mercredi 9 septembre 2009

L'amour au lycée.

Quand on est lycéen, qu'on a entre 15 et 19 ans, c'est le temps des amours. Si on n'aime pas à ce moment-là, on n'aimera jamais. Quand j'étais lycéen, il y a trente ans, on s'aimait déjà, mais ça ne se voyait pas, ou ça se voyait beaucoup moins. On se cachait pour s'aimer, on allait dans un bosquet, on attendait que la nuit nous dissimule.

Aujourd'hui, les lycéens ne se cachent plus. Ils traversent la cour main dans la main, ils s'embrassent à pleines bouches dans les couloirs, ils se caressent dans de très visibles petits coins. Difficile d'ailleurs de se planquer complètement dans un établissement scolaire, on dirait que les architectes ont tout fait pour empêcher de conter fleurette. En ce moment, c'est encore les beaux jours, qui favorisent largement les manifestations de l'amour.


Certains collègues sont choqués, ils estiment qu'au lycée ça ne se fait pas, on ne devrait pas faire ça. A les écouter, ils seraient prêts à surveiller et interdire les baisers. J'avoue que je m'en fous. Je trouve même plutôt charmant que des jeunes s'aiment et le montrent. Il y a tellement d'adultes qui se détestent ! Ça me redonne le moral, ça me fait croire en l'humanité quand je vois des lycéens se bécoter et se peloter.


Bien sûr, je peux comprendre qu'un collégien perpétuellement en rut puisse irriter mes collègues et désorganiser une classe. Mais parvenu au lycée, le besoin biologique s'est un peu spiritualisé, il est devenu moins violent, moins vulgaire. En tout cas, je le redis, son expression ne me gêne pas. C'est de leur âge ! J'aime cette formule pleine de sagesse et de compréhension.


Certes les temps ont changé, ce qu'on voit aujourd'hui ne se faisait pas avant, du moins publiquement. Et alors ? Je préfère des unions au vu de tous que des rapprochements glauques, dans l'obscurité des recoins et les relents d'alcôve. J'ai constaté un phénomène complètement nouveau, qui n'existait absolument de mon temps, ni même au début de ma carrière : les relations lesbiennes assumées et là aussi exprimées. Il est de plus en plus fréquent, même si les situations demeurent minoritaires, de voir deux filles les bras autour du cou et de la taille ou en train de s'embrasser (en revanche, je n'ai jamais vu des garçons faire de même). Autour d'elle, aucun regard étonné (à part le mien très discret !), aucune ironie, aucune insulte. C'est formidable parce que c'est aussi une grande leçon de tolérance.


Croyez-moi, il vaut mieux faire l'amour que la guerre. Vous me ferez sans doute remarquer qu'un lycée n'est fait ni pour l'un ni pour l'autre mais pour travailler, et vous aurez parfaitement raison. Mais il n'y a pas de mal à exprimer ses sentiments. Il n'y a pas en tout cas mort d'homme, comme dit une autre expression que j'aime bien. La guerre a tellement dominé le monde et l'histoire, ne pourrait-on pas accepter que l'amour, dans des limites raisonnables, ait sa place au lycée sans s'en offusquer ? Le vrai problème, à l'école comme ailleurs, ce sera toujours celui de la violence, de la haine, jamais celui de l'amour.


Ne me demandez pas ce qu'il en est de l'amour entre enseignants. Nous avons des relations cordiales, fraternelles, qui peuvent quelquefois aller jusqu'à l'amitié, qui atteignent rarement l'amour, pour ce que j'en sais et ce que j'en vois. Rien n'est moins érotique qu'une salle des profs, rien n'est moins propice à des relations de séduction qu'une situation d'enseignement et les horaires qu'elle implique. Quand je lis des magazines qui enquêtent sur "l'amour au bureau", je suis toujours surpris et vaguement envieux. Je n'imagine pas ça dans un lycée. Mais c'est peut-être parce que je manque d'imagination.

11 commentaires:

Arthur Nouaillat a dit…

J'aime et j'adhére totalement à votre billet de ce soir ! J'aime les personnes tolérantes !!!!!!! Un vrai plaisir !!!!

Anonyme a dit…

Je ne sais pas si c'est parce que vous manquez d'imagination, ou parce que vous n'arrivez pas à voir ces évidences, mais je peux vous assurer que des relations amoureuses entre enseignants, il y en a! Que ce soit à l'école, au collège ou au lycée, d'ailleurs.

Emmanuel Mousset a dit…

Bel oeil,

C'est le devoir d'un prof dans une école laïque que de pratiquer la tolérance.

Emmanuel Mousset a dit…

Anonyme,

Je ne le nie pas mais je ne le vois pas. Et puis, mieux vaut peut-être fermer les yeux ...

Arthur Nouaillat a dit…

Je suis d'accord mais il y a encore une majorité de profs appartenant à la "vieille école" qui je pense, ne sont pas très tolérant envers les homosexuels et lesbiennes..

On peut dire que la tolérance a plusieurs degrés..

Emmanuel Mousset a dit…

Je dirais plutôt une minorité, en voie de disparition.

Anonyme a dit…

Un prof du LHM a dit il y a 4 ans:
"La salle des profs, c'est un bordel, tout le monde couche avec tout le monde ; à votre avis pourquoi vous ne devez pas y entrer ?"

Puisque je n'ai pas le courage de dévoiler mon nom, je n'aurais pas le culot de dévoiler celui de ce professeur. (Qui blaguait, bien entendu !)

Emmanuel Mousset a dit…

Je n'ai jamais rien vu de tel dans la salle des profs. L'ambiance est studieuse et même un peu puritaine. Ce n'est pas l'église mais plutôt la sacristie.

Ce prof blaguait, donc ...

Anonyme a dit…

Très belle article e publier en salle des profs et a faire parvenir par un moyen ou un autre a proviseur du lycée...

Anonyme (encore un !) a dit…

J'avais une amie et nous n'avions pas la même conception de l'amour assumé. Oh, ça ne me gênait pas, de l'embrasser, devant tout le monde. Non ça me gênait pour les autres. Ceux que ça dérange, vieux profs frustrés et autres jaloux. Vous qui êtes prof de philo aller peut-être pouvoir m'éclairer !
Pour revenir au passage sur la tolérance grandissante (chez les jeunes, du moins), il faut reconnaitre que notre génération, bande d'incapable à l'exécution de dissert' et de réflexion selon nombre de mes professeurs d'histoire géographie, est la génération la plus noble d'esprit, la plus ouverte et la plus respectueuse depuis... Fiu, Math hue Zalem (qui était un gay).

Emmanuel Mousset a dit…

Le baiser est perçu comme un comportement impudique. Mais ce n'est pourtant pas bien méchant.

Oui, les jeunes d'aujourd'hui sont plus tolérants, parce que la société est plus tolérante.