lundi 12 juillet 2010

La télé chez les profs !


Si j'avais à retenir un événement marquant, côté profs, dans l'année scolaire 2 009-2 010, je n'hésiterais pas une seule seconde : l'installation d'un écran plasma dans la salle des profs ! Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite, car il est bien sûr très plat, collé contre un mur et pas toujours allumé. Mais quand j'ai vu des images couleurs s'agiter dans un coin, j'ai compris, assez stupéfait : un grand téléviseur moderne avait été introduit. C'est un véritable événement, je dirais même une révolution culturelle, pour plusieurs raisons :

D'abord, il y a 17 ans, quand je suis devenu enseignant, c'était inimaginable. La salle des profs avait sa machine à café, son panneau annonçant des spectacles, mais le divertissement s'arrêtait là. Qu'un objet de loisirs et de distraction telle que la télévision puisse être présent, non c'était inconcevable, hérétique.

D'autant que pas mal de profs (est-ce encore le cas aujourd'hui ? Sans doute que non) étaient très hostiles à la télévision, jugée par eux comme machine diabolique, responsable de l'inattention et du décervelage des élèves. L'anti-culture, la contre-école, c'était elle, la téloche ! Pas question donc de lui vouer un quelconque culte, d'admettre une forme de reconnaissance en la faisant entrer dans le saint des saints, la salle des profs. Il n'était même pas la peine d'y penser !

Pourtant, cette révolution a eu un signe avant-coureur, lorsqu'un téléviseur a été mis il y a quelques années dans le foyer des lycéens, exactement le même que celui qui maintenant est en salle des profs. Les élèves auront devancé leurs enseignants en anticipant l'événement, ça aussi c'est révolutionnaire.

Mais de leur côté, c'est moins surprenant : que leur salle, où il y a déjà billard, baby-foot et ping-pong, soit un lieu de détente qui accueille aussi une télévision, c'est normal, c'est dans l'ordre des choses, l'évolution était prévisible, presque inéluctable. Mais pas dans la salle des profs ! S'il y a un endroit dans l'établissement qui est dévolu à l'esprit de sérieux (dans les classes, c'est l'esprit de travail qui domine), c'est bien celui-là. On n'imagine pas que derrière ses portes on puisse se délasser en regardant la télé, enfoncé dans de confortables fauteuils.

Et même côté élèves, la présence du téléviseur a quelque chose d'étonnant, du moins de pas évident, et je suis surpris que ça n'ait jamais fait, du moins publiquement et à ma connaissance, l'objet de contestation. Quand j'étais élève, il y a un peu plus de trente ans, il n'était pas question de mettre un poste de télé dans un lycée et de le regarder à n'importe quel moment de la journée (car la télé, à chaque fois que je traverse le foyer lycéen d'Henri-Martin, est constamment allumée, parfois sans spectateurs). Internes, nous avions le droit de regarder le journal télévisé de 20 heures, et pour le reste il fallait demander, en avoir l'autorisation, chichement accordée. L'accès à la télévision à tout moment, ça m'aurait fait rêver !

Revenons-en aux professeurs. La stupéfiante présence a aussi son explication, qui vaut ce qu'elle vaut : pas mal de collègues, qui habitent à l'extérieur de Saint-Quentin, restent à l'heure du déjeuner, ne fréquentent pas nécessairement la restauration interne, se préparent une petite collation qu'ils avalent sur le pouce ... en regardant la télévision, les informations de 13 heures. Va-t-on assister à un phénomène comparable à celui des lycéens, avec un écran ouvert en permanence, sur LCI par exemple ? Le proche avenir le dira, je ne crois tout de même pas qu'on ira jusque-là, mais si cela se faisait, je ne pourrais qu'en être à nouveau surpris.

Je ne vais évidemment pas condamner, ce serait idiot de ma part, sans doute vieux jeu. Mais je ne me vois personnellement pas en train de regarder la télévision sur mon lieu de travail, pendant la récréation ou à une heure de liberté. Qui sait cependant si je n'y viendrai pas à mon tour, entraîné par le mouvement ?

Quoi qu'il en soit, il y a là un fait de société, comme on dit aujourd'hui, qui méritait d'être signalé et réfléchi dans ce billet, à peu près aussi important et révélateur que la disparition de l'amicale du personnel et l'évolution de la cérémonie des départs en retraite (voir billets précédents en archives).


En vignette, le programme 2 010-2 011 du café philo de Tergnier, que m'a envoyé Kim, rencontrée samedi dernier.

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