TES1 touche à sa fin (plus que quatre copies à corriger). J'ai gardé pour la suite le gros morceau, les TL1. Ce sera pour ce week-end et la semaine prochaine. Mais je ne passe pas ces quinze jours uniquement le nez dans les copies. Je prépare mes projets.

Quels projets? Je n'ai jamais conçu l'enseignement comme une fin un soi, mais comme un commencement, une ouverture à quelque chose de plus large, qu'on appelle "l'éducation populaire", que je ne pratique pas professionnellement mais bénévolement, non plus dans le cadre scolaire mais associatif. C'est Rencontre Citoy'Aisne, c'est la Ligue de l'enseignement, dont j'assure les deux présidences, la première association étant affilié à la seconde.

L'idée, c'est que le savoir, la culture, la réflexion débordent très largement les murs de l'Ecole, qu'ils doivent être diffusés dans toute la société, en priorité en direction des publics qui n'en bénéficient pas, parce qu'ils ne sont pas privilégiés par la naissance, la position sociale ou l'argent. Je me consacre à ça depuis dix ans, et j'y consacre de plus en plus de temps depuis ces dernières années.

C'est pourquoi, lorsqu'on me demande ce que je fais et ce que je suis (professionnellement), j'hésite à donner mon titre officiel: professeur certifié de philosophie. Ça fait trop universitaire. Généralement, je me présente comme enseignant, c'est plus conforme à la réalité. Mais il y a une appellation qui me semble encore plus juste, plus vrai et très belle: je suis un pédagogue. Un prof de philo n'est pas nécessairement un pédagogue, même s'il doit l'être, puisqu'il est payé pour ça. Comment peut-on enseigner une matière complexe sans faire de pédagogie?

Un pédagogue est un magicien, un alchimiste: il transforme le plomb de la complexité en or de la simplicité. C'est un travail, un art, une expérience, et par dessus tout, une volonté, une finalité. Le pédagogue est foncièrement un démocrate, puisqu'il part du principe, qu'il s'efforce de montrer que la chose la plus difficile au monde peut être rendue claire à l'esprit de n'importe qui.

Voilà la beauté et la grandeur de la pédagogie. C'est pourquoi cette méthode est au coeur de l'éducation populaire, mais aussi, bien sûr, au coeur de l'enseignement scolaire. Je vous dirai demain vers quels projets cette pédagogie est orientée, et à quoi je passe le temps de ces vacances, une fois sortir de l'enfer et du paradis des copies à corriger.

jeudi 26 février 2009

L'or et la vase.

J'avance à petits pas dans mes corrections du bac blanc, mais ce qui compte, c'est d'avancer. Sept copies aujourd'hui, encore: c'est mon chiffre d'or! Et ça s'améliore. "Le niveau monte", comme dit l'expression, que je trouve par ailleurs ridicule: une classe n'est pas un réservoir où l'eau monterait ou baisserait au gré de je ne sais quelles marées. Voilà ce que ça donne: 09, 06, 07, 14, 11, 03, 14 (toutes sur le sujet: L'obligation morale n'est-elle qu'une contrainte?). Cette fois, les pépites sont bien là, et de belles! Mais il y a aussi du sable et de la vase (voir le billet d'hier: "Les pépites et les pépins"). Détaillons:

1ere copie (09): l'élève consacre sa réflexion à me décrire des exemples. C'est de la casuistique, ce n'est pas de la réflexion. Ce n'est pas trop mal fait, bien rédigé, mais où sont les idées, où sont les concepts? On fait quand même de la philosophie pour ça!

2ème copie (06): Là, je me montre plus sévère, car la pensée est très décousue. Ce sont des remarques éparses, sans continuité. Je ne trouve pas le fil de la réflexion. Et puis, l'élève ne se confronte pas assez à la question posée.

3ème copie (07): les copies de ce genre sont nombreuses; elles ont dénaturé la question, la transformant en "l'obligation est-elle bénéfique?" Considérant qu'une contrainte était négative, les élèves se sont demandés si l'obligation morale pouvait être positive. C'était alors s'éloigner du sujet.

4ème copie (14): Youpi! C'est la première vraie bonne note chez les TES1. Si les élèves savaient que je suis encore plus content qu'eux quand je leur mets une telle note! Tout n'est pas parfait dans ce travail, sinon il aurait eu 17, 18, 19. Mais la réflexion n'est pas mal du tout, même si les exemples alourdissent la démonstration, même si les réponses ne sont pas suffisamment directes.

5ème copie (11): Moyen, moyen. Cet élève, comme d'autres, a dû avoir un cours sur "morale et bonheur", puisqu'il se demande si faire son devoir rend heureux, ce qui n'a rien à voir avec la question posée, où il est question de "contrainte", pas de bonheur. Mais la copie n'est pas si mauvaise que ça. Disons qu'elle se défend, et ce n'est déjà pas si mal.

6ème copie (03): j'ai à peine besoin de lire, je sais que ce sera mauvais. Deux pages, voilà ce qu'a fait l'élève, qui avait quatre heures devant lui. Le contenu, n'en parlons même pas: bâclé, pas travaillé, un radotage sur le mensonge. Lamentable!

7ème copie (14): re youpi! Certes, c'est parfois confus, parfois répétitif, mais il y a de la pensée, et pas un seul exemple. Ça change, c'est très bien. En philosophie, la pensée c'est le muscle, les exemples c'est le mauvais gras.

Demain, je continue.

mercredi 25 février 2009

Les pépites et les pépins.

Je me souviens d'une expression utilisée par un de mes collègues, lors d'une réunion de profs de philo en vue de la correction du bac. Il nous expliquait que lorsqu'il lisait une copie d'élève, il cherchait des "pépites", et qu'il notait en fonction de ses découvertes. Ce mot m'avait beaucoup plu: "pépite", ça fait chercheur d'or dans l'Ouest américain, en train de tamiser du sable pour repérer le précieux butin.

Pourtant, l'image est contestable. J'ai déjà dit qu'une dissertation est un tout, qu'il faut évaluer comme tel, et non pas certaines de ces parties (les fameuses "pépites"). Car un mot peut en chasser un autre: dans une dissert de philo, on trouve aussi beaucoup de "pépins" et peu de "pépites". Quoi qu'il en soit, une évaluation globale du travail est un idéal pas toujours accessible. Une dissertation ou un commentaire de texte sont rarement bons dans leur ensemble. Et là, on est bien obligé de juger les parties.

D'ailleurs, la métaphore de la "pépite" le dit implicitement: où trouve-t-on ces perles d'or sinon dans la boue? Mais le travail de réflexion philosophique, c'est aussi une forme de boue, quand l'esprit cogite, rumine. Il faut charrier beaucoup de boue pour arriver à faire surgir quelques pépites. J'ai également à l'esprit cette formule bouddhiste: "La fleur de lotus pousse dans la boue des marécages".

J'ai remué tout ça dans ma tête, quand j'ai corrigé cet après-midi sept nouvelles copies du bac blanc des TES1. Voilà les résultats: 10, 11, 10, 08, 07, 12, 10. C'est un peu mieux que les sept premières. C'est sans doute le hasard des copies qui me viennent. Mais c'est aussi parce que je me suis dit, devant des résultats assez médiocres, qu'il fallait à tout prix que je recherche, dans les copies, des "pépites" à valoriser et des "pépins" à mettre de côté. Parce que l'intervention de ce collègue, il y a quelques années, m'est revenue aujourd'hui à l'esprit.

mardi 24 février 2009

Aujourd'hui et demain.

J'ai attaqué cet après-midi le paquet de copies des TES1, par le sujet: "Un désir peut-il être coupable?" J'en ai corrigé sept exactement, sur douze qui ont choisi cette question. Ce n'est pas bon du tout. Je vous donne la série infernale: 09-08-09-08-09-11-06. J'ai respecté l'ordre chronologique de correction. Vous remarquez bien sûr que les notes se suivent de près. Je n'ai pas réussi ce que les inspecteurs nous demandent: discriminer, différencier. Mais je ne suis pas arrivé encore au bout du paquet, qui contient une trentaine de devoirs.

Pourquoi cette difficulté, que je n'ai pas rencontrée chez les TSVP? Peut-être tout simplement le hasard: les premières copies se ressemblent. Il m'a été impossible de tirer dans un sens (la bonne note) ou dans l'autre (la mauvaise note). Quand je dis que les copies se ressemblent, ce n'est pas tout à fait ça: elles se valent, devrais-je dire, car elles sont très différentes, mais la plupart médiocres. Prenons-les une par une:

Première (09): l'élève a fait un effort de réflexion, c'est flagrant. Et il y a du travail. Mais ça ne suffit pas: il manque des réponses claires à la question posée, et la pensée n'est pas très ordonnée.

Deuxième (08): là, les idées sont claires, intéressantes, et l'élève a fait appel à des références philosophiques. Qu'est-ce qui ne va alors pas? La réflexion ne répond pas vraiment à la question posée. Le hors-sujet, ça ne pardonne pas!

Troisième (09): pas de hors-sujet cette fois, mais une copie qui s'appuie beaucoup trop sur des exemples, c'est à dire des cas particuliers qui n'ont donc qu'une valeur particulière. Et pour gâcher tout, l'élève fait intervenir Dieu (ce serait lui le coupable de nos désirs!) comme s'il s'agissait d'une évidence.

