samedi 12 septembre 2009

Les vertus d'un prof.






En relisant machinalement mon billet d'hier, je découvre, horreur, une erreur. Ma référence biblique est inexacte. Ce n'est pas Dieu qui nomme les animaux, il se contente de les créer, mais il laisse ce soin à l'homme (Genèse, 3-19). C'est un détail d'importance, théologiquement intéressant (et comme la philosophie n'est jamais très loin de la théologie ...). Mon erreur est impardonnable. Un prof ne doit pas se tromper dans une référence (il se doit de vérifier son exactitude). Une faute de français passe encore, tout le monde en fait, même les meilleurs. Et puis, les règles de notre langue sont tellement compliquées ...

Comme punition, je m'inflige de ne rien retoucher au billet d'hier. Je vais ainsi expier ma faute aussi longtemps qu'existera ce blog et qu'il sera lu. Un professeur doit pratiquer deux vertus, dont il ne peut pas faire l'économie : la rigueur et la précision. Je ne parle pas des manies tatillonnes, mesquines et ridicules de certains universitaires, mais de ces détails qui ont du sens, comme mon histoire de Dieu, de bêtes et d'appellation.

Quand je préparais le Capes, j'allais de temps en temps chez une charmante vieille dame qui habitait derrière le Panthéon et qui n'est plus de ce monde aujourd'hui ( il m'arrive de repasser dans sa rue, son nom est toujours sur sa boîte aux lettres, comme si elle était encore vivante, ce qui me fait un drôle d'effet et nous ramène d'ailleurs au détail du livre de la Genèse). Madame Codos, puisque c'était son nom, avait été dans un lointain passé présidente du jury de l'agrégation. Dans le petit monde des profs de philo, c'est quelque chose, un peu comme Sitting Bull pour les Sioux.

Madame Codos était donc une sommité. Bien qu'à la retraite et très âgée, elle n'avait rien perdu de son goût pour la philosophie et les concours, à tel point qu'elle recevait à domicile pour entraîner les postulants. Le mot n'existait pas encore mais sa réalité oui (comme quoi une réalité est indépendante de sa désignation !) : c'était un coach avant la lettre. Chez elle, je m'exerçais à l'épreuve orale du Capes. Au beau milieu de l'après-midi, dans le petit salon qu'elle avait réservé à mon seul usage, elle frappait comme si elle n'était pas chez elle et m'apportait une tasse de café très fort. C'était ma récompense et une forme d'encouragement.

Pourquoi je vous raconte ça ? D'abord parce que j'ai plaisir à vous le raconter, à ressusciter le temps d'un billet le souvenir de Madame Codos. Ensuite parce que j'ai une anecdote qui illustre bien mon propos de ce jour : Madame Codos m'avait raconté qu'elle avait failli refuser l'agrégation à une pourtant excellente candidate parce que celle-ci avait confondu, lors de l'entretien oral, les titres de Docteur de l'Église et Père de l'Église (je ne vous explique pas, cherchez sur Internet !). Aux yeux de n'importe qui, cette confusion aurait paru une broutille. Pour la présidente du jury de l'agrégation, cette erreur méritait de coûter le prestigieux titre, professeur agrégé de philosophie !

De cette histoire qui m'a marqué puisque je l'ai retenue, j'en ai gardé aujourd'hui encore la leçon : rigueur et précision sont les deux vertus d'un prof.

En vignette, pour illustrer ce billet, et puisque nous sommes en début d'année scolaire, je vous donne le texte ministériel du programme de philosophie, en trois pages ! Quand on pense que certains croient qu'en philo il n'y aurait pas de programme, que cette matière serait arbitraire ... Rigueur et précision, là aussi.

2 commentaires:

Arthur Nouaillat a dit…

ça ne vous tenterez pas de passer l'agrégation ?

Emmanuel Mousset a dit…

Tenté oui, vraiment motivé non. C'est une préparation d'un an assez lourde quand on veut faire ça sérieusement. Je veux resté libre de mes activités intellectuelles, ne plus me soumettre à un programme de travail.

Et puis, être agrégé pour quoi faire ? A part la vanité du titre, une meilleure rémunération et moins d'heures de cours, ça ne m'apporterait rien de bien nouveau (j'en ferai un jour un billet).