lundi 27 juillet 2009

Fermeture provisoire.



"Quand je me joue à ma chatte, qui sçait si elle passe son temps de moi plus que je ne fais d'elle ? Nous nous entretenons de singeries réciproques : si j'ay mon heure de commencer ou de refuser, aussi à elle la sienne. " MONTAIGNE, Essais, Livre II, chapitre XII.
Prof Story va prendre un mois de vacances. Je vous retrouverai le dimanche 23 août.
Bel et bon été à toutes et à tous.

dimanche 26 juillet 2009

Facebook.

Je ne suis pas un habitué de Facebook, je ne vois pas trop l'intérêt de ce système. Mais les élèves en sont très friands. Et je reçois d'eux de nombreuses invitations à me connecter. C'est ainsi que j'ai découvert que la photo de fin d'année, où je suis, à mon bureau, entouré par mes TL2, figurait sur ce site. Ça ne me dérange pas, les photos sont prises pour être regardées, et celle-ci n'avait évidemment rien d'intime ou de secret.

C'est Jérémy qui l'a repiquée sur le blog. Ce que j'ai surtout découvert, ce sont les commentaires d'élèves qui suivent, dont je vous livre quelques extraits :

"Totale classe". Clotilde.

"Monsieur Mousset mon idole". Camille.

"Il est culte ce prof, et pourtant c'est le plus spécial ... Pour un prof qu'on a 8 heures par semaine, il est cool, j'adhère". Anthony.

"C'est le meilleur, regardez-moi ce sourire radieux". Jérémy.

"Oh Mouss-Mouss, qu'est-ce qu'il me manque". Chloé.


Ainsi me voient quelques élèves ...

samedi 25 juillet 2009

Mon prof d'histoire-géo.

J'ai retrouvé Jocelyne sur Copains d'Avant il y a trois ans, nous avons un peu échangé puis la vie a repris son cours. C'était une camarade de classe, en Terminale, il y a trente ans. Ces jours-ci, je reçois de ses nouvelles, sa fiche a été mise à jour. O surprise, je découvre parmi ses "amis" un nom qui me revient : Jean-Pierre Chapoulie, 63 ans, prof, habitant Bagnères-de-Bigorre. C'est lui, bien sûr, mon prof d'histoire-géo quand j'étais lycéen à Argelès-Gazost ! Ca fait un petit choc quand même. Si je n'avais pas lu ce nom, m'en serais-je souvenu, aurais-je l'occasion de m'en rappeler ? Pas certain ...

Monsieur Chapoulie, l'année scolaire 1978-1979 ... L'année précédente, dans le même établissement, en Première, mon prof d'histoire-géo était un drôle de petit bonhomme assez âgé (pour moi qui avait 17 ans !), doté d'une voix pas très agréable et lisant mécaniquement ses petites fiches blanches cartonnées en guise de cours. Il marchait en s'appuyant sur une canne, qu'il déposait au travers de son bureau, un peu menaçant, ce qui rajoutait à l'aspect étrange et peu séduisant du personnage (pour un lycéen, tout prof est vu comme un personnage en soi, qu'on aime ou qu'on n'aime pas).

Ma prof de français d'alors disait de lui qu'il était "anarchiste de droite". Anar de droite ! Quel paradoxe quand on est adolescent ! Ce n'était pas faux, il était râleur, semblait aigri, critiquait tout, versait fréquemment dans l'ironie. Mais ce paradoxe le sauvait : c'était le seul mystère qui rendait un peu attirant ce prof qui ne l'était vraiment pas (et qui ne cherchait pas du tout à l'être !).

A la rentrée 1978, quand j'ai eu comme prof d'histoire-géo Monsieur Chapoulie, ça changeait du tout au tout : il était jeune, passionnant et, au physique, le contraire du prof précédent. Trente ans après, j'ai en tête quelqu'un de coquet, portant souvent gilet et foulard, un petit bouc à une époque où ce n'était pas encore la mode, des yeux très noirs, très vifs, des cheveux très bruns, un fin sourire aux lèvres, un visage vivant et qui donnait de la vie à son enseignement.

Monsieur Chapoulie prenait autant soin de ses cours que de sa personne. Rien qu'à le voir sortir délicatement ses notes et documents de son cartable, les disposer avec respect et précision sur le bureau, j'avais envie de l'écouter. Je le revois encore, le visage penché sur ce bureau, regardant ses feuilles sans les lire, les bougeant du doigt pour qu'elles restent bien droites devant lui, et c'était parti pour une heure ou deux de passions à travers l'espace ou le temps, la géographie ou l'histoire. On ne dira jamais assez combien l'allure, la démarche, la présentation du professeur jouent un rôle auprès des élèves, qui les amènent ou pas à adhérer à ce qui leur est transmis.

Du personnage de Monsieur Chapoulie se dégageait une élégance toute simple, sans affectation. Je crois me souvenir qu'il s'intéressait justement à la mode et à ses évolutions à travers les âges, mais peut-être que je confond, que ma mémoire me joue des tours. De même, j'ai à l'esprit qu'il était engagé politiquement, communiste il me semble, élu municipal (son raffinement ne correspondait pas à l'idée que je me faisais d'un militant communiste, on est toujours un peu bête quand on a 17 ans). Cela se disait entre nous, mais les lycéens causent et se trompent beaucoup ... Quoi qu'il en soit, son enseignement était d'une totale objectivité.