Quatrième (08): à nouveau des exemples, des descriptions, et très peu d'idées.

Cinquième (09): c'est la copie qui me fait le plus mal au coeur! Bien rédigée, bien construite. Cette élève doit être, j'en suis à peu près certain, une bonne élève. Qu'est-ce qui s'est passé? Un contresens, un stupide contresens: il y a eu confusion entre "coupable" et "responsable". Du coup, la question a été dénaturée et s'est transformée en "sommes-nous responsables de nos désirs?" Quel dommage!

Sixième (11): ouf! J'ai pu dépasser la moyenne. Mais ça n'est que moyen! Pourquoi? Parce que la pensée reste trop dépendante de ces fichus exemples, qui sont le renoncement de la réflexion. Heureusement, l'élève les a analysés, ne s'est pas contenté de les exposer. Ça le sauve!

Septième (06): la plus mauvaise note, parce que je ne sens pas le travail, l'effort, mais au contraire la facilité. Je ne lis qu'une série de remarques, aucune n'étant argumentée, développée. C'est du vite fait. Alors 06, sans regret!

Je ne sais plus qui disait: "Demain sera un autre jour". Je l'espère de tout mon coeur, quand je retournerai mercredi à ma table de travail, où m'attend ce qui reste du paquet des TES1.

lundi 23 février 2009

Fais ce que tu fais.

On ne lit plus guère aujourd'hui le philosophe Alain. On le cite souvent, on ne le lit vraiment jamais. En son temps, il était déjà passé de mode. Quand on est politiquement un radical, c'est à dire un républicain modéré de centre gauche, on ne séduit pas les intellectuels. Sartre a eu sur lui une phrase assassine: "C'est un philosophe pour classe de Terminale". Je retourne la phrase en compliment: oui, Alain est un philosophe concis et limpide qui convient bien aux commentaires de textes de mes lycéens. Ironie de la petite Histoire: il a eu une maison près de Laon, à cinquante kilomètres d'où j'enseigne, Laon où Sartre a exercé un an!

Ce ne sont pas tous les philosophes qui réfléchissent à l'éducation scolaire. C'est le cas d'Alain, dans ses "Propos sur l'éducation", qui portent certes plutôt sur l'école primaire, mais qui me semblent aussi valables pour le secondaire, collèges et lycées. J'ai relu dernièrement ces "Propos", c'est un régal. Les jeunes enseignants devraient s'en inspirer pour leur formation. Je ne suis pas d'accord avec tout: Alain s'en prend trop fortement aux psychologues et pédagogues, son approche est parfois exagérément austère. Mais je suis d'accord avec beaucoup, et de toute façon, il y a à prendre dans ce qu'il dit. Voici un exemple, pp. 13-14, aux PUF, 1961:

"L'école est un lieu admirable. J'aime que les bruits extérieurs n'y entrent point. J'aime ces murs nus. Je n'approuve point qu'on y accroche des choses à regarder, même belles, car il faut que l'attention soit ramenée au travail. Que l'enfant lise, ou qu'il écrive, ou qu'il calcule, cette action dénudée est son petit monde à lui, qui doit suffire. Et tout cet ennui, là autour, et ce vide sans profondeur, sont comme une leçon bien parlante; car il n'y a qu'une chose qui importe pour toi, petit garçon, c'est ce que tu fais. Si tu le fais bien ou mal, c'est ce que tu sauras tout à l'heure; mais fais ce que tu fais".

"Fais ce que tu fais", c'est admirable! Platon avait inscrit à l'entrée de son école: "Nul n'entre ici s'il n'est géomètre". J'aimerais afficher à la porte de mes classes: "Fais ce que tu fais". Tout serait dit.

Si Alain avait vécu à notre époque, il aurait tenu un blog, c'est certain. Ses courts articles, réunis en "Propos", sont autant de billets aujourd'hui électroniques.

dimanche 22 février 2009

Les premières notes.

Pour avancer efficacement dans la correction de copies, il faut se retrouver dans un endroit clos, d'où l'on ne peut sortir et où l'on n'a rien à faire, ceci durant plusieurs heures. Un voyage en train est parfait pour cela. Mais je pars rarement en vacances. Sinon, rien de tel que le bac blanc pour corriger le bac blanc: la surveillance dure entre trois et quatre heures, il faut se lever de temps en temps, jeter régulièrement des coup d'oeil sur les candidats, ce qui laisse du temps pour travailler.

C'est ce que j'ai fait lors de mes surveillances de bac blanc. Résultat: un paquet de moins à corriger, les TSVP. "Ce qui est fait n'est plus à faire", sage adage. Je commence toujours par les Scientifiques, c'est plus facile, hélas d'ailleurs, puisque certains traitent la philosophie par-dessous la jambe, le coefficient étant faible au bac. Eh bien, moi aussi, je traite leur copie par-dessous la jambe, surtout au moment de mettre la note.

Il y a bien sûr d'honnêtes élèves et d'excellentes copies, parfois meilleures que celles des Littéraires, puisque que notre système éducatif a fait de la série S la "voie royale", où vont certains très bons élèves, même quand leur profil est plus littéraire que philosophique.

J'ai appliqué, pour mon évaluation, les consignes du bac: utiliser toute la gamme des notes, de 1 à 20, éviter la grise concentration autour de 7-8, dont certains collègues sont adeptes. Ce qui signifie qu'il ne faut pas hésiter à mettre une très bonne note à une bonne copie et une très mauvaise note à une mauvaise copie. Évaluer, c'est comparer, c'est distinguer. Je crois y être assez bien parvenu pour mon premier paquet, les TSVP.

Les trois sujets proposés ont été égalitairement choisi, puisque 9 élèves ont pris le premier (Un désir peut-il être coupable?), 10 ont pris le deuxième (l'obligation morale n'est-elle qu'une contrainte?) et 10 le commentaire du texte de Spinoza sur la vérité et la méthode. 18 n'ont pas la moyenne, 11 l'ont. Ma notation va de 3 (la honte!) à 17 (félicitations!). Voici le détail (première colonne: les notes; deuxième colonne: le nombre de copies):

3: 3
4: 0
5: 2
6: 3
7: 5
8: 3
9: 2
10: 1
11: 0
12: 3
13: 2
14: 1
15: 2
16: 1
17: 1

Il me reste maintenant à corriger les TL1 et les TES1. Mais je ne peux plus compter cette fois-ci sur l'atmosphère propice d'une salle de classe ou d'un compartiment de train. Je n'ai plus que mon salon ou ma mansarde. Je m'y ferai.

samedi 21 février 2009

Tout sur le bac blanc.

Les élèves partent inquiets en vacances, avec cette question en tête: quels seront au retour les résultats de leur bac blanc? En philo, ils se demandent si leur correcteur (puisqu'avec mon collègue nous échangeons les copies de nos trois classes pour respecter l'anonymat du bac) aura les mêmes exigences que moi. Je les ai rassurés avant le départ, ou plutôt j'ai rétabli une vérité: au bac blanc comme au bac, les profs ne notent pas comme dans l'année, comme si c'était leurs élèves. Mais pourquoi? Parce que ce n'est pas l'année courante et que ce ne sont pas nos élèves.

Avec mes classes, mon évaluation a une visée pédagogique: encourager les efforts, sanctionner les faiblesses. Au bac, plus question de ça: il faut juger un travail définitif dont l'enjeu est l'acquisition du diplôme. Je note un produit fini, je n'évalue pas une progression ou une régression. C'est très différent, ça n'a rien à voir. Dans l'année, une note est une indication, un point de départ; au bac, c'est un jugement, un point d'arrivée.

Et puis, au bac, blanc ou pas, je donne essentiellement une justification de la note, je fais très peu de remarques en marge de la copie, puisque jamais le candidat, au bac, ne les lira. Au bac blanc, c'est un peu différent, mais j'en reste là aussi à un jugement global. Car une dissertation de philosophie ne peut être évaluée que dans sa globalité, comme un tout. A quoi s'ajoute que chaque prof a ses méthodes, ses conseils. Les élèves, là encore, s'en inquiètent, à tort. Je ne vais pas juger de la forme (elle peut être différente d'un prof à l'autre), je vais évaluer le contenu, qui doit répondre à des finalités communes à tous les profs de philo. Lesquelles?

D'abord, j'attends de la copie un effort de réflexion. Ça ne fait pas tout. La bonne volonté ne garantit pas la pertinence des idées. Mais c'est un minimum requis. J'attends aussi, en matière de minimum, que l'élève prouve qu'il a su employer complètement les quatre heures d'épreuve qui lui sont attribuées. Si je constate qu'il ne l'a pas fait, je n'hésite pas à sacquer. Deux pauvres pages qui se présentent à moi, c'est la schlague garantie!

Ensuite, je valorise ce que vous connaissez bien si vous êtes lecteur régulier de ce blog: le nombre d'idées, leur diversité, leur argumentation, leur originalité. Y a-t-il ou non de la réflexion? C'est, pour résumer, la question essentielle que je me pose en lisant chaque dissertation ou commentaire de texte. C'est donc très simple, les élèves n'ont pas à s'inquiéter.

