Hier, j'ai commencé avec les Littéraires l'Histoire, avec ce premier sujet de dissertation que nous avons travaillé ensemble : Qu'est-ce qu'un événement historique ? Au brouillon, nous recherchons des idées. Pour cela, je leur demande de me fournir quelques exemples d'événements historiques à partir desquels nous pourrons réfléchir. Je leur rappelle que ces exemples doivent être indiscutables et très différents les uns des autres, afin d'élargir et enrichir notre pensée. Nous nous accordons sur cinq événements :
- La première guerre mondiale : un événement militaire.
- La prise de la Bastille : un événement politique.
- La naissance du Christ : un événement religieux.
- La découverte de l'Amérique : un événement économique.
- La conquête de la Lune : un événement technologique.
Cinq, pas tout à fait, puisque le dernier est contesté par les trois élèves en face de moi, devant le bureau, dont l'un est le meilleur de la classe. Que m'objectent-t-ils ? Que l'homme n'est pas allé sur la Lune ! Devant mon étonnement, ils se montrent plus prudents et constatent que la réalité de cette exploration est mise en doute par certains "scientifiques".
Que faire dans une telle situation ? L'argument d'autorité (l'homme est allé sur la Lune, un point c'est tout !) n'est pas digne d'un professeur, surtout de philosophie. L'autorité ne doit porter que sur les comportements, pas sur les idées (voir le billet d'hier). Me lancer dans toute une explication n'est pas le lieu ni le moment, l'exercice étant "Qu'est-ce qu'un événement historique ?" et non pas "L'homme est-il allé sur la Lune ?"
J'ai choisi une position intermédiaire et a minima, bien sûr très insatisfaisante : d'abord en affichant une stupéfaction qui avait valeur de bon sens ("Il est évident que les hommes sont allés sur la Lune"). Ensuite en avançant quelques rapides preuves ("Les cailloux ramenés par les cosmonautes ne viennent pas de leur jardin !"). Enfin en expliquant que la rumeur de la non conquête de la Lune est ancienne, motivée par l'incrédibilité de l'événement et l'antiaméricanisme.
Les ai-je convaincus ? Sans doute pas. Un enseignant peut expliquer, doit se faire comprendre. Mais convaincre, non, c'est hors de portée. Et je me dis que c'est tant mieux. Je leur ai donné des éléments rationnels et scientifiques, à eux maintenant d'y réfléchir. Mon embarras n'est que la confirmation de ce que je suis : un enseignant n'a pas à vouloir convaincre ses élèves. Mais en tant qu'enseignant, je me dois de les avertir : dans une copie de philo au bac, douter de la conquête de la Lune, ça la fiche un peu mal.
3 commentaires:
le négationnisme ne touche pas que les plus cons des historiens, il va même jusque sur la Lune ! c'est incroyable !
annyme - le terme négationniste est fort , vu qu'il concerne tendance à nier ou à minimiser la réalité de la Shoah , là je ne vois même pas la raison pour laquelle employer ce mot puisqu'on ne parle pas de Shoah, comparer ses éléves aux négationnistes me parait donc exagéré . Scepticisme me parait plus juste comme mot
Maxime,
Tu as raison de dire que le terme de négationniste n'est pas adapté, car trop fort. Mais celui de scepticisme me semble trop faible. Personnellement, je suis quelqu'un de très sceptique, mais ça ne m'empêche pas de penser que les hommes sont vraiment allés sur la Lune, tellement c'est évident.
Je propose le terme de révisionniste : certaines personnes "révisent" l'Histoire au gré de leurs peurs et de leurs fantasmes. Ainsi ceux qui pensent que l'homme n'est pas allé sur la Lune.
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