samedi 31 octobre 2009

Le lieu du crime.


Corriger une copie d'élève, c'est commettre un crime. J'extorque à quelqu'un qui ne m'a rien demandé ni fait aucun mal le fruit de son travail, je me permets de le juger alors que nous savons la fragilité de la pensée, j'attribue une note qu'un autre prof pourrait fort bien ne pas suivre, je marque au fer rouge la page blanche et la réputation de l'élève. Évaluer c'est voler, quelque chose, quelque part. Je crée des illusions quand la note est bonne, je produis du désespoir quand elle est mauvaise. Voilà le crime, voici en vignette le lieu du crime.

Je m'y suis mis sérieusement aujourd'hui. Le paquet des Littéraires (j'ai commencé par lui) a bien avancé. Je l'aurai terminé demain, c'est certain. Le lieu du crime, c'est ma mansarde. On peut corriger en de nombreux endroits. Je connais des collègues qui font ça dans des cafés. C'est sympa et sartrien. Je ne suis ni sympa ni sartrien. Café philo d'accord, mais pour les corrections non.

Dans le train, pourquoi pas, quand le voyage est long, qu'on a du temps. Il n'y a alors que le paysage qui peut nous distraire de notre travail. C'est bien mais ça bouge, les annotations sont pénibles et tremblantes. Et puis, je ne vais pas me payer un aller et retour dans mon Berry natal à chaque fois que j'ai des copies à corriger !

Certains collègues, parmi les plus jeunes, font le boulot au bahut, dans la salle des profs. Ils veulent rentrer le soir sans avoir le lycée, les classes, les élèves, les copies dans leur maison. Ça ne me viendrait pas à l'esprit. J'ai besoin d'intimité pour commettre mon crime. Mon salon, pas question : c'est pour les repas, les invités, pas pour ce travail de boucher qui consiste à corriger environ 90 copies.

Alors je m'élève, je me rapproche du ciel, je m'installe dans le point haut de ma maison, sous les toits, derrière un vasistas qui m'aspire dans l'espace (il fait nuit sur la photo). Le décor est sommaire, c'est une cellule d'ascète, murs blancs et planche de bois pour table. Car rien ne doit me distraire. Sauf les oiseaux, les nuages et les anges au-delà de la vitre : ils sont là pour reposer mon esprit, m'inspirer éventuellement une note qui m'échappe, que je saisis mal.

Élèves, voyez le lieu où vous allez être jugés, cuisinés, mangés. Cette pièce a la sobriété d'un tribunal. Mais j'y commets ce crime d'apposer un chiffre sur un être humain. Ils le savent bien : au moment de la remise des copies, c'est le grand silence, la peur de la mauvaise note. La blancheur de mes murs, la dureté de ma table s'imprègnent sur leurs copies. C'est redoutable. C'est ça être élève, c'est ça être prof.

vendredi 30 octobre 2009

Le passé a du bon.


Je me suis rendu ce matin au Centre social Saint-Martin, pour préparer la manifestation Bonjour Monsieur le Maire. Je ne sais plus si je vous en ai déjà parlé. Dans le cadre des 500 ans de l'Hôtel de Ville de Saint-Quentin et de l'association Rencontre Citoy'Aisne, nous organisons un débat avec le maire, afin de mieux faire connaître le fonctionnement d'une municipalité. L'objectif, auquel je tiens, c'est de faire comprendre aux citoyens l'intérêt qu'il y a à aller voter. Souvent, on parle de devoir civique, et on a raison. Mais je préfère quand même qu'on sorte du domaine de la morale (trop envahissant dans notre société) pour aborder la question sous l'angle de l'utilité.

Dans cet objectif, j'ai sollicité mes élèves (ça entre tout à fait dans les préoccupations de l'ECJS) et tout un tas de structures saint-quentinoises. Ce matin donc, c'est à Saint-Martin que j'ai rendu préalablement visite. C'est que ce genre de rencontre (qui aura lieu le 10 décembre au Palais de Fervaques) ne peut pas s'improviser. La liberté de questionner le maire sera totale, c'est ce qui fera l'intérêt de l'opération, ouverte à tous. Mais il faudra bien organiser, éviter les répétitions, les demandes personnelles ou trop vagues.

Frédérique, la directrice, m'a beaucoup aidé. Elle a de l'influence sur son monde, et une pêche énorme ! Elle me fait penser à Marie-Claude (nous étions d'ailleurs ensemble mercredi au funérarium). Elle fait partie de ces militantes de l'éducation populaire, du milieu socio-éducatif, de l'animation culturelle qui apportent beaucoup aux activités péri et post scolaires, même si c'est hélas moins en vogue aujourd'hui qu'il y a trente ans.

Sinon, je me suis mis aux dissertations. Enfin ! Quatre seulement, c'est pas grand-chose mais c'est un début ! En vignettes, les prochains sujets, à remettre courant novembre.

Au fait, savez-vous pourquoi j'ai appelé la rencontre avec le maire Bonjour Monsieur le Maire ? Parce que c'était l'une des émissions radiophoniques les plus populaires dans les années 60, animée par Pierre Bonte, sur Europe 1, vers 7h00 du matin. On nous faisait découvrir une commune de France par la bouche de son premier magistrat. J'écoutais ça en prenant mon petit déjeuner, avant de prendre le chemin de l'école primaire. Avant d'entrer en classe, mon instruction civique avait déjà commencé. Aujourd'hui, j'interroge autour de moi, qui ne suis tout de même pas un vieillard : plus personne ne se souvient de cette émission-là ! Le passé avait quand même du bon. J'ai encore en tête la chanson du générique. Qui sait si le 10 décembre je ne vais pas me mettre à l'interpréter ...

jeudi 29 octobre 2009

Allez sur le Net.




Si vous souhaitez suivre en vidéo ma conférence de samedi soir sur Les hommes et la nuit, entrez dans le site de "astro club 02" et cliquez sur "Le Jour de la Nuit, à Urvillers".

Si vous souhaitez consulter le compte-rendu du café philo parisien de ce dimanche, cherchez le site "café philo des phares" et cliquez sur le sujet : "Qu'est-ce qu'une mauvaise vie ?" Vous lirez les commentaires et vous pourrez vous-mêmes, pourquoi pas, en déposer.

En vignettes, le dernier numéro de LHM Flash, où vous apprendrez quels sont les noms des élu(e)s qui siègent au Conseil d'administration du lycée.

mercredi 28 octobre 2009

Salut Marie-Claude.


Marie-Claude Wachel est morte il y a quelques jours. Elle avait à peu près mon âge. Je suis allé cet après-midi à ce qu'on appelle la levée du corps, au funérarium. La dernière fois que j'ai vu Marie-Claude, c'était avant l'été, sur son lieu de travail, le Centre social de Guise. Un anniversaire avait été fêté je crois, tout le monde était un peu pompette, Marie-Claude riait, pleine de vie, comme à l'accoutumée. Nous avions plaisanté sur l'ivresse qui inspire des idées (elle préparait une expo et cherchait l'inspiration).

Cette ultime image renvoie à bien d'autres : Marie-Claude était active, dynamique, enthousiaste quand il s'agissait de monter un projet. C'est par la vie associative que je l'ai connue. On pouvait compter sur elle. Dans un monde où la passion n'est pas toujours présente, elle se distinguait et je l'avais remarquée.

Notre plus beau projet commun, mémorable, et le meilleur que j'ai pu mettre en place ces dernières années, c'est la célébration des 40 ans de Mai 68, où nous avions organisé quelque chose d'un peu fou : une manif à la fois parodique et commémorative dans les rues de Guise. C'est la photo qui me restera de Marie-Claude, avec sa pancarte "Nous sommes le pouvoir", et dans sa main gauche les textes que nous chantions tout au long du trajet, à la grande surprise de la population (au fond, vous reconnaissez le familistère Godin).