J'inscris les notes au crayon de bois. Mon collègue reste maître de les accepter telles quelles, ou bien de les modifier, pour des raisons qui lui appartiennent. Pourquoi cette précaution? Parce que le bac blanc n'est pas le vrai bac, parce que ses élèves ne sont pas les miens, parce qu'un professeur reste souverain dans sa classe, parce qu'il peut avoir ses raisons que ma raison ne comprend pas. Demain, je vous parlerai de mon premier paquet corrigé: les TSVP.

vendredi 20 février 2009

La beauté d'une classe.

Qu'est-ce qui est beau dans une classe? Pas le professeur faisant cours. Pourtant, ça peut être très beau, un beau cours, bien fait, bien dit, avec des élèves qui regardent, qui écoutent, qui peut-être admirent. Mais ce n'est encore rien, parce que la classe n'est pas faite pour ça, recevoir la prestation oratoire et intellectuelle du professeur. C'est ce qui distingue l'enseignement de la conférence. Les élèves peuvent écouter, même être subjugués, et ne pas comprendre, et ne rien apprendre. Or l'école est faite pour ça: apprendre et comprendre.

Qu'est-ce qui est beau alors dans une classe, si ce n'est pas le professeur dans ses pompes et ses oeuvres? Les élèves qui s'éveillent, qui lèvent le doigt, qui participent. Oui c'est beau, mais est-ce ce qu'il y a de plus beau? Je ne suis pas certain. D'abord parce qu'il y a des élèves qui ne participent pas mais qui écoutent, et je me demande parfois s'il n'y a pas plus de vertu et d'intelligence à écouter qu'à parler. Et puis il y a la timidité naturelle, la simple décence qui font qu'on ne s'exhibe pas ainsi, même verbalement , devant tout le monde. Enfin, j'ai ce souvenir et cette expérience des élèves bavards, qui causent plus qu'ils ne parlent, qui ouvrent la bouche et laissent tout sortir. Souvent, c'est n'importe quoi, et à l'écrit, c'est très mauvais.

Où est donc la beauté d'une classe? Je vais vous le dire maintenant, après cette semaine de bac blanc: rien n'est plus beau, pour un enseignant, que de voir le visage d'un élève qui pense en silence. Je les ai examinés, furtivement, ces fronts qui se plissent, ces sourcils qui se froncent, ces yeux qui cherchent, ces têtes qui s'inclinent devant leur feuille ou bien qui se lèvent comme si des idées passaient au plafond, ces mains qui caressent de perplexité leur menton. On croit que la réflexion est purement un acte mental. Faux! Elle est tout autant physique: il faut s'y mettre corps et âme.

Un visage qui réfléchit, c'est beau, un visage qui s'ennuie, c'est très laid. La victoire de l'enseignant est là: pousser ce visage à réfléchir. Et quand dix, vingt, trente visages réfléchissent en même temps, c'est très beau. Cherchez bien: vous ne trouverez pas d'autre beauté dans la classe que celle-là. La salle peut être grise, les tables sales, l'enseignant médiocre, si cette beauté-là existe, si les élèves travaillent, si la philosophie les amènent à réfléchir, même modestement, même médiocrement, c'est gagné, quelque chose a été sauvé, préservé. Un élève qui travaille, ça se voit en lisant sa copie, mais d'abord en observant son visage.

Bonnes vacances à mes élèves,
et bon travail.

jeudi 19 février 2009

Bac blanc, la fin.

Six heures et demi de surveillance de bac blanc aujourd'hui, mon dernier jour avant les vacances d'hiver. Le matin, c'était l'histoire-géographie, avec plein de documents à distribuer (c'est la différence avec la philo, une feuille suffit pour les trois sujets). Même rituel que les fois précédentes, le plus proche possible du vrai bac: les élèves doivent déposer leurs sacs près de la table du surveillant (pas de triche!), je fais signer la feuille d'émargement, je précise que les feuilles de brouillon, une saumon, une bleue pâle, sont à disposition (pour éviter l'apparition de faux brouillons et vraies anti-sèches, qu'on peut dissimuler ailleurs que dans un sac). C'est l'éternel combat entre la fraude et la loi. Les fraudeurs sont rares, mais la loi doit être préventive, dissuasive et exemplaire.

Je repère les toilettes, je vérifie qu'elles fonctionnent, qu'on peut s'en servir. Détail technique qui pourrait nuire au bon déroulement de l'épreuve s'il venait à défaillir. En cas de besoins (j'insiste sur le pluriel), l'élève est accompagné par un surveillant. La rigueur ne va pas jusqu'à demander de laisser la porte des waters ouverte, la vigilance se heurtant ici aux limites de la décence. Autre détail technique: la porte qui conduit aux toilettes grince épouvantablement si on ne prend pas soin de l'accompagner quand elle se ferme. Un bruit de scie déconcentre alors tout le monde.

En parlant de bruit, j'ai été servi, dans l'après-midi, en surveillant l'épreuve de sciences physiques. La salle de chant, juste à côté, laissait échapper des vocalises. On se serait cru au Paradis avec les anges. Sauf que les élèves souffraient l'enfer sur des exercices dont je ne comprenais même pas l'intitulé. Puis ce sont les collégiens qui ont égaillé l'atmosphère par leurs cris venant de la cour. Un cri de collégien, c'est très strident et ça n'arrête pas tant que n'arrête pas la récréation. Vers la fin, ce sont des bruits de perceuse suivis de coups de marteau qui se sont brièvement manifestés, venus d'un mur de nulle part.

Les scientifiques travaillent avec une grosse calculatrice au coin de leur table, à laquelle ils accordent une attention extrême, en la prenant, la touchant, la caressant. On dirait une partie de leur cerveau qui s'est échappée là. Beaucoup vont jusqu'à l'heure de fin. Quelques-uns dépassent même de quelques secondes le temps imparti. Ils le font en sciences physiques. Pourquoi ne le feraient-ils pas en philosophie?

mercredi 18 février 2009

Histoire belge.

Aujourd'hui, c'est la première fois dans ma vie d'enseignant, quinze ans, que j'étais officiellement accompagnateur d'un groupe d'élèves hors de France. Oh pas très loin, juste à côté de la Picardie: en Belgique. 48 élèves, tous délégués de classe, du lycée Henri-Martin mais aussi du lycée de Villers-Cotterêts, puisque que tous les deux sont lycées européens. Vous avez deviné sans doute notre destination: Bruxelles, le Parlement européen.

Le départ devant mon lycée était fixé à 6h45. Le car de Villers devait passer nous prendre. A 7h00, toujours personne. Première petite anxiété de la journée, provoquée par un simple retard vite rattrapé. Le car arrivé, nous partons, en compagnie des proviseurs des deux établissements, d'un des adjoints, des CPE, d'une surveillante et de moi. Ajoutez à tout ce beau monde une journaliste de la presse locale, pour couvrir l'événement, et le tour aura été complet.

Je m'installe parmi les élèves, au milieu du car. Je fais ce qu'on fait toujours dans un car: je sommeille, en entendant vaguement les discussions alentour sans les écouter vraiment. Des filles parlent de leurs beuveries, de shit et de flirts. Je m'endors. Ai-je bien entendu ou cauchemardé?

Sur place, la matinée est consacrée à la visite du centre ville. Il faut régulièrement compter et recompter les élèves, et régulièrement on ne tombe pas d'emblée sur le même nombre. A midi, quartier libre d'une heure: chacun mange où il veut avec qui il veut. Les lycéens se dispersent, les adultes restent ensemble. C'est Henri-Martin qui régale. Nous choisissons "Chez Léon": en Belgique, ça s'impose.

Moules-frites-bière pour presque tout le monde. Comment faire autrement? Je me précipite sur les coquilles pour les porter à ma bouche (la marche m'a largement ouvert l'appétit). Mais je m'aperçois que mon proviseur, juste à côté, utilise avec maestria sa fourchette pour s'emparer des mollusques. Je me calme et je prends modèle sur lui. Sauf que le proviseur de Villers a trouvé une astuce qu'il nous recommande: se servir d'une coquille ouverte pour extraire la chair de la moule. Il fallait y penser (moi en tout cas je n'y avais pas pensé). Mais pour se faire, il faut utiliser ses mains, que mon proviseur appelle joliment "les pinces d'Adam" (expression que je ne connaissais pas). Comme quoi les sorties pédagogiques enrichissent la culture générale...

A la fin du repas, un beau jus reste au fond de l'assiette. Et ce fond est profond. J'en ai envie. Je me saisis de la cuillère qui nous a été donnée (mais pour quoi?) et j'arrête assez vite. Les proviseurs, qui ont dans leurs assiettes la même profondeur de jus que moi, ne font pas comme moi, ne font rien. Sauf le proviseur de Villers, décidément astucieux, qui se sert d'une coquille en guise de petite cuillère. Ce qui ne permet tout de même pas d'écluser la totalité du jus. Je m'abstiens, je repose mon instrument, je me soumets à ma hiérarchie, en bon fonctionnaire. Et tant pis pour le jus de moules...

