Le Café Philo d'hier soir à Bernot portait sur le thème de la jalousie : Sommes-nous tous jaloux ? En douze ans d'animations de ce type, je crois que c'est la première fois que je traitais de ce sujet. C'est que la jalousie est rarement abordée, encore moins revendiquée. Qui se reconnaît jaloux ? La morale nous a tellement dit que "c'est pas beau d'être jaloux" qu'il y a un tabou qui frappe ce sentiment.
Et pourtant, qui n'est pas jaloux ? Oh bien sûr, nous ne le sommes pas pour n'importe quoi, ni même fréquemment. Mais quand quelque chose nous tient à coeur, nous le devenons très vite. J'ai confié hier au public de quoi j'étais jaloux, d'une folle jalousie, qui me fait enrager et souffrir. Mais je ne vous le dirais pas. Vous n'aviez qu'à être là ! Je vous laisse deviner ou déduire ...
La jalousie est-elle nécessairement un défaut ? L'absence de jalousie à l'égard de la personne qu'on aime peut passer pour une sorte d'indifférence. On est jaloux que de ce à quoi ou à qui l'on tient vraiment. La jalousie est alors une marque d'attachement. Mais ses conséquences peuvent être terribles : la jalousie est possessive jusqu'à la violence, la pathologie (voir le magnifique film de Claude Chabrol, L'enfer).
Nous avons également exploré la jalousie naturelle de l'enfant, au sein de la famille, et même la jalousie des animaux, les chiens ou chats, envers les nourrissons (mais ne faisons-nous pas alors de l'anthropomorphisme ?). N'est-il pas vrai aussi que les oiseaux protègent jalousement leurs petits au nid et que les grands fauves mâles se disputent jalousement les femelles (aucun rapport avec les humains, évidemment ...) ?
De qui exactement est-on jaloux ? De celui qui est plus haut, plus riche, plus beau, plus intelligent que nous et qu'on envie ? Ou bien de celui qui est plus bas mais qui se retrouve, sans raisons légitimes, là où nous aimerions être par notre seul mérite ? Car il y a une proximité, une rivalité dans la jalousie. De ce point de vue, l'admiration dans un cas et la sage résignation dans l'autre seraient des remèdes à ce poison qu'est la jalousie.
Autre piste que nous avons explorée : le besoin de rendre l'autre jaloux, pour qu'on s'intéresse à soi, qu'on prenne de la valeur aux yeux d'autrui. L'être humain est quand même bizarrement fabriqué ! J'ai terminé en évoquant ce dont personne n'a parlé : la jalousie en tant que fenêtre d'où l'on observe incognito. Aucun rapport ? Mais si ! Le sentiment de jalousie est une souffrance secrète, le regard impuissant et caché qu'on porte sur l'autre quand on veut ce qu'il a et qu'on ne peut pas soi-même obtenir, sa femme, sa maison, sa voiture.
Un bien beau sujet, très stimulant pour l'esprit. Il faudra que je le réexploite. A Bernot, nous nous retrouverons le 16 juin (la veille du bac !), autour de la question : L'ambition est-elle nécessaire ? Un bien beau sujet aussi. Et n'hésitez pas à me demander : s'il y a encore de la place dans ma voiture, je vous y conduis. Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour la philosophie !
2 commentaires:
n'avez vous pas confondu jalousie et envie.
quand on veut la maison ou la voiture de quelqu'un d'autre par exemple , il me semble qu'on est plus envieux que jaloux
Cette distinction a fait en effet partie de nos réflexions. L'envie est un état naturel et inoffensif : qui n'a pas envie d'être mieux ou autre qu'il n'est ? En revanche, la jalousie est ponctuelle, temporaire, douloureuse et parfois pathologique.
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