Marie-Claude et tout le Centre social avaient énormément travaillé pour assurer le succès de cette initiative. Le soir, quand tout s'est terminé, nous avons juré de faire encore mieux, plus grand, plus beau pour les 50 ans de l'événement, en 2 018. Quelqu'un a dit alors, je ne sais plus qui : "Si nous sommes encore là". Marie-Claude ne sera pas là, mais dans neuf ans maintenant, je ferais quelque chose, et je penserais à elle, si moi aussi je ne suis pas parti.

Le funérarium est un étrange endroit, où la mort, hors de tout contexte religieux, se cherche un style. L'entrée laisse écouter un écoulement d'eau qui rappelle l'ambiance zen japonaise. Les murs et l'ameublement ont quelque chose d'égyptien (c'est du moins ainsi que je le perçois), le plafond bleu nuit fait songer aux temples maçonniques. La chambre funéraire montre des fresques un peu mièvres, fades. C'est tout le paradoxe d'une atmosphère vaguement spiritualisée, qui ne relève d'aucune grande tradition, et qui du coup met mal à l'aise. On a un sentiment de bricolage, de fabriqué. Au moins, une église et sa cérémonie, même si on n'adhère pas, on sait à quoi s'attendre, il y a du sens.

Dans ce genre de situation, il est bon de penser (on n'a pas trop le choix !) à la mort, qu'on a tendance généralement à refouler. On vit, on meurt. D'un jour à l'autre, comme pour Marie-Claude, tout peut s'arrêter. On fait quoi avec ça ? L'oublier, s'en moquer, lui donner une signification ? Je ne sais pas. Je vais dire une banalité (mais la mort est affreusement banale) : il faut profiter de la vie, et songer à la mort pour relativiser nos drames personnels, qui sont souvent de tout petits drames.

Dans les programmes de philo, quand j'ai commencé à exercer, la mort était parmi les notions à étudier. Et puis elle a disparu il y a une dizaine d'années, je ne sais trop pourquoi. Craint-on que dans une société hypersensible la mort fasse un très mauvais effet, surtout sur nos jeunes ? Toujours est-il que c'est bien dommage. Qu'est-ce qu'une philosophie qui ne se penche pas sur le problème de la mort, même en Terminale ?

J'ai appris, en discutant à la fin de la "cérémonie", que le fils de Marie-Claude était à Henri-Martin, en Quatrième. Dans quatre ans, il sera peut-être mon élève. Tu peux être sûr, Marie-Claude, que je penserai alors à nouveau à toi.

Salut Marie-Claude.

mardi 27 octobre 2009

Wanted.




Puisque nous avons parlé hier de la "mauvaise vie", je vous livre en vignette un article sur l'ouvrage de Frédéric Mitterrand et la polémique récente, par une élève du lycée Henri-Martin. Wanted, c'est le premier numéro du journal des lycéens de mon établissement. A ne pas confondre avec LHM Flash, qui est un bulletin d'informations rédigé par un CPE aux cravates chatoyantes (private joke !).
Wanted, c'est un journal d'opinions, comme il y en a dans pas mal de lycées, et dont la rédaction fait partie des missions pédagogiques d'un établissement. De mon temps (comme on dit quand on n'est plus très jeune), il y avait dans mon collège, à Saint-Amand-Montrond, ce type de publication, techniquement moins bien fichu qu'aujourd'hui. C'était des stencils qui sentaient très forts mais très bons, j'aimais les renifler quand ils sortaient de la machine.

Je me souviens d'un article que j'avais rédigé (ça devait être en classe de 6ème ou 5ème, avec le prof de français), qui portait sur un incendie dans une imprimerie auquel j'avais assisté. Le journal local (le vrai celui-là, Nouvelle République ou Berry Républicain) avait évoqué mon travail, me qualifiant de "journaliste en herbe". Je dois avoir ça sous une tonne d'archives. Un jour si je le retrouve, je vous le scannerai.

En classe de 3ème, cette fois au collège de La Bourboule, j'ai rédigé mes premiers articles politiques (l'un sur les prisonniers japonais aux Etats-Unis pendant la dernière guerre, l'autre sur le changement de pouvoir en Espagne, de Franco à Juan Carlos). C'était il y a plus de trente ans et je m'en souviens encore. Dingue !

Au lycée d'Arcachon (j'ai pas mal voyagé, comme vous le constatez !), c'était un journal mural, assez modeste, que les élèves rédigeaient. Je crois y avoir proposé des critiques de films, mais là, curieusement, je ne me souviens plus très bien. Bon, je vais peut-être arrêter la machine à remonter le temps et revenir en 2009 et à Wanted. C'est une bonne initiative, qu'il faut encourager en achetant le numéro (10 centimes d'euros).

Une dernière remarque : sur 22 pages, une certaine Coraline F. a bien dû en rédiger plus de la moitié. C'est comme chez les adultes : un petit groupe se tape tout le boulot ! Mais c'est peut-être comme ça depuis la nuit des temps ... Page 15, un article très bien écrit, signé Camille, s'intitule "Révolution ?" et est illustré par la photo de Che Guevara. Camille ? Et si c'était ma meilleure élève de l'an dernier en L (vous vous en souvenez sûrement) ? Ce n'est pas impossible. Elle lit ce blog, elle confirmera ou infirmera.

lundi 26 octobre 2009

Mauvaise vie, bonne séance.




Gunter Gorhan m'a fait hier l'honneur de m'inviter à animer le café philo des Phares, place de la Bastille à Paris (première vignette). Les Phares, ce n'est pas rien, une vraie institution, le premier café philo créé au monde, 80 personnes à gérer, des interventions fort pertinentes, très construites, qui exigent de l'animateur une grande capacité d'attention, de mémoire et de répartie. La première fois, au printemps, j'avais été insatisfait de ma prestation, je m'en étais entretenu avec Gunter, dont la sollicitude à mon égard est grande. Conclusion mutuelle : il faut que j'anime librement, à ma façon, sans chercher à copier ce qui se fait déjà.

Gunter et ses amis ont une conduite du café philo plus structurée, plus directive, plus référencée que la mienne, plus interrogative, plus libre, plus animée. Il n'y a pas une complète contradiction entre les deux mais des différences qui ne sont pas si grandes que ça, et plutôt bienvenues : pourquoi n'y aurait-il qu'une manière de diriger un café philo ? Gunter s'est donc gentiment installé à une table, me laissant la responsabilité de manoeuvrer. Ça n'a pas été facile, parce qu'il y a du monde, parce que deux heures c'est long et je n'ai pas l'habitude, parce que le débat est dense. Mais tout s'est je crois très bien passé, à entendre les commentaires d'une partie du public après la séance.

En tout cas, j'ai eu beaucoup de plaisir à faire cette animation, je me suis "éclaté" comme disent nos jeunes. La première épreuve, c'est de recueillir les sujets proposés par l'assistance : une vingtaine ! Et d'en choisir un à traiter. J'ai pris le parti de la facilité : le tout premier, qui avait le mérite d'évoquer l'actualité et donc de stimuler plus facilement le débat : C'est quoi une mauvaise vie ? La deuxième épreuve aux Phares, c'est de conclure. Là j'ai foiré, m'y prenant trop tard et empêchant ainsi plusieurs interventions. D'autant qu'un incident a semé à la fin de la confusion : un client irascible et quelque peu maboul s'en est pris pour je ne sais quelle raison aux serveurs, menaçant de leur propulser une soucoupe en pleine tête !