L'après-midi, nous sommes reçus par une assistante parlementaire, puis nous prenons place devant l'hémicycle. La journée se termine sous l'atomium, ce gigantesque hommage à la science moderne. Et puis nous repartons. Le CPE, qui a magistralement organisé et guidé cette sortie, chante l'hymne national belge dans le car du retour. Les élèves, fatigués et énervés, chantent aussi, mais pas l'hymne belge. Pour occuper les esprits, on nous passe un film débile où Jack Nicholson joue un rôle comique (ce qui ne lui réussit pas toujours).

Franchis la frontière qui n'existe quasiment plus, les lycéens se remettent à leurs téléphones portables, dont ils avaient été privés d'utilisation pendant toute la journée, faute de réseaux et de forfaits internationaux. Devant Henri-Martin, je sors fatigué, et un goût de moule dans la bouche. Prochain accompagnement scolaire dans quinze ans?

mardi 17 février 2009

Midi moins sept.

Lors de la première épreuve du bac blanc, la consigne écrite était la suivante: "Les élèves ne sont pas autorisés à sortir avant la dernière heure de l'épreuve" (l'épreuve commence à 8h00 et se termine à 12h00). Sauf que le problème est le suivant: beaucoup d'élèves partent dès qu'ils ont l'autorisation légale de partir. Si c'était 9h00, certains n'hésiteraient à quitter la salle à cette heure. Sous couvert du proviseur-adjoint, en lui expliquant que je souhaitais que les élèves travaillent jusqu'à midi, j'ai annoncé aux 70 "candidats" que je surveillais qu'ils devraient rester jusqu'à la fin.

Évidemment, la plupart s'attendaient à pouvoir être libérés à 11h00. Évidemment, j'ai eu droit à la question idiote: "Et si on a terminé avant midi?" Il ne faut jamais répondre à une question idiote, il faut rappeler la règle. Ce que j'ai fait. Sauf que la règle n'est pas si claire que ça, que ce qui est valable dans une salle ne l'est plus dans une autre, que tout dépend des classes, des profs et des disciplines. Bref, autant d'incertitudes, d'interprétations et de failles dans lesquelles les élèves s'engouffrent pour échapper au travail, puisque telle est la pente naturelle d'un élève, surtout s'il est mauvais.

Sauf que ce jour-là, dans cette salle-là, c'était moi, et que je ne plaisante pas avec ça: tous au travail jusqu'à midi, parce que c'est la durée de l'épreuve de philosophie, et qu'il faut aller jusqu'au bout, comme on doit aller jusqu'au bout de ses pensées. Savez-vous ce qu'il arriva? A 11h00, trois élèves, plutôt vicieux, ont profité d'une jeune prof stagiaire pour tenter une fuite (nous sommes deux enseignants à surveiller par salle, chacun dans sa partie). J'avais l'oeil, j'ai repéré les gus, dont un qui, en première heure, s'était endormi sur sa table, et l'autre, l'un de mes élèves, qui avait déjà bâclé le dernier devoir surveillé. Gueulante et chacun retourne à sa place.

Ce matin-là, ma réputation de prof chiant s'est sûrement renforcée. C'est ma fierté, ma Légion d'honneur, mon titre de gloire. Dans les allées, entre les tables, je circule, je surveille, je patrouille, un peu comme un instructeur militaire. Un enseignant, c'est aussi un garde-chiourme. La discipline ne fait pas que la force des armées mais aussi des écoles. Mais je n'exige que la discipline du corps, dont je reconnais et connais la difficulté: rester quatre heures assis sans bouger.

Pour le reste, l'esprit, c'est à dire chez l'homme l'essentiel, c'est la liberté totale. Je crois même que la subordination du corps est la condition de l'émancipation de l'esprit. Il faut que l'un se fige pour que l'autre se meuve. Je veux transformer chaque élève en statue de chair, en faire un penseur de Rodin vivant. Jusqu'à midi. Après, ils sont libres de retrouver leur heureuse sauvagerie. C'est pourquoi ma méthode n'est ni militaire (l'esprit n'est pas soumis, mais le corps), ni tyrannique (elle est très provisoire, je ne fais qu'appliquer rigoureusement une règle qui ne vient pas de moi), seulement un peu chiante.

Et je le sens: passés 11h00, les corps se rebellent en silence, s'agitent sur place. Tous les moyens de résistance sont bons: un stylo qui tombe, une feuille qu'on froisse, une chaise ou un gosier qui raclent, un éternuement qui traverse toute la salle, des doigts qui tapotent d'impatience, des bâillements de lassitude. A 11h30, les trois quarts ont terminé, se sont rhabillés, près à bondir. Je renforce ma présence physique, je multiplie les regards. Ce sera leur douce punition: l'ennui, l'attente, en regardant celles et ceux qui continuent de travailler, de penser, qui ont encore de quoi dire et écrire.

Mais rien n'est parfait, pas même moi: la tension est trop forte, la pression difficilement supportable. Dans la salle d'à côté, les élèves partent bruyamment. Il est midi moins sept. Chez moi, un élève se lève. Je sens que c'est fini, que mon autorité va s'arrêter là, que les sept minutes qui restent vont échapper à ma souveraineté. Il faut alors être stratège, prendre les devants, anticiper l'ultime rébellion, faire de nécessité vertu, agir vite car il ne me reste plus que quelques secondes pour lever la séance: c'est fait, dans le vacarme des corps qui se déchaînent de leurs tables. Sauf deux ou trois qui rédigeront sept minutes de plus. Je n'ai plus qu'à trier les copies et retourner chez moi avec mes devoirs de vacances.

lundi 16 février 2009

Blanc comme bac.

C'était aujourd'hui le début du bac blanc dans mon lycée, qui a commencé, comme le vrai bac, par la philo, qui est surveillé, comme le vrai bac, par des enseignants. "Bac blanc", quel drôle de nom! Ça me fait penser à une "balle à blanc": on tire et ça ne tue pas. Pour le bac, on pense et ça doit faire quand même quelque chose! Bref, ce nom ne me convient pas. Mais comment dire autrement? "Faux bac", ça n'irait pas non plus, ce serait pire. "Faux vrai bac" serait l'expression la plus proche de la réalité mais déstabilisante pour les élèves. "Bac à l'essai" me plairait bien. "Bac anticipé" pourquoi pas.

Quoi qu'il en soit, l'initiative est excellente. Les épreuves vont durer toute la semaine, sauf mardi, ce qui fait qu'on peut dire, ne travaillant pas le mardi, que je suis en vacances de cours, mais pas en vacances de surveillance ni de correction. Des vacances blanches, elles aussi, si on peut dire! Les vraies vacances, c'est en fin de semaine, mais blanches encore, puisque je corrigerai les copies du bac blanc et les devoirs supplémentaires que j'ai proposés aux élèves (ce qui devrait dépasser la centaine de copies).

Il y a quelques années, un de mes collègues, prof de philo, faisait la grève du bac blanc. Je ne plaisante pas. Il y a, parmi la corporation, des originaux, qui se qualifient d'hommes de convictions, ce qui est tout à fait vrai, trop vrai peut-être. Ce collègue était intimement persuadé que le bac blanc était une simagrée, une caricature, un bac de carnaval. Son problème, c'était que sa conviction restait intime, qu'il était le seul à la partager.

Cet agrégé très classique, intransigeant sur les principes, respectait trop le baccalauréat pour participer à un faux, même à visée pédagogique, surtout à visée pédagogique. Ce devait être, au fond, un platonicien: toute imitation lui était insupportable. Je comprenais son point de vue sans le partager: on peut parfaitement s'entraîner aux épreuve du bac sans organiser nécessairement tout un bac blanc. Celui-ci, réussi par l'élève, lui laisse croire qu'il aura le bac, qu'il doit l'avoir. Le bac blanc devient alors un bon à tirer, un bac anticipé, un contrôle continu. Ce n'est bien sûr pas ça, mais ça y fait songer. Et pour un agrégé de philosophie un tant soit peu scrupuleux, c'est insupportable, ça tourne au cauchemar.

Je n'exagère pas. Tout à sa rébellion contre le bac blanc, le collègue aurait pu se faire porter pâle. Mais un homme de convictions, surtout quand il est professeur de philosophie, n'entre pas dans ce petit jeu, trop petit pour lui, il affiche crânement ses opinions, c'est à dire qu'il désobéit. Or, un fonctionnaire peut faire beaucoup de choses, mais pas désobéir. Quand la hiérarchie ordonne, il exécute. Le bac blanc est une décision administrative, l'enseignant a l'obligation de s'y soumettre. Mon collègue, charmant au demeurant mais très chiant à l'occasion, ergotait sur sa "liberté pédagogique" qu'il croyait voir violée en entrant dans ce dispositif (un homme de convictions peut être aussi un pinailleur de la pire espèce).

Je ne sais plus comment l'affaire s'est terminée. Les élèves n'étaient pas très contents, leurs parents encore moins. C'est le genre de situation dans laquelle un enseignant doit éviter de tomber. Le proviseur ne pouvait pas laisser passer, les aménagements étaient difficiles (une année, ce sont les autres profs, dont ma pomme, qui ont pris en charge les copies de ces exclus du bac blanc), le compromis impossible. Il a donc fallu faire appel à la hiérarchie au dessus de la hiérarchie, c'est à dire l'inspecteur. Je ne sais pas s'il y a eu sanction, mais l'affaire était indéfendable. Tout ça pour un bac blanc!

dimanche 15 février 2009

"Vivre au lycée".

