mercredi 18 février 2009

Histoire belge.

Aujourd'hui, c'est la première fois dans ma vie d'enseignant, quinze ans, que j'étais officiellement accompagnateur d'un groupe d'élèves hors de France. Oh pas très loin, juste à côté de la Picardie: en Belgique. 48 élèves, tous délégués de classe, du lycée Henri-Martin mais aussi du lycée de Villers-Cotterêts, puisque que tous les deux sont lycées européens. Vous avez deviné sans doute notre destination: Bruxelles, le Parlement européen.

Le départ devant mon lycée était fixé à 6h45. Le car de Villers devait passer nous prendre. A 7h00, toujours personne. Première petite anxiété de la journée, provoquée par un simple retard vite rattrapé. Le car arrivé, nous partons, en compagnie des proviseurs des deux établissements, d'un des adjoints, des CPE, d'une surveillante et de moi. Ajoutez à tout ce beau monde une journaliste de la presse locale, pour couvrir l'événement, et le tour aura été complet.

Je m'installe parmi les élèves, au milieu du car. Je fais ce qu'on fait toujours dans un car: je sommeille, en entendant vaguement les discussions alentour sans les écouter vraiment. Des filles parlent de leurs beuveries, de shit et de flirts. Je m'endors. Ai-je bien entendu ou cauchemardé?

Sur place, la matinée est consacrée à la visite du centre ville. Il faut régulièrement compter et recompter les élèves, et régulièrement on ne tombe pas d'emblée sur le même nombre. A midi, quartier libre d'une heure: chacun mange où il veut avec qui il veut. Les lycéens se dispersent, les adultes restent ensemble. C'est Henri-Martin qui régale. Nous choisissons "Chez Léon": en Belgique, ça s'impose.

Moules-frites-bière pour presque tout le monde. Comment faire autrement? Je me précipite sur les coquilles pour les porter à ma bouche (la marche m'a largement ouvert l'appétit). Mais je m'aperçois que mon proviseur, juste à côté, utilise avec maestria sa fourchette pour s'emparer des mollusques. Je me calme et je prends modèle sur lui. Sauf que le proviseur de Villers a trouvé une astuce qu'il nous recommande: se servir d'une coquille ouverte pour extraire la chair de la moule. Il fallait y penser (moi en tout cas je n'y avais pas pensé). Mais pour se faire, il faut utiliser ses mains, que mon proviseur appelle joliment "les pinces d'Adam" (expression que je ne connaissais pas). Comme quoi les sorties pédagogiques enrichissent la culture générale...

A la fin du repas, un beau jus reste au fond de l'assiette. Et ce fond est profond. J'en ai envie. Je me saisis de la cuillère qui nous a été donnée (mais pour quoi?) et j'arrête assez vite. Les proviseurs, qui ont dans leurs assiettes la même profondeur de jus que moi, ne font pas comme moi, ne font rien. Sauf le proviseur de Villers, décidément astucieux, qui se sert d'une coquille en guise de petite cuillère. Ce qui ne permet tout de même pas d'écluser la totalité du jus. Je m'abstiens, je repose mon instrument, je me soumets à ma hiérarchie, en bon fonctionnaire. Et tant pis pour le jus de moules...

L'après-midi, nous sommes reçus par une assistante parlementaire, puis nous prenons place devant l'hémicycle. La journée se termine sous l'atomium, ce gigantesque hommage à la science moderne. Et puis nous repartons. Le CPE, qui a magistralement organisé et guidé cette sortie, chante l'hymne national belge dans le car du retour. Les élèves, fatigués et énervés, chantent aussi, mais pas l'hymne belge. Pour occuper les esprits, on nous passe un film débile où Jack Nicholson joue un rôle comique (ce qui ne lui réussit pas toujours).

Franchis la frontière qui n'existe quasiment plus, les lycéens se remettent à leurs téléphones portables, dont ils avaient été privés d'utilisation pendant toute la journée, faute de réseaux et de forfaits internationaux. Devant Henri-Martin, je sors fatigué, et un goût de moule dans la bouche. Prochain accompagnement scolaire dans quinze ans?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui le proviseur de Villers a raison, les mangeurs de moules se servent toujours de coquilles vides pour manger les suivantes. Pour le jus de moule, l'habitude est de mettre le reste des frites dedans et ensuite de les manger avec la fourchette. C'est délicieux !
:)

Emmanuel Mousset a dit…

J'ai donc commis une faute protocolaire et de bienséance en portant la coquille à ma bouche. Mais je n'ai vu hier personne plonger les frites dans le jus. Je ne doute pas que ce soit délicieux: il n'en reste pas moins que le jus ne peut pas être entièrement épongé de cette façon-là. Ai-je commis une deuxième erreur de protocole et de bienséance en me servant de ma cuillère?

Anonyme a dit…

C'est normal !! Devant un proviseur vous pensez que les gens font comme à la maison ? On fait ça en famille... Non il n'y a pas d'erreur de protocole, on peut aussi très bien boire le reste du jus à la cuillère ;)

Emmanuel Mousset a dit…

Je ne voyais aucun mal, ni aucune vulgarité, à porter la coquille de moule à ma bouche, en public ou en privé, devant un proviseur ou en fammille. Je pensais que tout le monde faisait ainsi. C'est tellement plus pratique! Voilà en tout cas une belle leçon d'humilité... et de bonnes manières.

Pour la cuillère, êtes-vous certain?