Malgré ma liberté de ton, je me suis tout de même contrôlé, pour ne pas risquer à nouveau un petit incident qui, quoique mineur, avait altéré ma première prestation. J'avoue même m'être censuré à un moment. Quelqu'un, en contrepoint à la "mauvaise vie", a suggéré de s'interroger sur la "belle vie". Et là m'est venu en tête le refrain d'une chanson de Sacha Distel, que je cite de mémoire : "Ah la belle vie, sans amour, sans problème, sans souci", que j'ai failli entonner très spontanément. Mais je me suis repris : nous sommes tout de même au Café des Phares ! Ce n'est certes pas la messe, même philosophique, mais je dois me tenir ...

Quoi qu'il en soit, je souhaite de tout coeur que Gunter me réinvite, au printemps m'a-t-il dit. Et que lui vienne comme prévu, bien sûr, à Saint-Quentin, ce à quoi il s'est engagé. En attendant, je suis allé faire un tour au cimetière Montparnasse (deuxième vignette) pour préparer la traditionnelle visite de mars avec les lycéens. Pourquoi cette infidélité au Père-Lachaise ? Tout simplement parce qu'en 2010 nous fêtons les 30 ans de la disparition de Jean-Paul Sartre, qui est enterré à Montparnasse (j'ai assisté à ses obsèques !). Je suis allé faire un rapide repérage pour cette visite annuelle, qui englobera aussi le quartier et Saint-Germain des Prés, les endroits fréquentés par le pape de l'existentialisme. Mais je vous en reparlerai.

dimanche 25 octobre 2009

Qu'est-ce que je fais là ?




Qu'est-ce que je fais là ? C'est LA question philosophique par excellence, que chacun d'entre nous devrait se poser, où qu'il soit. C'est en tout cas la question que nous a posée hier soir Elodie Cabeau, chargée d'animer le café philo de Soissons (vous la connaissez, je vous en ai déjà parlé, elle s'occupe du café philo de Tergnier). Je ne l'ai pas sentie complètement à l'aise. Son style est très différent du mien, plus porté, elle, sur l'enseignement que sur l'animation. Faire comme je le fais, provoquer le public, me déplacer dans la salle, utiliser un micro, ça n'est pas trop son truc il me semble. Il n'empêche que nous avons eu droit, de sa part, à une très belle explicitation du sujet. Car il n'y a pas qu'une seule et unique façon de mener un café philo !

Aussitôt Soissons terminé, j'ai filé vers Urvillers, près de Saint-Quentin, où m'attendaient mes amis astronomes, afin de célébrer le Jour de la Nuit, une opération nationale visant à dénoncer les pollutions lumineuses qui nous cachent de plus en plus notre beau ciel étoilé. J'étais sollicité pour une conférence sur les hommes et la nuit. C'est sous le regard bienveillant de Marianne que j'ai fait mon exposé de 25 minutes (première vignette), dans une salle de la mairie bien remplie, devant un public très attentif (deuxième vignette).

J'ai dit quoi ? Que la nuit avait d'abord et durant longtemps effrayé les hommes parce qu'elle renvoyait au danger, à la mort et à la peur enfantine du noir. J'ai ensuite expliqué que la nuit céleste, étant du domaine de l'inaccessible, a été vite considérée comme sacrée, la demeure des dieux. Puis c'est l'infini et la beauté de l'espace qui ont probablement inspiré à l'homme quelques grandes idées, l'absolu, la liberté. Enfin j'ai montré que les premiers philosophes, avant de s'intéresser à l'homme, avaient levé les yeux vers le ciel, y trouvant l'ordre, la régularité, la perfection et l'éternité qu'on ne constate pas sur terre.

Imaginez notre terre vivant sous un jour permanent, ciel constamment bleu ou nuageux. Je suis persuadé que nos représentations mentales en seraient toute différentes.

samedi 24 octobre 2009

La Lune en questions.


J'ai exposé hier soir pour la troisième fois ma conférence sur "la conquête de la Lune". C'était à Soissons, chez mes amis chrétiens du café "Au Bon Coin". Le public était peu nombreux (7 personnes !) mais j'y ai mis autant d'ardeur que si nous étions 70 ou 700. J'en ai même peut-être fait trop : une heure quinze de conférence, même menée avec enthousiasme, ça fait un peu longuet.

Un constat : répéter permet d'améliorer (idem pour les cours). Il y a une forme de routine qui est bienfaisante. Ma thèse, lecteurs de ce blog, vous la connaissez (voir mon plan en vignette), j'ai pu l'affiner : la conquête de la Lune a désacralisé l'espace, d'où le refoulement de l'événement. En même temps, un nouvel humanisme est apparu. Car la Lune nous rapproche de la Terre, à travers le spectacle de la petite boule bleue et blanche, unique, fragile, perdue dans l'infini.

J'ai cependant laissé à chacun le soin de critiquer cette thèse. Anna Arendt n'est pas du tout sur ma position. Elle pense au contraire que la conquête de l'espace limite notre horizon, assure la suprématie de la technologie, renouvelle peu les connaissances et contredit l'humanisme. Vous pouvez lire à ce propos l'ouvrage "La crise de la culture", au chapitre "La conquête de l'espace et la dimension de l'homme". Et vous faire votre propre opinion.

vendredi 23 octobre 2009

Vacances.




C'est les vacances. Je n'ai pas vu, depuis la rentrée, les semaines passées ! Quand je commençais dans le métier, le début d'année était le plus long, le plus difficile. Pas maintenant. Cette année 2009-2010 sera, je le sens, une bonne année, comme la précédente dont j'ai témoigné sur ce blog.

Que fait un enseignant pendant les vacances ? Il travaille ! C'est une boutade bien sûr, mais qui a sa part de vérité. Comme sont vrais les trois paquets de copies à corriger qui m'attendent sur le coin de ma table ...

Mais les vacances restent les vacances. C'est pourquoi je serai un peu moins prolixe dans mes billets, je me reposerai un peu plus, par facilité, sur les vignettes (aujourd'hui, le récent bulletin du lycée). J'ai une très sérieuse raison à ça : on m'a commandé la rédaction d'un ouvrage qui me demandera pas mal de temps, que je dois absolument libérer.

jeudi 22 octobre 2009

Philosophie du mur.




A quoi servent les murs ? C'était le thème du café philo de ce soir, un peu inhabituel puisque organisé dans le cadre du Festival Ciné Jeune, sur le thème des droits de l'homme, et en commémoration des 20 ans de la chute du mur de Berlin. Inhabituel aussi parce que la traditionnelle introduction a été assurée par deux de mes élèves de 1er L1, Pauline et Angèle, qui ont exposé leur travail au public (vignette 1).

Les murs, on voit peut-être mal l'intérêt philosophique d'un tel sujet. Et pourtant, la philosophie politique est interpellée : de la muraille de Chine au mur qui sépare Israël de la Palestine, du mur qui limitait l'Empire romain au mur entre les Etats-Unis et le Mexique, l'humanité aime à dresser des obstacles, des protections ou des enfermements parmi les individus. Ces murs-là inquiètent.

Mais d'autres murs, plus domestiques, sollicitant cette fois la philosophie morale, rassurent. C'est le mur qui rend possible la vie privée et la soustrait au regard d'autrui. C'est aussi le mur qui attise notre curiosité, qui séduit plus qu'il ne repousse, car on aimerait savoir ce qu'il y a derrière. Et puis, un mur d'une totale étanchéité, absolument imperméable aux échanges humains, ça n'existe pas : portes et fenêtres viennent percer, ouvrir, humaniser les murs les plus farouches.

Drôles de murs que ceux qui sont transparents, qui laissent tout voir bien qu'étant infranchissables : c'est le mur vitré, très en vogue dans nos sociétés contemporaines, adeptes par ailleurs du "décloisonnement". Les murs sont enfin intérieurs, psychologiques : de quelqu'un qui ne nous comprend pas, on dit qu'on est "face un mur". En situation extrême, on se retrouve "dos au mur". Comme quoi cette construction bien peu philosophique donne quand même matière à philosopher ...

mercredi 21 octobre 2009

Une pensée sans limite.