A l'entrée du CDI de mon lycée, il y a une table basse avec de nombreuses brochures pour les élèves. J'y jette souvent un coup d'oeil, voir si quelque chose m'intéresse. J'ai pris vendredi un petit magazine, intitulé "Vivre au lycée", bourré d'informations, que j'ai parcourues ce week-end. Deux ont retenu mon attention.

D'abord, un article assez surprenant consacré aux "cours de bonheur"! Après le constat que les états dépressifs ont fortement augmenté chez les adolescents des pays riches, il est fait état du remède:

"Dans plusieurs villes anglaises, des enseignants apprennent aux élèves à gérer leur stress et à changer leurs pensées négatives. En Allemagne aussi, on teste des "cours de bonheur" pour apprendre à voir la vie en plus rose. Et ça marche: ces élèves sont plus cool, plus à l'aise dans leur vie".

Permettez-moi d'en douter. Si l'enseignement était un relaxant ou un euphorisant, ça se saurait depuis longtemps! Hélas ou pas, les élèves sont en classe pour travailler, pas pour chercher à être heureux. Mais s'ils sont heureux en travaillant, c'est parfait!

Quant à ma discipline, la philosophie, elle a plus pour but d'inquiéter que de rassurer. Quelqu'un de cool n'a pas besoin de penser, ce sera trop, pour lui, prise de tête. La philosophie a même une dimension tragique, quand elle réfléchit à la mort, au mal ou au désir.

Le deuxième article est tout aussi surprenant: 85% des établissements scolaires britanniques sont équipés de caméras de surveillance, dont 10% sont installées dans... les toilettes. Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer? Certains établissements transmettent aux parents les images sur internet, en accès privé.

Il se trouve peut-être un établissement anglais qui propose des "cours de bonheur" sous l'oeil d'une caméra: soyez heureux, mais je vous surveille! Est-ce cela l'avenir de notre école? Franchement, je ne le crois pas, je ne le veux pas.

samedi 14 février 2009

Le jeune et le vieux.

Quand j'étais lycéen, il y avait deux profs de philo dans mon établissement: un jeune, la trentaine, agrégé (mon prof), un vieux, la cinquantaine, certifié. Le premier enseignait aux littéraires (les A , comme on disait alors), le second aux scientifiques (les C). A mes yeux, l'un avait un prestige, une prestance que l'autre n'avait pas. Et aussi un mystère: c'était un ancien prêtre. Bref, une situation propice à l'admiration. Je ne sais pas si l'âge intervenait là-dedans.

A 33 ans, quand je suis devenu à mon tour prof de philo, mon maître de stage, mon tuteur, au lycée Colbert à Reims, avait la cinquantaine bien entamée, cheveux gris et yeux cernés. Il me disait, avec beaucoup de regret dans la voix: "C'est un atout auprès des jeunes élèves d'être un jeune prof". Je ne suis pas certain qu'il avait raison, mais il vivait un peu difficilement cette différence d'âge, surtout par rapport à moi.

Un an plus tard, j'étais affecté au lycée Henri-Martin, premier poste que je n'ai pas quitté. Plus de tuteur, mais j'étais le nouveau, le jeunot, et il y avait un ancien, barbe blanche, Monsieur Jamet, un an à tirer avant la quille. Il m'a guidé, orienté, je n'ai bien sûr pas tout écouté, tout suivi. Il est parti, je l'ai en quelque sorte remplacé.

Et aujourd'hui, 15 ans après? Eh bien c'est moi le vieux, et j'ai accueilli à la dernière rentrée un jeune agrégé, Pascal! Bon, je force un peu la comparaison: j'ai des cheveux gris mais pas une barbe blanche, j'approche de la cinquantaine, je ne la termine pas. Il n'empêche que 20 ans d'écart, c'est presque une génération. Et puis, autour de moi, parmi les collègues, je sens la relève: ceux d'il y a 15 ans sont moins nombreux, les nouveaux s'imposent, s'installent, font oublier qu'ils sont nouveaux.

Ça donne quoi, ça change quoi? Pour le moment, pas grand-chose. Je me sens mieux dans ma peau de prof, et meilleur prof qu'il y a 15 ans. Mes jeunes collègues, je ne les comprends pas toujours dans leurs réactions, leur psychologie. Mais à part ça, ça va. Dans 10 ans, j'en dirai quoi, quand je serai devenu un vrai vieux prof (étant entré tard dans le métier, j'en sortirai tard)? Et ça fait quoi d'être un vieux prof? Je ne sais pas, mais je vous promets cette année-là un billet sur ce sujet.

vendredi 13 février 2009

Pas sympa.

C'était hier. J'étais en train de donner à mes élèves le corrigé du sujet "Qu'est-ce qu'être maître de soi?", j'en étais arrivé à l'idée selon laquelle être maître de soi, chose impossible, c'est en réalité faire semblant d'être maître de soi, pour faire bonne figure. C'est une apparence, que les élèves traduisent très vite comme une hypocrisie. Je leur dis que oui, d'une certaine façon, mais que c'est utile aux relations sociales, comme la politesse, qu'on pratique sans y croire. Et j'ajoute, incise personnelle, que c'est la raison pour laquelle je ne crois guère en la sincérité de la politesse, que je méfie plutôt de son obséquiosité.

C'est à partir de là que tout a commencé, par une question effrontée qui a figé la classe: "Monsieur, pourquoi vous ne dites jamais bonjour quand on vous dit bonjour?" Les plus inattentifs deviennent alors attentifs, ils ont compris qu'il se passait quelque chose, qu'il ne fallait pas en perdre une miette. Une élève a osé une accusation précise. Comment le prof va-t-il répondre, comment va-t-il s'en sortir? Le cours est suspendu, la suite est incertaine, tout le monde l'a bien compris.

Je m'explique: il n'est pas vrai que je ne dise pas bonjour, mais il est vrai que je n'y accorde pas énormément d'importance, comme il m'importe peu que les élèves me saluent ou pas en entrant et sortant. Pourquoi cette indifférence, qui n'est pas celle de tous les enseignants, loin de là? Parce que la politesse m'importe moins que l'honnêteté. Ce que je veux, ce que j'exige, ce sont des élèves présents en classe, attentifs, prenant en abondance des notes, faisant leur travail, rendant leurs copies au jour et à l'heure. Après, la politesse, bonjour-bonsoir-merci, je m'en moque.

Et comme je m'en moque, à mon tour je ne suis pas un scrupuleux praticien de cette petite vertu, alors que j'essaie de respecter et d'appliquer cette grande vertu qu'est l'honnêteté. J'ai aussi le souvenir, et la désagréable expérience, en début de carrière, de ces élèves mielleux, la bouche pleine de bonjour-bonsoir-merci, qui ne cherchaient qu'à attendrir, affaiblir, tromper l'ennemi, c'est-à-dire le prof. Merci, merci, on ne devrait jamais remercier quiconque dans la vie, ne pas s'abaisser ainsi.

J'ai beau expliquer, je ne suis pas sûr que mon propos passe. Et je comprends: il résulte de ma personne l'image d'un prof pas sympa. Je le sens. Et ça me laisse indifférent. Je ne suis pas là pour être sympa. Je ne suis pas un prof-papa ou un prof-copain. Je suis simplement un prof, quelqu'un qui est derrière un bureau pour faire travailler des élèves qui n'en ont pas nécessairement envie. Je ne cherche pas à me faire aimer ou admirer, mais à me faire respecter et éventuellement estimer. Tout ça n'offre pas un profil très marrant, j'en conviens. Mais l'Ecole n'est pas faite pour s'amuser.

Ce matin, quand l'élève qui a osé est entrée dans la classe, je lui ai souri jusqu'aux oreilles et j'ai lancé un tonitruant bonjour. Comme quoi je peux le faire, moi aussi.

jeudi 12 février 2009

Bon anniversaire.

Charles Darwin aurait eu aujourd'hui 200 ans. C'est l'un des plus grands savants de l'époque moderne, que notre Ecole Publique doit honorer. C'est aussi, sans qu'il l'ait voulu directement, un grand laïque, puisque ses théories font sortir la science de l'influence religieuse. Il est très connu et il est très mal connu, d'où la nécessité de célébrer cet anniversaire, pour mieux faire connaître l'homme et sa doctrine.

A-t-il dit que l'homme descendait du singe? Non, ce sont ses adversaires qui le déclaraient pour le ridiculiser. Darwin affirme simplement, et c'est révolutionnaire, que nous avons avec le singe un ancêtre commun. Est-il le père de l'évolution? Non plus. D'autres avant lui avaient déjà largement ouvert le chemin. Darwin introduit l'idée de sélection naturelle. Prétend-il que ce sont les plus forts qui l'emportent? Pas du tout. Ni les plus forts, ni les plus intelligents, mais ceux qui s'adaptent le mieux. Défend-il une loi implacable de l'évolution? Aucunement, puisqu'il introduit le hasard dans la marche de la vie.

