jeudi 17 septembre 2009

Une question légitime.



Elle est venue me voir à mon bureau à la fin du cours. Elle avait une béquille et un pied dans le plâtre. C'est marrant, si j'ose dire : chaque année, dans chaque classe, c'est inévitable, quelques élèves, à un moment ou à un autre de l'année, se tordent ou se cassent une jambe ou un bras. On les voit arriver très handicapés, souvent aidés par un camarade, ce qui les fait remarquer de toute la classe. Je les appelle affectueusement "mes petits canards boiteux" (quand c'est la jambe) ou "mes oisillons blessés" (quand c'est le bras). En vérité, je ne le leur dis rien, je le pense tout bas dans ma tête.

Donc, ce matin, un petit canard boiteux s'adresse à moi, et si je vous dis tout ça, c'est que sa détresse est renforcée par sa situation physique. Elle me pose une question angoissée : comment faites-vous pour noter une dissertation de philosophie ? Elle s'interroge parce qu'elle a, comme toute cette classe de Littéraires, un premier devoir à me rendre le 24 septembre. Son doute est d'une sincérité absolue, qu'elle porte sur son visage inquiet.

Depuis la rentrée, je leur explique, dans les détails, comment faire une dissert de philo, et je leur ai dicté des modèles d'introduction, de conclusion et de partie argumentée. Je leur expose en ce moment un développement avec parties et sous-parties. Ils sentent bien, avec tous les conseils et les exemples que je leur donne, qu'ils n'ont pas trop droit à l'erreur. Et puis, un premier travail, il ne faut pas le rater, sinon ça fait un peu mauvais effet, on tombe vite dans la superstition, la malédiction d'un échec qu'on craint de voir se répéter.
Malgré mes efforts, les élèves buttent sur cette question, qui est celle de mon canard : comment une réflexion personnelle (la dissert de philo) peut-elle être objectivement évaluée ? Quand je leur dis que chaque devoir ne ressemblera à aucun autre, que chacun apportera sa propre pensée, ils se demandent, légitimement, comment je vais les évaluer. Voici ma réponse :

Je ne vais pas juger le fond (chacun pense ce qu'il veut) mais la forme (on ne réfléchit pas de n'importe quelle façon). Je ne vais pas me prononcer sur les opinions mais sur les méthodes, les démonstrations. Je vais évaluer la compréhension du sujet, sa problématisation, l'organisation et l'argumentation des idées, la pertinence et l'exploitation des exemples, la maîtrise et l'analyse des références, la conclusion de la réflexion. Sur ce terrain-là, la subjectivité n'a pas sa place. Pas d'inquiétude donc. Il suffit de faire honnêtement et sérieusement ce que j'ai demandé de faire.

En vignette le dernier numéro du bulletin d'information du lycée.

2 commentaires:

Arthur Nouaillat a dit…

Votre barème prend en compte l'orthographe, la grammaire et la syntaxe ?

Emmanuel Mousset a dit…

Non, une épreuve de philo n'est pas une épreuve de français. Mais une bonne syntaxe aide à l'expression des idées.