Je suis retourné, après environ un an d'absence, à la Maison du Sophora, à Gauchy, un établissement qui héberge des personnes traumatisés crâniens. C'était bien sûr pour une animation café philo. La dernière fois (qui était aussi la première), nous avions traité de la liberté. Eux s'en souvenaient, pas moi ! Vous retrouverez sans doute un billet sur cette rencontre dans les archives de ce blog, je ne sais plus à quel mois.

Cette fois, c'est le thème du respect qui m'a été demandé. En vignette, vous avez la liste des questions qui m'ont servi d'introduction. La disposition de la salle n'était pas celle habituelle d'un café philo, puisque la table, vaste, était en U, avec quelques sièges ici ou là derrière. Mais l'esprit café philo a été respecté, et la séance a bien fonctionné. Le seul juge en la matière, ce n'est évidemment pas moi mais le plaisir que les participants (une trentaine) ont ressenti.

Leur handicap parfois lourd n'a pas du tout gêné leur expression ni les échanges. C'est beau à voir et à entendre, quand la pensée se fait concrètement universelle, quand les limites de la maladie sont abolies. Ce n'est bien sûr pas thérapeutique, mais ça l'est quand même un peu. Après tout, initialement, dans la Grèce Antique, la philosophie n'était-elle pas aussi une médecine de l'âme ?

mardi 20 octobre 2009

Au cinéma.



70 personnes hier soir au Ciné Philo, quelques élèves à moi dans l'assistance, un bon débat. Le docteur Jaber, présent dans la salle, a une fois de plus défendu avec passion la cause palestinienne. Du film, "L'anniversaire de Leïla", j'ai surtout retenu l'absurdité et le burlesque des situations. A tel point que j'ai pensé, dans de nombreuses scènes, à Tati ! La dimension dramatique de la guerre en plus, bien sûr. Le rôle principal est tenu par un chauffeur de taxi grand de taille et mécanique dans certains mouvements, c'est pourquoi on songe au génial Jacques.

Ce matin, c'était au tour des scolaires, avec "Au revoir les enfants" et une salle pleine à craquer. J'ai vu ce film de Louis Malle je ne sais combien de fois, et c'est toujours comme si c'était la première fois ! La scène finale est l'une des plus émouvantes de toute l'histoire du cinéma. Les primaires ont dû partir juste après la projection mais le collège La Ramée a pu rester pour débattre un peu. Pas facile de faire parler des collégiens ! Les écoliers, aucun problème sinon celui, inverse, de ne pas pouvoir les arrêter ! Mes lycéens, ils font des efforts de participation. Mais les jeunes ados, quelle galère ! Soit ils n'osent pas, soit ils pouffent quand ils osent. Peu importe d'ailleurs, l'important est qu'ils aient été présents.

Je retourne au multiplexe ce soir, pour une émission préparée par les élèves de BTS audio-visuel de mon lycée, qui tiennent un "plateau" tout au long du Festival international Ciné Jeune.

Vignette 1 : l'équipe du festival, à gauche son président Robert Lefèvre, au centre sa directrice Céline Ravenel.
Vignette 2 : en pleine action !

lundi 19 octobre 2009

Turbulences.

En début de cours, alors que j'ai commencé à parler, une élève cherche dans son sac. Elle s'attarde à trifouiller. De mon côté, je m'irrite. Dans les réunions publiques, je n'apprécie pas qu'on soit présent et qu'on n'écoute pas l'intervenant. De la part d'un élève, qui est là pour travailler, c'est pire. J'arrête donc le cours, je fais remarquer que je suis gêné, j'attends que l'élève ait terminé sa recherche. Et que me répond-elle ? "Je vous écoute en cherchant".

Le genre de formule qu'il ne faut surtout pas prononcer devant moi parce qu'elle me met en furie ! On me l'a déjà fait, celle-là : des élèves qui parlent avec le voisin et qui ont l'audace de me dire qu'ils suivent quand même le cours ! Je ne supporte pas. Si on va comme ça, c'est très simple : chacun fouillera dans son sac et causera autour de lui, mais quelle importance puisque le cours sera suivi ! Vraiment n'importe quoi ...

Ce matin, autre incident : je parle, un élève rit, ostensiblement, avec ses camarades. De qui de quoi, je n'en sais rien et je m'en moque. Ce que je constate, c'est qu'il n'est pas concentré alors que nous sommes lundi matin, où l'on ne peut pas soupçonner la fatigue de fin de semaine ou de l'après-midi. Et puis, rien n'est plus communicatif et perturbant qu'un rire. Je le lui fais remarquer et lui demande d'arrêter. Que me répond l'effronté ? Qu'il rit parce qu'il a envie de rire !

Je lui ai fait ravaler sa formule, qu'il m'a cependant ressorti une seconde fois. Mais pas une troisième : j'ai pris la classe à partie, j'ai rappelé que leurs résultats n'ont pas été excellents, qu'il n'était donc pas question de se laisser aller. L'indiscipliné ne l'a pas ramené. Mais qu'en aurait-il été dans un environnement plus relâché ? Je crois que sa minime résistance aurait eu un impact plus grand et plus embêtant. D'expérience, j'ai appris qu'on ne fait pas régner la discipline dans une classe au niveau strictement individuel mais collectif.

dimanche 18 octobre 2009

Drôles d'idées.




J'ai rendu vendredi les premières copies des ES. Voici l'échelle des notes :

7 : 3
8 : 5
9 : 5
10 : 8
11 : 3
12 : 8
13 : 1
15 : 1

Le rapport entre ceux qui ont et n'ont pas la moyenne (21 contre 13) est un peu moins bon que dans mes deux autres classes. Comme chez les L, il y a très peu de bonnes notes.

Parmi les devoirs corrigés, j'ai rencontré, à deux ou trois reprises, d'étranges idées : à la question Tout le monde peut-il être heureux ? je me suis vu répondre qu'en enfer les damnés étaient tous heureux parce qu'ils jouissaient d'un maximum de vices ! De même la mort rend tout le monde heureux puisque à l'état de cadavre on ne souffre pas. Mais où sont-ils allés pêcher ça !

En vignettes, le dernier bulletin du lycée.

samedi 17 octobre 2009

Festival Ciné Jeune.




Je participerai, dans le cadre de Rencontre Citoy'Aisne, au 27 ème Festival international Ciné Jeune de l'Aisne, la semaine prochaine, à travers trois animations (en vignettes) :
D'abord le traditionnel Ciné Philo, lundi, qui diffusera pour l'occasion le film de Rashid Masharawi, L'Anniversaire de Leïla. J'aurais aimé avoir un invité qui nous éclaire sur le conflit israélo-palestinien. Impossible à trouver dans l'Aisne ! L'association France-Palestine n'a pas répondu à mon courriel et les quelques personnes que j'ai pu solliciter dans cette recherche ne m'ont ramené aucun nom. C'est dommage.

Ensuite, mardi matin, une séance surtout pour les scolaires, le célèbre Au revoir les enfants de Louis Malle, qui marche très bien auprès des écoles primaires (près de 200 inscriptions !) et que j'ai déjà utilisé lors d'une Semaine contre le racisme. Petite imperfection (jamais content, c'est dans ma nature !) : le temps d'animation après la projection sera assez court (mais le film est plutôt long).

Enfin, à tout seigneur tout honneur, le Café Philo filera à son tour la thématique des droits de l'homme, en commémorant un anniversaire, celui de la chute du mur de Berlin il y a vingt ans. Nous nous poserons bien sûr la question suivante : A quoi servent les murs ? Avec une petite originalité : je ne ferai pas la traditionnelle introduction composée d'une série de questions, ce sont deux de mes élèves de 1er L 1 en ECJS qui viendront présenter leur travail sur ce même sujet.

Venez nombreux, comme on dit dans ce genre de circonstances.

vendredi 16 octobre 2009

Un élève qui pleure.