Ce matin, sur France-Inter, une inspectrice de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre) a expliqué combien la France, elle aussi, était touchée par la montée du créationnisme ou de ce que les obscurantistes appellent "le dessein intelligent". Il y a deux ans, un ouvrage plein de jolies photos en couleurs et de contre-vérités avaient été distribué dans les casiers des enseignants. Des élèves, souvent de confession musulmane, se servent de ce courant puritain américain (on n'est pas à une contradiction près!) pour tenter de déstabiliser les profs. C'est moins puissant, moins organisé qu'aux Etats-Unis, mais il faut rester vigilant.

La philosophie doit défendre la science, dont elle se sent plus proche que de l'art ou la littérature. Bon anniversaire, Monsieur Darwin.

mercredi 11 février 2009

La découverte du monde.

Un lycée, c'est une boîte à chaussures, dans laquelle se trouvent d'autres boîtes. Si vous préférez, c'est un monde qui ouvre sur d'autres mondes, un cosmos et ses micro-univers (c'est plus joli que l'image de la boîte à chaussures, mais la réalité est la même). Il y a le monde des profs et son centre, la salle des profs, il y a le monde des élèves et son coeur, le foyer socio-éducatif.

Et puis, il y a des mondes moins massifs, moins connus: le monde du CDI (la bibliothèque), le petit monde de l'infirmerie, qui accueille pourtant beaucoup de monde. Il y a le monde de la Vie Scolaire, ses CPE, son bataillon de surveillants. Il y a le monde très particulier de l'internat, ses étages, ses chambres. Il y a le monde du self-service, ses cuisines. Il y a les ouvriers, les femmes de ménage. Il y a bien sûr le monde de l'administration, qui gravite autour de la direction. Il y a enfin le monde de l'intendance, pour les sous et la bouffe. Un lycée, ce n'est pas que des profs et des élèves, c'est tout ça.

Et pourquoi je vous dis ça, aujourd'hui? Parce qu'hier s'est déroulée dans mon lycée une bien sympathique cérémonie, le pot de départ de Christiane Holbach, une secrétaire de l'intendance. Elle est entrée à Henri-Martin un an après moi, en 1995. C'est fini maintenant, elle part en retraite. J'ai appris la petite cérémonie par une affichette apposée en salle des profs. J'y suis allé, je connais par ailleurs Christiane. J'étais le seul prof. Mais c'était pendant le temps de travail (sauf pour moi, qui ne travaille pas le mardi). Ceci dit, le mélange se fait mal. Un lycée est aussi un univers cloisonné. J'aime jouer les passe-murailles.

Les présents, c'était essentiellement les collègues de l'intendance et de l'administration, et quelques femmes de ménage, plus Eric le concierge et bien sûr le personnel de direction. Nous avons eu droit à la totale: rappel du parcours professionnel de la jeune retraitée par monsieur l'intendant, discours émouvant de monsieur le proviseur, petite larme à peine contenue de Christiane quasi aphone, champagne et petits fours.

J'ai discuté avec deux dames en blouses blanches, que je ne connaissais pas et qui ne me connaissaient pas. Ce sont des assistantes du laboratoire de sciences, au troisième étage (encore un autre monde!). Je travaille à cet étage deux heures le mardi et deux heures le vendredi. Elles sont à Henri-Martin depuis respectivement trois ans et six ans. On se voyait pour la première fois. Combien d'autres mondes dans ce lycée ne connais-je pas, moi qui y travaille depuis 15 ans?

mardi 10 février 2009

La méfiance des mots.

Sous mon vasistas, c'est aujourd'hui le vent qui me parlait et me poussait. Je suis tombé sur une copie embarrassante: très bien écrite, trop bien écrite. La forme l'emportait sur le fond, les mots mangeaient les concepts. La dissertation de philosophie exige du recul, de la retenue, une certaine froideur, un peu d'austérité, qui s'accordent mal avec les élans lyriques, le langage fleuri. Quand on est bon en français, on est généralement bon en philo, parce que la maîtrise de la langue est un précieux atout. A condition de ne pas s'élever à la littérature, car c'est faire chuter la philosophie.

Autre défaut rencontré dans les copies, universel celui-ci: les phrases et donc les pensées qui commencent par " De nos jours", une bonne intention qui annonce presque toujours une grosse bêtise. Pourquoi "De nos jours"? La philosophie est "inactuelle", "intempestive", comme disait Nietzsche. Elle n'est pas datée, elle n'est contemporaine de rien, elle traverse les époques et ne s'attarde dans aucune, ses affirmations prétendent à l'éternité. Peut-être la philo a-t-elle tort, peut-être est-elle horriblement prétentieuse, mais il faut la prendre comme elle est, ou bien s'intéresser à autre chose.

"De nos jours, les gens sont égoïstes". Voilà le genre de bêtise que la formule provoque. Comme si l'homme de l'Antiquité ou celui du Moyen Age étaient plus volontiers altruistes. Moins fréquente, mais tout aussi stupide, la forme opposée "De tout temps", stupide parce qu'inutile. "De tout temps"? Qu'en savons-nous? Il faudrait être omniscient, connaître tous les temps pour se permettre de dire "De tout temps".

Par exemple: "De tout temps, l'homme a eu peur de la mort". Qu'apporte la précision chronologique? Rien. Il suffit de dire: "La nature humaine a horreur de la mort", qui est beaucoup plus philosophique, à condition d'expliquer ensuite pourquoi. Car "De tout temps" est une expression qui nous évite la réflexion, l'argumentation. On ne va tout de même pas justifier quelque chose si le temps est là pour en témoigner et l'imposer.

Mes élèves, je vous en conjure: ne dites jamais "De nos jours", n'employez jamais "De tout temps". Méfiez-vous des mots, ne vous laissez pas bercer et berner par eux, ils sont très forts pour ça.

lundi 9 février 2009

La pluie et puis...

Pour corriger mes copies, je m'installe en bas, dans le salon, ou bien en haut, dans la mansarde. C'est selon le temps. Quand il fait clair, que la lumière entre, c'est le salon. Quand il fait gris, je suis comme un poisson qui remonte à la surface, en recherche d'oxygène. Sauf que c'est de lumière dont j'ai besoin. Il faut que les belles feuilles blanches soient éclatantes. Ça aide à corriger.

Quand il fait sombre, c'est généralement qu'il pleut. Dans ma mansarde, la table est sous un vasistas. J'entends les gouttes qui tombent sur le verre, pas très loin de ma tête. C'est bien aussi pour corriger. Les crépitements de l'eau donnent du rythme à mon travail, renforcent ma concentration. Là-haut, aucun bruit de la rue ne vient me distraire. La pluie qui frappe est un petit tambour qui me dit: vas-y, continue, n'arrête pas, dépêche-toi.

C'est le cinquième travail de l'année donné par mes élèves. Les premiers, les feuilles sont, malgré les noms et prénoms, anonymes, je ne connais personne, pas assez, pas encore. Je corrige vraiment un écrit, je ne juge pas une personne (comme au bac). Mais arrivés en février, nous avons dépassé la moitié de l'année scolaire (déjà!), et devant une copie, ce ne sont pas seulement des mots et des phrases que je lis, c'est un visage et un comportement que je vois.

On a beau vouloir et devoir être impartial, ne juger que le produit fini, son auteur nous vient à l'esprit, et perturbe quelque peu l'objectivité souhaitable. A un élève peu attentif en classe, nous serons moins enclin à l'indulgence. A un élève particulièrement sérieux mais dont les résultats sont cependant insuffisants, nous serons naturellement portés à la mansuétude.

Une réaction bien légitime conduira à sanctionner l'un et à encourager l'autre. Ce serait vraiment injuste si je n'avais prévenu les élèves: une évaluation, c'est un tout; l'essentiel est dans ce que vous faites, mais je ne suis pas indifférent à ce que vous êtes. A bon entendeur salut!

dimanche 8 février 2009

Une gêne.

Simon, l'élève de mon lycée responsable de l'UNL (Union Nationale Lycéenne), m'a envoyé ce week-end plusieurs courriels, un peu désespérés, dont je vous résume la teneur: les lycéens sont découragés, les profs ne bougent pas contre la réforme Darcos, alors qu'ils sont les premiers concernés: les lycéens sont là pour trois ans, les enseignants pour au moins trente ans (sic). "Tout seul, on n'arrivera à rien", m'écrit Simon.

Je lui réponds ce que je lui ai déjà répondu: un professeur ne peut pas déontologiquement laisser croire qu'il manipule, encourage, influence, de quelque façon que ce soit, les élèves. Il faut être rigoureux et strict sur ce point. Sinon, l'école publique serait soumise à toute sorte de dérives. Un front commun "profs-lycéens" me gêne. Rien ne nous empêche de nous retrouver ensemble dans les grandes manifestations intersyndicales. Mais organiser un mouvement spécifique, non, ça me gêne.

Je suis un peu surpris que les lycéens aient à ce point besoin du soutien des profs. Par le passé, ce genre de mouvement était autonome et tenait à son autonomie, quand il n'était pas parfois, mais il y a bien longtemps, anti-profs. Signe des temps?

Le problème de fond, c'est que la réforme est suspendue, que le gouvernement repart de zéro, en gardant certes son intention de changer le lycée. Je vois mal comment, dans ces conditions, le mouvement lycéen pourrait être réactivé. Des débats seront organisés, au sein de l'Education Nationale. Les lycéens auront la parole. Je crois que c'est surtout dans ce cadre-là que leur cause pourra avancer.

samedi 7 février 2009

L'exorcisme des préjugés.

