samedi 13 mars 2010

L'année d'après.


En philo, un prof reste un an avec les élèves, neuf mois à peine, et puis plus rien. C'est assez frustrant. Que sont-ils devenus ? On aimerait bien le savoir. Une nouvelle rentrée, une autre classe, l'oubli nous rattrape toujours. Il y a ces visages qu'on croise, qui disent vaguement quelque chose, sur lesquels on ne parvient pas à mettre de nom, qu'on n'est même pas certain d'avoir eu comme élève. L'année scolaire est si vite passée.

Et puis, il y a des élèves qui ont marqué, qui sont restés en mémoire, mais qu'on n'ose pas interpeller parce qu'on ne sait pas vraiment s'ils ont envie de revoir leur prof. Je comprends aussi : un prof, est-ce vraiment quelqu'un qu'on a envie de revoir ? Pas tous, pas nécessairement. Et pour quoi ? La vie continue, les études aussi, de nouveaux profs entrent dans notre existence, pourquoi revenir en arrière, l'année d'après ?

Camille intervient de temps en temps dans les commentaires de ce blog. C'était l'an dernier une excellente élève en Littéraire, "la meilleure élève" comme on dit. Si vous reprenez les archives 2008-2009, vous la rencontrerez dans certains billets, j'en suis sûr. Moi c'est dans la gare de Saint-Quentin que je l'ai croisée, il y a quelques semaines, sans la reconnaître vraiment, sans surtout avoir la discourtoisie ou l'audace de m'approcher et de l'observer. J'aurais pu me tromper ! C'était pourtant bien elle.

Nous avions rendez-vous cet après-midi au Golden Pub, après s'être recontacté sur ce blog. Mais que se dire ? Et puis il y a désormais cette ambiguïté entre nous : je ne suis plus son prof, elle n'est plus mon élève. Qui sommes-nous alors l'un pour l'autre ? Une ancienne élève qui rencontre son ancien prof ? Ce n'est pas sur de l'ancien qu'on bâtit une rencontre. Le problème, c'est que quelque chose en moi reste du prof, quelque chose en elle demeure de l'élève, sans qu'il y ait à ces survivances aucune raison. D'où une relation un peu biaisée.

Pourtant, nous sommes restés une heure trente ensemble, ce qui signifie que ça s'est bien passé. Camille est en prépa, au lycée Thuillier d'Amiens, elle est toujours bonne élève. Mais nous n'avons pas parlé que scolarité. Je lui ai même livré quelques confidences auxquelles peu de personnes ont droit. De son côté, elle a moins parlé. Je crois aussi que c'est dans son tempérament. Drôle de fille, tout de même ! Je la reverrai pour la sortie scolaire du 28 mars. L'an dernier, elle était déjà là et avait lu quelques textes.


En vignette : le film qui sera diffusé lors du prochain Ciné Philo. Pas mal d'élèves se sont inscrits pour bénéficier d'une place gratuite. Il en reste. Vous pouvez me contacter lundi toute la journée au lycée.

9 commentaires:

Camille a dit…

Je vous remercie pour cet article et pour cette fin d’après-midi passée en votre compagnie. Ça m’a fait très plaisir de vous revoir.
Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire lorsque vous me décrivez comme étant une « drôle de fille », car moi aussi, je vous ai toujours considéré comme un « drôle de personnage » sans que cela ne soit péjoratif ! J’ai gardé l’image d’un homme un peu dans la lune assez mystérieux et renfermé sur lui-même !
Le vie d’un prof ne se limite pas à son enseignement, tout comme celle d’un élève à son travail scolaire, c’était donc très intéressant pour moi de découvrir un autre Emmanuel Mousset, ou du moins, le découvrir sous un autre angle, dans un autre cadre.

Camille a dit…

ce matin, je suis allée voir Disgrace, c'est un film intéressant !

Emmanuel Mousset a dit…

Tu vas souvent au cinéma !

Camille a dit…

oui, après les plaisirs solitaires que permet la lecture, le cinéma est quelque chose que j'aime beaucoup !

Emmanuel Mousset a dit…

Un livre, il suffit de tendre la main. Le cinéma, il faut se déplacer ...

Camille a dit…

Paresse quand tu nous tiens !

Emmanuel Mousset a dit…

C'est l'un des sept péchés capitaux, mais j'en connais de plus terribles.

Camille a dit…

et quels sont ces péchés qui vous affectent encore plus ?

Emmanuel Mousset a dit…

L'acédie quelquefois, et une autre tentation qu'il n'est pas séant d'exprimer publiquement.