Je ne connais rien de plus gênant et impressionnant que d'être devant quelqu'un qui pleure. Peut-être parce que je ne pleure jamais. Quand on est enseignant, je crois que c'est pire. Un élève qui pleure me déstabilise, même si je n'en laisse rien paraître. Parce que pleurer, c'est toujours exprimer une souffrance. Et que faire devant elle ? On se sent impuissant, démuni.
Ai-je vu souvent des élèves pleurer ? Franchement non. Mais ce matin oui. Un garçon en plus ! On imagine à tort que ce sont plutôt les filles qui pleurent. Oh ce n'était pas très spectaculaire ! Des yeux qui se sont rougis, des mains qui les ont frottés, un corps qui s'est un peu agité. Pas grand-chose, des petits pleurs silencieux, vite ravalés, mais que j'ai repérés. Un prof voit tout, même ça.

Je suis la cause de ce léger incident. Nous étudions en ce moment une nouvelle notion, la vérité. Après le texte de Bergson, un peu indigeste, j'ai proposé à mes élèves un thème plus stimulant : Avons-nous des raisons de mentir ? Eh oui, l'envers de la vérité, c'est le mensonge, dont il faut aussi parler. C'est là où j'ai introduit une idée très classique : mentir pour une raison morale, pour empêcher l'autre de souffrir, assorti d'un exemple assez connu, mentir à quelqu'un sur son cancer pour ne pas le peiner.

Un élève s'est reconnu dans cette situation. C'est lui qui a pleuré. Sur le coup, je n'ai rien dit. Inutile de rajouter de la peine à la peine. Mais à la fin du cours, je suis allé vers lui, nous avons discuté et nous nous sommes compris : mieux vaut évacuer certains sentiments qu'on porte en soi, au lieu de les refouler. Ah si je savais pleurer !

Sinon, en début d'année, j'ai vu aussi des élèves pleurer. C'était à l'annonce, par le proviseur-adjoint, d'un décès parmi les élèves d'Henri-Martin, une fille disparue la veille de la rentrée dans un accident de voiture (évoqué dans l'un de mes billets début septembre). J'ai vu également des élèves pleurer après la remise d'une copie particulièrement mauvaise sanctionnée par une très mauvaise note. Des pleurs bien dérisoires mais néanmoins réels.

En vignette, le cours sur le mensonge, que j'ai préparé en quinze minutes, aussitôt sorti du lit (c'est le meilleur moment de la journée pour préparer un cours). Avec ça, je peux tenir au moins deux heures.

jeudi 15 octobre 2009

Actes manqués, rentrée réussie.




Je vous raconte donc ma rentrée à l'UTL de Cambrai. Je l'ai trouvée survoltée. Pas mes étudiants, même si mon excitation est contagieuse. Mais moi, leur enseignant. Il faut dire que je m'y rends toujours avec un grand enthousiasme. Des adultes volontaires, qui paient même pour assister à un cours de philo, c'est plus stimulant (et c'est plus simple) que des élèves qui sont là par obligation et qui ne comprennent pas tout.

Mais j'ai parfois l'impression d'en faire trop (en classe c'est pareil). Je suis excessif dans mes démonstrations. En même temps, c'est ce qui fait leur charme, leur efficacité, c'est aussi ce qui façonne mon personnage. J'aimerais cependant tellement pratiquer la philosophie avec calme et sérénité. C'est tout le contraire ! Je déborde de toute part, c'est comme si j'étais atteint d'une sorte de rage (philosophique).

Il y a de l'énervement positif dans ma façon d'enseignement. Mais l'énervement, quoique positif, n'est jamais de tout repos. Le sujet était la pensée de Freud. Vous n'allez pas me croire : j'ai commis deux actes manqués, et répétés à l'identique, ce qui aggrave mon cas psychique. A l'aller, je prends l'autoroute direction Reims au lieu de Cambrai, et au retour, direction je-ne-sais-où au lieu de Saint-Quentin ! C'est la première fois que je me plante dans un trajet que je connais pourtant bien !

Pendant la conférence, ce sont des lapsus qui m'ont joué un vilain (mais charmant) tour. Je présente Descartes comme "le maître du nationalisme français" (je voulais dire "rationalisme"). Mais Glucksmann n'a-t-il pas écrit il y a une vingtaine d'années un "Descartes c'est la France" ? Évoquant le "visage" extatique de sainte Thérèse d'Avila, j'ai prononcé "village". Là je ne vois pas le sens ... Une rentrée survoltée, vous dis-je !

En vignettes, le deuxième exercice de commentaire de texte, un Bergson pas facile pour illustrer le thème de la vérité. Je vous la fais très courte : le philosophe conteste la définition traditionnelle de la vérité comme copie de la réalité et propose au contraire de dissocier le vrai du réel. En haut le texte et les questions pour aider les élèves, en bas le brouillon de mon cours.

mercredi 14 octobre 2009

Cambrai le retour.




Je n'en finis pas d'accumuler les rentrées. Cet après-midi, c'était à l'UTL, Université du Temps Libre, à Cambrai, avec une conférence sur la pensée de Freud. Je vous livre la photo de notre sympathique groupe et le déroulé de mon exposé. Comme il se fait tard, je vous raconterai demain comment ça s'est passé (c'est à dire fort bien !).

mardi 13 octobre 2009

Une rencontre américaine.

Dans mon lycée, nous sommes trois profs de philo. Moi qui suis là depuis quinze ans, Jérôme qui travaille en classes préparatoires depuis deux ans et Olivier en Terminale depuis la rentrée. Jérôme, jusqu'à ce matin, je ne le connaissais pas. On se croisait de loin, sans avoir (ou prendre ?) le temps de parler. Il faut dire que les salles des prépas sont séparées du lycée par deux cours de récréation. Ce sont presque des mondes qui peuvent parfaitement (mais est-ce parfait ?) coexister sans se rencontrer ?

Et puis, Jérôme est ce que j'étais dans mes premières années d'enseignement : un "turbo-prof" comme on les appelle, habitant à Paris et venant travailler à Saint-Quentin, toujours entre deux trains. En ce qui me concerne, pendant cinq ans, cette vie m'a semblé normale. Jusqu'à ce que les circonstances de l'existence m'invite à déposer ma besace. Je ne le regrette pas.

Ce sont aussi les circonstances qui m'ont conduit à retrouver ce matin Jérôme dans la salle des profs. Première impression, bonne impression : il a l'air très sympa (le collègue casse-couilles, c'est ce que tout le monde, partout, redoute !). Son projet, auquel il me convie et qui a fourni l'occasion de cette rencontre, c'est de faire venir à Henri-Martin une philosophe américaine que je ne connais d'ailleurs pas : Avital Ronell. Elle a écrit, entre autres, "Stupidity" et "Telephon Book". A la suite de Derrida, elle s'inscrit dans le courant de la déconstruction.

Mon collègue a prévu une séance de travail entre ses élèves et elle, à base de petits exposés et d'échanges, début janvier. Mes élèves de Terminale sont invités à se joindre à cette manifestation. Je leur en ai déjà parlé un peu, ils ont dit oui (qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour sécher les autres cours !). Mais justement, je ne veux pas de ça : il faudra les astreindre à un petit travail pour organiser cette rencontre. Pas question d'y aller et de glander. C'est un honneur qui leur est fait, discuter avec une philosophe contemporaine venue de l'université de New-York. Il faut que mes élèves soient à la hauteur de l'événement !

lundi 12 octobre 2009

Sorties et voyages.




J'ai déposé aujourd'hui, au bureau de l'intendance de mon lycée, le budget prévisionnel de ma traditionnelle sortie à Paris : le matin participation à un café philo, l'après-midi visite guidée et chantée du cimetière du Père-Lachaise. Coût : 800 euros (quand même !), un car pour une quarantaine d'élèves. Je choisis toujours le dernier dimanche de mars. Il ne faut pas qu'il fasse trop mauvais temps, il ne faut pas non plus qu'on soit dans les révisions du bac.