J'ai évoqué hier les vaches philosophes. C'est Nietzsche qui affirmait que penser, c'était ruminer, prendre les idées, les faire aller dans cet estomac un peu spécial qu'est le cerveau, les malaxer ensuite dans la bouche. Le philosophe comparait aussi la réflexion au flair du chien: pister une idée, la sentir, la suivre, remonter à son origine.

Quelle que soit l'image employée, c'est de la lutte contre les préjugés dont il s'agit. J'ai parlé de la religion, mais ce n'est guère mieux, c'est même pire avec la justice et le droit, une notion que nous avons commencé hier avec les Littéraires. J'ai prévenu: notre société véhicule beaucoup de clichés, d'idées fausses, de préventions à l'égard du système judiciaire (qu'il faut bien aborder quand on réfléchit sur la justice).

Les élèves, comme la plupart de nos concitoyens, ignorent tout des bases du droit. Chaque année, je me bats contre les grosses bêtises, de celles qui font dire que la justice n'est pas juste, que la loi c'est n'importe quoi, que les procès donnent raison aux riches et aux puissants, etc. Qu'on critique la justice à l'aide d'arguments, c'est une chose; qu'on ressasse des appréhensions, des approximations, des rancoeurs, c'est autre chose, qui n'a pas sa place en philosophie.

Car je crois que les réactions à l'égard de la justice sont négatives parce que nous la craignons, parce qu'elle est capable du pire pour un homme: le priver de sa liberté, et dans certains pays de sa vie. Pourtant, paradoxalement, dans la société contemporaine, les individus ont de plus en plus recours à la justice, ainsi adorée et détestée.

Bref, les élèves sont les enfants de leurs parents, de leur milieu, de la société, et ils en reproduisent les préjugés, qui sont du plus mauvais effet dans une dissertation. M'étais-je appliqué à expliquer tout ceci que deux élèves, dont l'une très habituée à la prise de parole, se sont exprimées... pour me contester et, involontairement, me donner raison, puisque par leur bouche sortaient les préjugés, sur un mode certes atténué, que je venais de dénoncer.

Nous avons débattu, j'ai argumenté, sans me faire grande illusion. Mais je me suis vu en prêtre administrant un exorcisme à la classe, les démons à chasser étant les préjugés, et deux corps de possédés s'agitant, attestant ainsi de l'efficacité de mon eau bénite philosophique. Vade retro!

L'amusant, c'est qu'hier soir, j'étais à Soissons pour animer un café-philo (quelle semaine! Laon lundi, Bernot mercredi, Bohain jeudi, Soissons vendredi!), que le sujet portait sur "Foi et loi" et qu'une participante a répété presque mot pour mot les préjugés des élèves, qui sont les préjugés de tous, ce pessimisme à moitié irrationnel sur la justice. Philosophe exorciste, voilà quel devrait être mon métier! Et j'aurais du travail!

vendredi 6 février 2009

Les vaches philosophes.

Chacune des notions que le programme de philosophie nous demande d'étudier a ses difficultés. Je commence souvent par les rappeler, en préambule à l'étude d'une nouvelle notion, avant de travailler un exercice du baccalauréat, dissertation ou commentaire de texte. Ainsi, cette semaine, nous avons abordé avec mes Littéraires la religion. J'ai prévenu: il y a parmi nous des croyants, des incroyants et des indifférents. Mais pour tous, la difficulté est la même: passer outre son enthousiasme, son rejet ou son désintérêt pour la religion afin d'aller, comme pour n'importe quelle autre notion, vers un examen objectif, détaché, critique.

Sinon, gare aux préjugés! Le croyant ne voudra pas interroger sa foi tellement elle lui semble évidente, l'athée ou l'anticlérical ne fera aucun effort pour approcher une pensée qui lui est étrangère, l'agnostique ou le goguenard n'ira pas plus loin qu'un sourire de dédain ou de commisération. "Ne pas rire, ne pas pleurer, comprendre", conseillait Spinoza. Je dirai autrement: ne pas aimer, ne pas détester, ne pas ignorer, réfléchir. Le croyant aime trop, l'incroyant déteste trop, l'agnostique ignore trop.

Pas facile? J'en conviens. C'est pourquoi c'est de la philosophie, c'est pourquoi aussi c'est un travail scolaire. Impossible? Mais si, puisque c'est un travail, à prendre comme tel. Je ne demande pas au croyant d'abjurer, à l'athée de se convertir, à l'indifférent de se passionner, je leur demande de philosopher. J'utilise parfois cette image, qui vaut ce qu'elle vaut, comme toute image: laisser votre ferveur, votre antipathie ou votre torpeur au vestiaire; dans la classe, ne pensez qu'à penser, c'est le job. Une fois dehors, vous reprenez vos convictions, vos répulsions et vos mépris. La classe, la rue, chacun chez soi et les vaches seront bien gardées.

jeudi 5 février 2009

Sortie.

Avec ma classe de Première, en ECJS, nous préparons la Journée mondiale contre le racisme, le 21 mars, que nous célébrerons la veille, puisque le 21, c'est samedi, que le lycée est fermé. Nous avons choisi comme thème de travail l'homophobie, et la méthode, un sondage auprès de la population de notre ville. Nous avons rédigé un questionnaire, que voici:

1- Considérez-vous l'homosexualité comme une maladie?
2- Seriez-vous gêné d'apprendre que votre enfant est homosexuel(le)?
3- Etes-vous choqué par la Gay Pride?
4- Faites-vous une différence entre homosexualité et pédophilie?
5- Avez-vous déjà été témoin d'un propos ou d'un acte homophobe?
6- Est-il normal que l'homophobie soit condamnée par la loi?
7- Faut-il autoriser le mariage entre homosexuel(le)s?
8- Faut-il autoriser l'adoption d'enfants par des couples homosexuel(le)s?

Une sortie avec des élèves, même pendant une heure, même pas très loin de l'établissement, c'est toute une histoire. Ils étaient seulement dix (j'ai la classe en demi-groupe), mais il faut surveiller: les élèves, en dehors de l'enceinte scolaire, se sentent comme libérés de leurs obligations. Je leur ai demandé, d'emblée, de rester groupés dans la zone piétonne du centre ville, là où les passants sont nombreux, là où ils peuvent facilement les interpeller.

En gros, ça s'est bien passé (en plus il faisait beau!). J'ai appris des élèves une nouvelle expression: "avoir des vents" (je suppose que ça s'écrit ainsi), qui signifie "essuyer des refus". La question n° 6 a prêté à contresens: beaucoup d'interviewés ont entendu homosexualité au lieu d'homophobie. Les élèves semblaient enthousiasmés par ce petit travail.

Sauf qu'en faisant le tour du groupe qui inévitablement s'était éparpillé, j'ai constaté quatre disparitions! Mon tour pourtant a été très large, j'ai parcouru le périmètre que j'avais demandé aux élèves de respecter. Rien, personne! Et pendant toute l'heure. A la fin, au moment de partir, les revoilà, deux par deux. Où étaient-ils? Les deux filles me disent qu'elles n'étaient pas loin, tout à côté. Moi, j'ai eu beau regarder, je n'ai rien vu. La preuve par les questionnaires remplis? Pas ça, pas à moi... Elles pouvaient fort bien compléter elles-mêmes le questionnaire.

Les deux garçons, dans la même situation, se sont montrés plus bêtes ou plus effrontés. L'un m'explique qu'ils ont suivi quelqu'un qui marchait pendant qu'ils l'interrogeaient. Du coup, ils se sont retrouvés dans une rue hors de la zone piétonne et y sont restés. Bin voyons! On ne dit pas autre chose quand on veut prendre un prof pour un con. J'ai engueulé copieusement les quatre lascars, qui seront obligés, quand nous nous reverrons dans quinze jours, de me faire un compte-rendu détaillé de leur questionnaire, et ce sera noté. Une sortie scolaire n'est pas une promenade, et je déteste qu'on me prenne pour un imbécile.

mercredi 4 février 2009

Notation administrative.

Il n'y a pas que les élèves qui soient notés dans l'Education Nationale, il y a aussi les enseignants. Deux fois: par l'inspecteur de notre discipline, en ce qui me concerne une fois environ tous les sept ans, et par le proviseur, chaque année. La première note est qualifiée de pédagogique (elle porte sur la qualité de mes cours), la seconde d'administrative (elle concerne ma présence dans l'établissement). Cette semaine, j'ai reçu ma "notice annuelle de notation administrative". J'ai 39,2. Ça ne vous dit rien? Moi non plus!

Ce qui est plus parlant, ce sont les appréciations, d'abord détaillées en trois points: ponctualité/assiduité, activité/efficacité, autorité/rayonnement. Ne me demandez pas trop ce que ça signifie. Je n'en sais pas plus que ce qui est écrit. C'est assez subjectif. Je n'ai pourtant pas à me plaindre: j'ai trois "Très bien". Ça n'a pas toujours été le cas. En début de carrière, je n'étais pas très bien noté. J'étais ce qu'on appelle un turbo-prof, ne restant dans l'établissement que pour les cours. Pour le "rayonnement", c'était complètement raté. A ça s'ajoutait l'image de quelqu'un de discret, qui ne s'implique pas trop. Mauvais, très mauvais.

