samedi 3 avril 2010

BTS.


J'ai terminé hier soir en beauté le dernier jour d'avant les vacances de Pâques, en répondant à une demande d'animation des BTS audio-visuel de mon lycée. C'est un exercice auquel je me plie avec beaucoup de plaisir depuis quelques années. Il s'agit de jouer les présentateurs d'une émission de télévision. Est-ce mon goût pour le monde de l'image, de la communication, du journalisme, des médias, toujours est-il que j'adore ça ! Certains, le plus grand nombre, y verraient une épreuve peu réjouissante et laborieuse, moi j'aime et j'en redemande.

Avant d'y venir, il faut que je vous parle des BTS audio-visuel : c'est un monde à part dans le lycée, géographiquement et mentalement. Ils sont installés dans la Cour d'Honneur (remarquez les majuscules !), tout à côté des classes préparatoires littéraires, ce qui fait un mélange assez détonnant. J'imagine une histoire d'amour (il doit en exister puisqu'ils se côtoient !) entre une jeune littéraire propre sur elle, un peu bourgeoise, et un technicien baba cool portant queue de cheval et poncho ! Dans le langage d'aujourd'hui, on appellerait ça une rencontre improbable.

Loin du lycée et du collège, nous entrons dans l'univers du post-bac, estudiantin, et ça se voit. Ce BTS audio-visuel, c'est tout de même la fierté du lycée. Derrière les vitres recouvertes de papier noir se cache un magnifique studio de télévision dans lequel les étudiants apprennent leur métier : montage, son, script, cameraman, etc. Le patron des lieux porte un drôle de titre : "chef des travaux". On se croirait sur un chantier, mais non : il s'agit bien du même monde que le mien, celui de l'enseignement.

J'ai d'ailleurs exercé durant deux ans, en 2002-2003 si je me souviens bien, mes talents philosophiques dans ce lieu, pour assurer un cours dénommé "Expression-Communication". Ce n'était pas vraiment de la philo mais de la méthodologie orale et écrite, à quoi s'ajoutait un peu de culture générale. Les étudiants en avaient besoin et moi j'étais curieux de voir comment se passait un enseignement devant des étudiants. J'en ai gardé un très bon souvenir.

Du coup, me sachant animateur de café philo, mes collègues se sont dits que je pourrais être animateur tout court, que je ferais l'affaire. Je ne sais pas si je fais complètement l'affaire, mais ça me plaît bien et ils ont l'air content. Hier, il s'agissait pour moi de jouer à Bernard Pivot dans une sorte d'Apostrophes du coin. Je prends toujours très au sérieux mon rôle, je me prépare soigneusement à l'avance, j'étudie de près le thème de l'émission, je m'intéresse aux invités, je suis légèrement stressé quelques heures avant l'heure fatidique. Et une fois sur le plateau, miracle : je me sens très à l'aise, je me débrouille assez bien.

Attention, je ne prétends pas être parfait, loin de là. Mon visage ne se prête pas vraiment à l'écran, je souris trop timidement, mon corps se crispe facilement, bref tout ça ne passe pas très bien à l'image. Alors, au fil des années, j'essaie de me corriger, en professionnel, comme si c'était mon métier. Philippe, le chef des travaux, m'aide par sa franchise rugueuse. C'est vraiment bizarre : j'éprouve une grande satisfaction à accomplir cette tâche, qui n'a pourtant rien à voir avec l'enseignement, même s'il y a en elle une dimension pédagogique. Travailler à la télé, oui je voudrais. Ma vocation manquée, contrariée ? Nous avons tous en nous quelque chose (et même plusieurs !) que nous aurions pu faire et être mais qui ont été négligés.

La photo ci-dessus vous donne une idée beaucoup trop partielle, et même faussée de ce qui s'est passé hier soir, de l'ambiance sur le plateau. Il faut vous imaginer sept caméras fixés sur nous et une dizaine de personnes s'agitant autour. L'émission a été tournée dans les conditions du direct, avec tout de même des arrêts et des reprises à certains moments, quand une erreur technique obligeait à recommencer la prise.

Mon boulot est un vrai boulot : non seulement animer, questionner, débattre mais surtout créer une ambiance de décontraction, de spontanéité, de vie sans laquelle l'émission resterait figée, inintéressante. Je me dois, par mon animation, de mettre en valeur le travail technique des étudiants. C'est un défi que je me lance, n'étant pas un spécialiste de la communication. D'où vient mon plaisir ? De l'instant vécu avec intensité je crois. Quand dans l'oreillette Philippe me décompte les secondes qu'il me reste avant de regarder la caméra et d'intervenir en direct, il y a dans cette expérience un mélange de stress positif, de maîtrise de soi et de satisfaction profonde qui en résulte.

Ce n'est pourtant pas facile. Quand je suis interrompt dans un élan de spontanéité dynamiquement mené et qu'il faut la refaire, c'est un peu rageant, on se dit qu'on sera moins bien, qu'on perd de sa valeur en se répétant. Mais non ! Finalement, l'improvisation, la spontanéité, le naturel, ça n'existe pas ! Il n'y a que le travail et la maîtrise qui comptent, le reste vient après et avec.

L'émission d'hier soir, qui ne durait qu'une petite demi-heure, portait sur le cinéma, les salles, les pratiques culturelles et leur évolution depuis l'apparition du 7ème art. "Mes" invités (voilà, je m'y crois !) étaient, de gauche à droite de la photo, Anna Osman, cinéphile, Jérôme Richard, opérateur-projectionniste au multiplexe de Saint-Quentin et Félix Létot, président de l'association Objectif Cinéma (que j'ai eu comme étudiant lors de mon passage au BTS). Ils ont été tous les trois très bien, même si Jérôme était un peu tendu mais s'en est sorti sans problème.

Le jour de la rentrée, le 19 avril, savez-vous ce que je ferai ? Animer une deuxième émission, consacrée cette fois aux classes prépa, et malicieusement intitulée Yes we khâgne. Puisque je vous dis que j'aime ça ! J'ai rendez-vous la semaine prochaine avec Guillaume, le concepteur du projet. Venir travailler au lycée quand il est quasi vide, pendant les vacances, c'est un petit plaisir que certains collègues qualifieront avec raison de pervers mais que j'apprécie.

2 commentaires:

Thomas Midelet a dit…

A quand "Télé-Philo" au LHM ?

////////////////////////////

"J'imagine une histoire d'amour (il doit en exister puisqu'ils se côtoient !) entre une jeune littéraire propre sur elle, un peu bourgeoise, et un technicien baba cool portant queue de cheval et poncho ! Dans le langage d'aujourd'hui, on appellerait ça une rencontre improbable."

C'est pas l'inverse normalement ? Une littéraire baba cool et un technicien propre sur lui ? c'est peut-être juste un avis personnel...

bonne continuation

Emmanuel Mousset a dit…

Bonjour Thomas.

Il y a déjà eu une télévision interne à HM, dans les années 70 (J'y étais pas, on m'a raconté).

Pour la fille de prépa et le technicien, j'attends des témoignages. Pour moi, en traversant la cour, je vois ça comme ça.