En vignettes, je vous donne le texte qui régit les sorties et voyages scolaires. C'est du costaud ! Lisez-le à votre aise. Vous apprendrez alors à distinguer une sortie d'un voyage, l'obligatoire du facultatif. Vous saurez quand s'impose le principe de gratuité, vous constaterez que ces deux activités ne peuvent pas excéder cinq jours sur le temps scolaire. Vous découvrirez, j'en suis sûr, que sorties et voyages ne contredisent pas la continuité du service public, et que le dernier mot de leur autorisation revient au conseil d'administration de l'établissement.

C'est clair, précis, encadré, parfois fastidieux. Mais c'est fait pour que les sorties et voyages demeurent à visée pédagogique, et non pas des temps déguisés de vacances. Lisez ça, vous comprendrez.

dimanche 11 octobre 2009

Et de deux !


J'ai terminé en fin de journée de corriger le paquet de copies des Scientifiques. Ce n'est pas trop mal pour un premier devoir. Je leur rendrai dès demain matin, à 8h00. Comme pour les Littéraires, je n'ai pas été sévère. Je veux les encourager, pas les casser dès le départ. Mon évaluation a pour but, en ce début d'année, de repérer surtout les élèves qui posent des difficultés, qui rencontrent des limites ou qui ne travaillent pas assez. Ce sont vers eux qu'il faudra que je concentre tous mes efforts pédagogiques. Les bons n'ont pas besoin de moi, les moyens sauront progresser d'eux-mêmes. Enseigner, c'est enseigner certes pour toute une classe, mais en pensant d'abord aux plus faibles, pas aux plus forts (mais je sais que certains collègues ne sont pas d'accord avec moi).

Quand je corrige, je ne cherche pas évidemment à réaliser des statistiques, je prends acte des notes attribuées une fois le paquet achevé (la première correction est généralement la bonne, je modifie rarement mes notes). C'est pourquoi il est intéressant de remarquer que le nombre d'élèves à ne pas atteindre la moyenne est identique en S et en L : 8 dans chaque classe (mais les S sont 30 et les L 27). Je remarque aussi que les Littéraires ont obtenu de bonnes notes (5 ont eu 14) mais les Scientifiques ont fait mieux (4 se hissent jusqu'à 15 et 16). De fait, avoir trois heures ou huit heures de cours par semaine ne changent pas grand-chose du point de vue des résultats. Mais si mes L n'avaient que trois heures, ces résultats n'auraient-ils pas été plus bas ? C'est l'éternel problème, déjà présent il y a 30 ans quand j'étais lycéen, d'une voie d'excellence, les S, qui dévalue les autres séries. C'est anormal et bien dommage.

Voici maintenant l'échelle détaillée des notes, à gauche la note, à droite le nombre de copies :

7 : 4
8 : 2
9 : 2
10 : 5
11 : 4
12 : 3
13 : 3
14 : 3
15 : 2
16 : 2

Il me reste une semaine pour m'attaquer au dernier paquet, les ES. En vignette, les sujets du prochain devoir, à me rendre avant les vacances de Toussaint (il y a un travail à la maison par mois). Cette fois, les élèves auront le choix entre une dissertation et un commentaire de texte.

samedi 10 octobre 2009

Une belle histoire.

C'était dimanche dernier. Je ne vous en ai pas parlé parce que je n'en croyais pas mes yeux. Ou plutôt c'était trop beau pour que j'y crois, pour que je vous en fasse part immédiatement. J'ai voulu garder ça quelques jours pour moi. Quoi ? Un message provenant de Facebook et que j'ai réceptionné ce dimanche-là. Je me méfie des dimanches, ce ne sont pas des jours comme les autres, l'esprit est relâché, un peu rêveur. Je pouvais me tromper ou on pouvait me tromper. Tout pourtant était vrai, très beau et très vrai. Une histoire d'enseignants bien sûr, mais aussi une histoire de vie et d'êtres humains.

Je vous raconte. Dimanche dernier donc, je reçois un message d'une certaine Anne-Marie, qui croit me connaître et surtout me reconnaître. Car elle m'a vu la première fois ... il y a quarante ans ! Et moi, trop petit alors, je ne me souviens de rien. C'est une cousine éloignée, qui s'est aussi éloignée de mon Berry natal et de ma famille. Jusque là, rien de bien extraordinaire : avec internet, ce genre de retrouvailles, autrefois impossibles ou difficiles, sont devenues fréquentes. Je découvre simplement que j'ai une cousine que je ne connaissais absolument pas.

Mais c'est là que tout commence. Devinez son métier ? Prof de philo bien sûr ! Je pensais que j'étais le seul dans la famille, même éloignée. Généralement, un prof de philo, on en entend parler. C'est comme si on avait un prêtre parmi ses proches. Mais la surprise ne s'arrête pas là. Ma cousine enseigne en Picardie, dans mon académie ! Ce qui signifie que depuis quinze ans que j'y suis, j'ai dû la croiser à de nombreuses reprises dans les réunions professionnelles, stages ou commissions du bac. Peut-être même avons-nous échangé quelques mots sans savoir qu'on s'étaient il y a quarante ans rencontrés et qu'on appartenaient à la même famile. Ça me rend tout chose ...

Et j'ai gardé le meilleur, le plus incroyable pour la fin : savez-vous dans quel établissement ma chère cousine a enseigné à la fin des années 70 ? Vous pressentez la chute de cette "belle histoire", comme elle la qualifie elle-même dans son courriel : au lycée Henri-Martin, là où j'enseigne moi-même depuis quinze ans. Quelle formidable coïncidence, quel heureux hasard ! Je n'en reviens pas.

J'en deviendrais presque superstitieux, mais d'une superstition joyeuse, comme lorsqu'on découvre un trèfle à quatre feuilles ou un fer à cheval. Serait-ce un signe de je-ne-sais quel destin ? Peut-être, à vous de réfléchir à cette belle histoire. En attendant, j'ai hâte de rencontrer cette chère cousine, ce témoin de mon propre passé, qui me ressemble un peu puisqu'elle aussi mène des activités extra-scolaires. Une bien belle histoire, vous dis-je.

vendredi 9 octobre 2009

Jour de vote.

C'était aujourd'hui jour de vote dans ma classe littéraire dont je suis le professeur principal : les élèves choisissaient leurs délégués. Pour certains de mes collègues, c'est une formalité un peu irritante qui fait perdre une heure de cours (un bon prof est quelqu'un qui est obsédé par le temps qui passe). Ils n'ont pas complètement tort et les élèves leur donnent raison : une heure de cours en moins, c'est la fiesta !

Ceci dit, je ne partage pas ce point de vue, je prends très au sérieux l'élection des délégués de classe, je m'en sers comme d'un cours d'éducation civique et j'en fais même une occasion d'évaluer la classe. Car c'est l'un des rares moments où l'enseignant peut observer l'esprit collectif de ses élèves, leur comportement lors de cette consultation, leurs choix judicieux ou pas.

Moi qui fais un peu de politique, je peux vous le dire : toute expression du suffrage "universel" (même limitée à l'univers d'une classe) est révélatrice, passionnante et surprenante. Laissez délibérer un groupe à travers le secret du vote, vous apprendrez toujours quelque chose. Les êtres humains se donnent les représentants qu'ils méritent parce qu'ils leur ressemblent.