Je suis allé voir le proviseur, c'était il y a une douzaine d'années. Il m'a dit ce que je viens de vous dire. J'ai décidé alors de prendre ma revanche: on ne me voit pas assez? Eh bien, je serai le prof dont on parlera le plus, y compris en dehors de l'établissement. Je ne suis pas actif? Eh bien je deviendrai hyperactif. Et ça a marché! Il y a des petits blessures à peine narcissiques qui peuvent vous mener très loin.

Je vous livre maintenant l'appréciation générale de mon chef d'établissement: "Impliqué, sérieux et motivé, M. MOUSSET continue d'assurer un service de grande qualité fort apprécié des élèves et s'implique activement dans la vie de l'établissement".

La notice, en bas, demande à l'intéressé de prendre connaissance, de signer et d'apporter d'éventuelles observations. J'ai signé et j'ai failli ajouter: "Très vrai".

mardi 3 février 2009

Maître de soi ou pas.

Seulement neuf copies corrigées aujourd'hui, alors que j'avais toute la journée devant moi! Certes je n'ai pas glandé, mais tout de même, à ce rythme de tortue, j'en aurais pour plusieurs semaines à venir à bout de mes paquets. Il faut impérativement que ce soit terminé et rendu la semaine prochaine, au plus tard fin de semaine. Bon, pas de panique, j'ai encore un peu de marge. Mais attention!

"Qu'est-ce qu'être maître de soi?" Passées les banalités, les dissertations recèlent quelques étranges surprises. La maîtrise de soi est un vieil idéal philosophique et moral: contrôle des désirs, exercice de la volonté, organisation de l'existence. On trouve cet objectif chez les Stoïciens et bien d'autres. Son problème? Sa réalisation: est-il vraiment possible de se maîtriser, du moins totalement et durablement? C'est la figure du sage et de son effectivité qui sont alors remises en question.

Mais j'étais loin de me douter que certains élèves iraient jusqu'à dévaloriser l'idéal même d'une maîtrise de soi, en faire quelque chose de moralement contestable, tellement cette figure parait supérieure, parfaite, intouchable. Ce n'est pas son irréalité qui les a interpellés, c'est au contraire sa critiquable réalité. Voici deux extraits de dissertations, et vous allez comprendre:

"Être maître de soi, c'est ne pas avoir confiance en soi réellement. Nous pouvons imaginer que l'individu qui n'a pas confiance en lui est incapable de vivre simplement sans être strict avec lui même. Cela viendrait peut-être du fait qu'il n'est pas assez épanoui pour être sûr de ce qu'il fait. Être maître de soi, c'est donc ne pas accepter être libre, à cause d'un manque de confiance qui viendrait d'un manque d'épanouissement".

"Cette sorte de contrôle de soi a une connotation inhumaine. En effet, l'homme n'est-il pas différent de la machine grâce à l'expression d'émotions? Bien qu'handicapant souvent l'homme, l'expression de sentiments violents (haine, tristesse, joie) sont ceux qui le définissent malgré tout en tant qu'être humain. La maîtrise entière de soi peut être également un mécanisme de protection. En effet, on peut penser que le fait de cacher ses émotions permet de ne pas mettre en avant ses points faibles et ses blessures pour éviter que d'autres ne s'en servent pour nous blesser. Il s'agit dans ce cas d'une peur des autres et d'un manque de confiance en soi que le fait d'être maître de soi peut camoufler".

Voilà ce que peuvent penser et écrire des lycéennes d'aujourd'hui (pour la totalité de leur travail, la première a eu 14 et la seconde 15). Dans notre société contemporaine où il faut être cool, fun, spontané, sincère et sentimental, la maîtrise de soi est une règle éthique qui passe mal. Après tout, pourquoi pas?

lundi 2 février 2009

Enervés et énervants.

Il a neigé trois flocons ce matin sur Saint-Quentin. Cela a suffi pour que j'ai plus d'absents que d'habitude dans mes classes! Certains élèves sont même venus puis repartis plus tôt que prévu à cause de la neige. Et nous vivons dans le Nord de la France! Qu'est-ce que ça doit être pour ceux qui sont dans le Sud!

Est-ce aussi cette menace blanche venue du ciel qui a fait que mes Littéraires m'ont semblé énervés? En tout cas, ils étaient énervants. A moins que ce soit l'étude du Zarathoustra qui traînait peut-être en longueur? Nous avons tourné définitivement la dernière page ce matin. A moins que ce soit une perturbation venue d'une improvisation? En effet, j'ai voulu avancer dans le programme, ne pas revenir sur le devoir (notion que nous avions interrompue avant les vacances de Noël) mais passer directement à la religion. D'autant que le devoir, la philosophie morale, nous les retrouverons. Sauf que je n'avais pas mon cours sur la religion.

Pas grave: je peux m'adapter. Mais les élèves? J'ai pris au CDI les annales du bac, dans lesquelles j'ai pioché un sujet de dissertation: La religion n'est-elle qu'une affaire privée? Puis j'ai improvisé, avec l'aide des élèves, dont la concentration laissait à désirer. Leur attention était pour le moins dispersée. Pas bon du tout. Les vacances de février, ce n'est pas pour maintenant, c'est dans trois semaines! Pourtant, la séance avait bien commencé, avec ce beau geste de la classe qui va collecter de l'argent pour offrir quelque chose à la prof d'histoire-géo qui a été hospitalisée.

Ce soir, je suis allé à Laon, pour animer un café-philo (j'ai quatre animations cette semaine, à l'extérieur de Saint-Quentin!). Le sujet: Être ou ne pas être bourgeois? That is the question, oui, je sais... C'est l'association Les Petits Socratiques qui organisait, au restaurant Maître Kanter. Nous étions peu, huit autour d'une table, de quoi a priori décourager. Mais non! La pensée n'est pas dans le nombre, même s'il vaut mieux être nombreux. J'ai réussi à installer une ambiance, l'essentiel est là. Et je suis reparti heureux comme si nous avions été cinquante. Mais pas plus bourgeois pour autant...

dimanche 1 février 2009

Un dimanche gâché.

Il y a des jours avec et des jours sans. C'est comme ça, on n'y peut rien, ou pas grand-chose. Aujourd'hui, pour moi, c'était un jour sans. A cause de trois maudites copies. Depuis une semaine et pour encore une semaine, j'ai mes trois paquets, les travaux de mes trois classes sur ma table, devant moi. Je prends mon petit-déjeuner en leur présence, je déjeune en les regardant, je dîne avec elles. Elles ne me quitteront pas tant que la dernière ne sera pas corrigée, tant que les trois tas de feuilles ne seront pas remplacés par trois autres, puisque ce sera dans quinze jours le bac blanc, et autant de nouvelles corrections en perspective (ce seront mes vacances de février!).

Mais revenons à ce dimanche et à ce paquet qui, petit à petit, diminue sous mes yeux, mais pas à vue d'oeil, car sa descente est aussi lente que la fonte des neiges. Mais à chaque jour suffit sa peine. L'important, c'est de bien commencer la journée, les premières copies. Quelques bonnes dissertations vous mettent dans de meilleures dispositions, une bonne humeur, on voit la vie et la classe autrement, d'un bon oeil. Les élèves croient être les seuls à être heureux de leurs bons résultats. Un professeur l'est encore plus.

Mais pas moi aujourd'hui, hélas. Le hasard m'a fait tirer trois très mauvaises copies. Je n'ai pas eu la main heureuse. La première est un contresens total: à la question "Qu'est-ce qu'être maître de soi?", l'élève me parle de la liberté, des droits et des devoirs de l'homme, de la démocratie. Il a manifestement confondu maîtrise de soi et liberté. Résultat: cinq. Je ne peux pas mettre plus, après cinq mois de philosophie. Cet élève a bêtement retenu que j'avais fait un récent cours sur la liberté, il a donc parlé de la liberté, alors que la question posée renvoyait beaucoup plus au désir (et à son contrôle) qu'à la liberté.

La deuxième copie est une catastrophe absolue: l'élève est arrivé en retard (c'était un devoir surveillé), il a tout de même disserté trois heures (sur les quatre prévues), il n'a su que rédiger un peu plus d'une page, mal écrite, des phrases sans queue ni tête, quelque chose qui ne ressemble à rien, ni fait ni à faire. Ce "travail" a dû lui prendre quinze minutes, après quoi je suppose qu'il a quitté la salle. S'il est resté trois heures, c'est encore pire: tout ça pour ça! J'aurais été en droit de mettre zéro. Je lui ai mis un. Un! Ça ne m'arrive pas souvent. Je peux tout accepter, sauf ça.

La troisième copie est en apparence intéressante, il en ressort une sorte de motivation, mais c'est une illusion. Quand on lit de près, on constate que l'élève ne répond pas, ou peu, à la question, qu'il la contourne au profit d'un blabla peut-être séduisant, mais qui passe à côté de ce qui est demandé. Résultat: cinq. Quelle journée! Heureusement, la suite n'est pas du même acabit. Mais il n'empêche qu'ouvrir par un contresens, une absence de travail et un hors sujet, accompagnés d'un cinq, un et cinq, ce n'est pas ce qu'on peut attendre et espérer de mieux d'un dimanche.