J'ai donc été très attentif aux opérations de vote et aux réactions des élèves. Ils le savaient, j'avais prévenu, je n'ai pas été déçu. D'abord l'heure s'est passée calmement. Puis les candidatures se sont limitées à quatre, ce qui est raisonnable. J'ai connu des années où il y avait une dizaine de candidats, bref du n'importe quoi, bouffonnerie assurée. Ensuite le dépouillement des bulletins n'a révélé aucun "je vote Rambo" ou "Mousset je t'aime", votes nuls assez courants. Enfin les deux délégués ont été élus à la majorité absolue des exprimés, ce qui n'est pas fréquent (généralement, c'est la majorité relative qui s'impose au second tour).

Amandine et Camille sont les heureuses élues. Elles m'ont l'air de filles sérieuses, qui ont déjà été par le passé déléguées de classe. Désormais, comme je l'ai ce matin expliqué, toute demande collective devra passer par ces deux représentantes, qui ont la légitimité pour parler devant moi au nom de la classe. En revanche, tout élève qui se pointera à mon bureau et me demandera quelque chose soi-disant au nom de tout le monde, je le rembarrerai vite fait ! On ne parle pour tous que lorsqu'on a été mandaté par tous. Sinon c'est de la manipulation ! Enseigner dans l'école de la République, c'est aussi apprendre à nos élèves ce que sont la République et sa discipline.

Un petit mot pour finir et pour remercier Yasmina, Marie, Laïla et Sarah qui ont constitué très volontairement et avec un plaisir évident le bureau de vote.

Vive la République scolaire !

jeudi 8 octobre 2009

La pédagogie du stress.

Ce matin, je commence de dicter à ma classe le corrigé de leur premier devoir. C'est fastidieux pour eux, ça prend plusieurs heures d'écriture, mais je tiens à ce qu'ils sachent ce qu'est une dissertation de philosophie, comment on la rédige. Je m'y suis mis chez moi, comme eux chez eux, traitant du sujet Tout le monde peut-il être heureux ? et je leur présente maintenant le résultat de mon travail, pour que leur prochain travail, à rendre avant la Toussaint, s'en inspire, en profite. Je ne vois que cette façon-là pour progresser.

Au bout de quelques minutes de dictée, une élève lève la main et gentiment proteste : elle est stressée. Mais par quoi ? Par les bruits qu'elle entend et qui percute une table. Bruits de qui et d'où ? De moi sur mon bureau ! Eh oui, quand je dicte cette dissert, je ne me contente pas d'une plate lecture (quelle horreur !), j'essaie de donner vie (et geste !) à mon propos. Ce n'est pas une morne récitation, je joue mon texte plus que je ne le débite. D'où ces coups que je frappe, poings fermés, sur le bureau, sans même m'en rendre compte. C'est une sorte de cadence que je donne à mon cours.

C'est agaçant, je peux le comprendre, et j'arrête donc cette manie, du moins je me surveille pour que mon naturel ne reprenne pas ses droits. J'explique cependant à cette élève que le stress qu'elle redoute est aussi pour moi un élément de la pédagogie. Je n'hésite pas à le dire : il doit y avoir quelque chose de stressant dans une vie de classe, dans le déroulement d'un cours, mais pas trop quand même. Il faut que l'enseignement soit vif, tendu, musclé, très réactif, tonique, vitaminé, sportif. Sinon c'est foutu, c'est le triomphe des paupières lourdes, des bouches qui baillent, du sommeil et de l'ennui. Alors oui, ces coups sur le bureau, qui martèlent mon propos, ont leur utilité pédagogique.

mercredi 7 octobre 2009

La philo c'est chouette !




C'était ce soir la rentrée du café philo de Bernot. Bernot, l'an dernier, vous vous souvenez ? Eh bien c'est reparti pour une nouvelle "saison", comme on dit à la télévision. Raphaël est toujours le maître d'oeuvre, mais avec cette année une petite différence : ce n'est plus mon élève ! Et puis, observez bien la photo : j'ai entre les bras la nouvelle mascotte du café philo, la chouette de Minerve célébrée par Hegel, avec sa congénère devant la table, un peu bizarre, toute bleue (mais n'y a-t-il pas aussi dans Tintin des "oranges bleues" ? Pourquoi pas une chouette bleue ?).

Nous étions un peu moins nombreux que les dernières fois, c'est sans doute le délai de remise en marche. La quantité ne fait pas nécessairement la qualité. A quelques-uns, un café philo marche très bien. Sur le sujet de rentrée (Peut-on imposer la paix par la force ?), les échanges ont très bien roulé. Une petite nouvelle dans l'assistance : une religieuse de Mont D'Origny, fort bavarde d'ailleurs (sur la photo, vous la reconnaîtrez à sa petite croix). Sur la chouette bleue, vous remarquerez un autre signe distinctif, certes pas religieux mais trahissant tout de même mes convictions. Mais chut ! c'est une facétie de Madame Blanchard, la maman de Raphaël.

mardi 6 octobre 2009

Premier paquet.


J'ai terminé aujourd'hui mon premier paquet de copies de la nouvelle année scolaire, celui des Littéraires. C'est globalement pas trop mal. J'ai noté à partir de trois critères (une évaluation, même en philo, repose toujours sur des critères) : la présentation du devoir, le travail effectué, la fidélité à la question posée (Tout le monde peut-il être heureux ?). Les deux premiers critères ont été, à quelques exceptions près, satisfaits. C'est le troisième qui laisse encore à désirer.

Ça ne me surprend pas trop : répondre précisément à une question précise, c'est très difficile. Et quand c'est en philosophie, c'est encore plus difficile. Trop souvent, les élèves se sont demandés si l'homme pouvait être heureux, ce qui n'est pas la même chose. Tout le monde, voilà quel était le problème de ce sujet de dissertation. En d'autres termes, le bonheur peut-il être universel, général, collectif ? Il fallait reformuler la question en ce sens, bien saisir ce qu'elle présupposait (c'est ce qu'on appelle problématiser). La plupart sont passés à côté de ça.

En marge de leurs copies, j'ai mis assez peu d'appréciations, et j'en mets de moins en moins au fil des années. Au début de ma carrière, j'étais extrêmement bavard, très prolixe en écriture. Et puis, je me suis rendu compte que ça ne servait pas à grand-chose. L'élève lit rapidement et passivement les commentaires mais ne va pas plus loin. Dans l'idéal, et je compte bien commencer un peu cette année, il faudrait corriger collectivement les copies.

Je m'explique : puisque le défaut des élèves est de contourner la question posée, j'ai l'intention de leur faire surligner ou souligner dans leur copie toutes les fois où ils abordent réellement la question, afin qu'ils comprennent, visuellement si j'ose dire, qu'une partie de leur travail est hors-sujet. Il conviendrait de multiplier ce genre d'exercices salutaires, mais je ne sais pas trop comment.

En attendant, je vous donne, comme je le faisais l'an dernier, l'échelle des notes de mes Terminales littéraires (à gauche la note, à droite le nombre de copies) :

8 : 4
9 : 4
10 : 6
11 : 1
12 : 2
13 : 5
14 : 5

Vous remarquerez que, pour un premier devoir, je n'ai pas trop été méchant puisque 19 ont la moyenne sur 27 élèves. Je n'ai pas voulu descendre trop bas pour ne pas les décourager (j'ai même relevé deux copies auxquels j'avais mis respectivement 5 et 6) ni monter trop haut pour ne pas créer d'illusions. J'ai veillé aussi à ce qu'il n'y ait pas un dernier ni un premier. Ce n'est pas pour l'instant dans ma politique de notation, qui est bien sûr évolutive. Laisser croire qu'il y aurait un(e) bon(ne) et un(e) mauvais(e), un génie et un bonnet d'âne, ce serait une mauvaise stratégie. Car la notation des copies n'est pas une science, mais un art très souple et une habile stratégie.

En vignette, le compte-rendu de l'atelier philo de Guise dans L'Aisne Nouvelle. Pour la petite histoire, la journaliste qui a fait l'article a un neveu qui est mon élève ! Mais ceci n'a rien à voir avec cela ...

lundi 5 octobre 2009

On recherche des candidats.




Galère toute la journée pour trouver des collègues qui veuillent bien figurer sur la liste des représentants du personnel enseignant au conseil d'administration du lycée. La date limite était aujourd'hui, le proviseur a accepté qu'on lui rende la liste des candidats demain. Quand je pense qu'il y a à peine dix ans, il y avait trois listes complètes dans l'établissement, une par organisation syndicale ! Maintenant, nous n'en avons plus qu'une seule, tout syndicat confondu, et on ne parvient même pas à la remplir ...

Le recul du syndicalisme enseignant est spectaculaire. C'est bien fini le temps où l'on parlait de la "forteresse enseignante" pour vanter ou craindre son complexe corpo-syndical. Le début du déclin aura sans doute été l'année 1993, où la puissante FEN a éclaté, détruisant l'unité syndical et libérant un syndicalisme radical minoritaire mais très actif.

C'est dommage. La vie d'un lycée mérite qu'on s'y intéresse, qu'on regarde ce qui se passe, ce qui se fait et qu'on influe sur les choix. Dans dix ans, qu'en sera-t-il du syndicalisme enseignant ? Je n'ose le dire, je redoute peut-être d'y penser.

En vignettes, le LHM Flash n°19.

dimanche 4 octobre 2009

Commentaire de texte.


A nouveau, pas de billet très exhaustif aujourd'hui, pour cause de correction intensive de copies. J'ai donc choisi la facilité : vous donner en vignette le premier exercice de commentaire de texte, que nous avons entamé avec les Littéraires la semaine dernière. Après le mois de rentrée consacré à la dissertation (à tout seigneur tout honneur !), il est maintenant temps d'expliquer à mes élèves la deuxième épreuve du baccalauréat, le commentaire philosophique de texte. J'ai choisi un extrait de Kant, qui illustre le thème de la liberté. Mes annotations, c'est le plan du texte, la base qui me sert à faire cours. Avec cette feuille sous les yeux, je peux tenir deux heures ! C'est ce que je continuerai à faire demain matin.

samedi 3 octobre 2009

Copies, copies, copies ...





La correction des copies et mes activités annexes m'empêchent aujourd'hui de vous livrer un billet plus conséquent. J'ai donc choisi de vous soumettre, en vignettes, trois extraits de copies, prises au hasard, respectivement chez mes L, ES et S. Le sujet de dissertation était : Tout le monde peut-il être heureux ? Pour vous donner une petite idée de ce que peut donner un travail d'élèves en Terminale de philosophie.

vendredi 2 octobre 2009

Guerre à l'absentéisme !


Quand j'ai appris ce matin à la radio que des lycées professionnels allaient recevoir de l'argent pour gratifier les classes où les élèves font l'effort d'être présents, je me suis dit que le monde ne tournait pas rond et que notre école marchait sur la tête ! Des sous pour amener nos lycéens à ne plus faire l'école buissonnière ! Mais où va-t-on comme ça ! L'école publique est obligatoire, la présence n'est pas rémunérée, même si l'émolument ici envisagé est collectif (par classe, et pour financer des projets scolaires), non individuel.

L'argent ne doit pas franchir l'enclos de nos établissement scolaires. Sinon c'est la fin de tout ! Nos élèves auront suffisamment le temps de faire connaissance avec le fric quand ils auront quitté l'univers scolaire. Préservons celui-ci de Mammon. J'avais été choqué, une année, lorsqu'une école primaire, venue assister à un ciné philo pour enfants, m'avait demandé d'offrir des bonbons à chacun pour les récompenser de leur participation. Non, non et non ! La vie ne consiste pas à attendre un bonbon ou des billets pour remercier chaque action. Le su-sucre à son chien-chien est excellent pour le dressage des bêtes, pas pour l'éducation des enfants.

Et puis, en cours de journée, à bien y réfléchir, je me suis assagi, j'ai modéré mon point de vue (même si j'en conserve le principe). De nombreux lycées professionnels sont confrontés à un absentéisme parfois massif. Rien n'est pire pour les jeunes que cette désertion de l'école. Il faut trouver des solutions. On a tout essayé, rien n'a marché. Alors pourquoi pas ça. Je me range finalement au pragmatisme : si on peut par ce moyen pourtant peu digne ramener des élèves sur les chemins de l'école, faisons-le, du moins expérimentons, et si le résultat est probant, généralisons là où c'est nécessaire. A la guerre comme à la guerre !

En vignette, la rentrée de l'atelier philo de Guise, sur le sujet : Le christianisme est-il dépassé ?

jeudi 1 octobre 2009

Rire de son prof.

Depuis le début de l'année, je la remarque très peu, cette élève à deux mètres de moi à peine. Être dans les premiers rangs, c'est qu'on s'intéresse, qu'on ne craint pas les regards et les questions du prof. De plus, elle est timide, effacée, un peu craintive devant mes cours tonitruants, volontairement et pédagogiquement grotesques. Je pourrais l'oublier, elle pourrait se fondre dans la classe, sans jamais que je ne la distingue. C'est d'ailleurs plutôt bien. Je juge alors sur pièces, à partir du travail effectué et rendu.

Sauf que ce matin, elle est sortie du lot commun, elle s'est signalée à mon attention, elle restera sûrement gravée dans ma mémoire, à moins qu'elle ne retombe dans l'oubli. Qu'a-t-elle fait pour provoquer ce miracle ? Elle a ri, d'un rire assez rare, qui vous secoue, qu'on ne peut plus arrêter, un rire comme on a chez soi mais pas en public et surtout pas dans le cadre austère d'une classe, l'ambiance sérieuse d'un cours, devant moi, qui ne suis pas exactement un marrant.

Je l'ai d'autant plus repérée que son rire, comme c'est souvent le cas, provoquait la contagion, que d'autres élèves autour, à leur tour, se mettaient à rire. L'élève sage était devenue l'origine d'une rébellion par le rire, d'une déstabilisation de la classe. Contre la paresse ou l'indiscipline, le professeur peut agir. Contre le rire, c'est impossible, c'est le sable qui vous glisse entre les doigts. Pourquoi riait-elle, pourquoi riaient-ils ? Mystère ...

J'ai passé en revue dans ma tête les possibles hypothèses. Un lapsus malencontreux ? Non. Ma braguette déboutonnée ? Après vérification discrète, non plus. De la craie sur le visage, à la façon d'un clown ? Non puisque j'écris très rarement au tableau. Alors quoi ? L'élève a avoué, entre deux soubresauts d'un rire devenu irrésistible et universel : mes cheveux, ce sont mes cheveux les grands fautifs ! Je me suis passé la main sur le crâne qui n'est plus trop garni, une mèche s'est malencontreusement redressée en forme de houppette, je suis devenu une sorte de Tintin ou une bête à corne unique, façon rhinocéros.

Voilà comment un rien, une partie de votre système capillaire qui se lève involontairement et c'est le ridicule qui vous guette, qui vous frappe, qui vous tue ! Mais on s'en relève. Les élèves sont à l'affût des petits détails, de ce ridicule qui est un peu leur légitime revanche, leur seule résistance. Pour ma part, je m'en réjouis. La salle de classe n'est pas une enceinte sacrée, le professeur n'est pas un grand prêtre, un cours n'est pas une messe. Que le rire des élèves ramène le professeur à sa juste mesure humaine, c'est une excellente chose. Et j'ai été heureux ce matin de donner un peu de joie à cette élève habituellement si sérieuse.

De plus, l'incident m'a permis de philosophiquement rebondir en évoquant brièvement Pascal et sa théorie du divertissement. Pour ce grand catholique, la mine singulière d'un officiant du culte suffisait à troubler et distraire le public. Comme quoi je n'arrête pas de philosopher, même quand un geste malencontreux a désorganisé ma sage coiffure.