Je m'amusais, moi qui m'intéressais déjà à la politique, de discerner chez lui, dans ce qu'il nous disait sur telle période de l'histoire (en Terminale, on étudie le XXème siècle), un mot, un jugement, une allusion qui auraient pu trahir son appartenance communiste. Rien, jamais rien pendant toute cette année scolaire n'a transpercé, ne s'est exprimé. Monsieur Chapoulie était scrupuleusement laïque.

J'ai toujours aimé l'histoire (la géo un peu moins), Monsieur Chapoulie me l'a fait aimer encore plus. Je me souviens d'un devoir dont j'avais été particulièrement fier puisque j'avais eu 19 ! Le sujet portait sur le Front Populaire. Trente ans après, s'en souvenir, moi qui ai oublié tant de choses depuis, vous vous rendez compte ! Oui, j'ai aimé et admiré ce prof, comme j'aimerais qu'aujourd'hui quelques élèves m'aiment et m'admirent. Je sais bien que c'est une faiblesse que de l'avouer. Mais on ne peut pas tout le temps être fort ...

Je vais envoyer à Monsieur Chapoulie ce billet, je ne sais pas s'il le recevra, mais si je vois son nom s'inscrire sur ma boîte de réception, mon coeur va battre très fort, c'est sûr. Trente ans, ce n'est pas rien. Il ne se souvient sans doute plus de moi. Et je ne suis même pas certain que le portrait que je viens d'en faire soit exact, fidèle. Si ma bouteille à la mer reçoit une réponse, je vous le dirais.

vendredi 24 juillet 2009

Une expérience incroyable.


Regardez bien cette photo de classe. Elle m'a été envoyée par une ancienne élève, Céline, via le site Copains d'avant, auquel je suis inscrit. Regardez bien car cette photo a été l'objet pour moi d'une étrange expérience. J'ai été le professeur principal de cette classe, une TES2, c'était en 2001. Huit ans, ce n'est pas bien vieux. Et pourtant, allez-vous me croire, sur 24 élèves, je n'en reconnais tout au plus que 4 ou 5, et encore ne faut-il pas me demander leurs noms ! Certes la photo scannée n'est pas très nette, mais tout de même ...

Je pense à mes classes de cette année qui vient de se terminer, dont j'ai toujours en mémoire (quand même !) les élèves : combien faudra-t-il de temps pour que les noms et les visages s'effacent presque totalement de mon esprit ? Voilà une expérience angoissante, celle de l'oubli.

Mais il y a pire, et c'est incroyable : regardez à nouveau cette photo, attentivement, élève après élève. Vous remarquez qu'ils portent tous des maillots de sport, façon de marquer l'année par une petite originalité. Vous remarquez aussi qu'il n'y a pas d'enseignant à leur côté. Regardez bien. En êtes-vous certains ? Moi aussi, en examinant chaque visage en quête de traits connus qui puissent éventuellement me suggérer un nom, m'arracher un souvenir, j'ai cru ne reconnaître personne ... pas même moi ! Car oui, aussi incroyable qu'il paraisse, je suis sur cette photo et je ne me suis pas tout de suite identifié. Aurais-je à ce point changé que je n'ai vu que des élèves là où il y avait aussi un professeur, en l'occurrence moi-même ?

Alors, où suis-je ? Cherchez, observez, je vous laisse trouver et me répondre. Mais j'y suis, c'est certain, avec des allures de gamin, avec mes lunettes, ma barbe naissance et ma petite carrure. La mémoire me revient : j'avais moi aussi enfilé le maillot que les élèves m'avaient proposé. L'oubli n'a donc pas eu le dernier mot. J'ai un peu vaincu le temps qui passe. Mais quelle expérience incroyable !

jeudi 23 juillet 2009

Philo toujours.



Karine Perocheau, de L'Aisne Nouvelle, a fait ce matin un excellent article sur notre soirée d'hier consacrée à l'homme sur la Lune. L'esprit de ma conférence est fidèlement reproduit, je vous en confie donc la lecture.
De même, vous pouvez consulter Aisne TV pour nos activités de l'après-midi : http://www.aisne.tv/Archivage-Des-JT-220709
A part ça, je suis allé aujourd'hui à la Fédération des Centres sociaux de l'Aisne, qui loge dans ma rue (j'y passe chaque matin en allant à Henri-Martin). Objectif : une réunion à la rentrée avec les "référents familles", afin de réfléchir sur leur métier, son identité, ses limites, ses problèmes.
Pourquoi faire appel à moi, prof de philo, pour animer ce débat ? Parce que la profession, comme beaucoup d'autres, a envie et besoin de réfléchir sur elle-même, qu'un regard extérieur est indispensable pour ça, qu'un prof de philo est le bienvenu parce que son boulot c'est justement la réflexion, la prise de distance, le regard élargi, l'interrogation, l'esprit critique, etc.
L'apport contemporain de la philosophie est là, dans cette mise à disposition pour des milieux, des activités qui n'ont rien à voir avec la philosophie mais qui ressentent la nécessité de s'adresser à elle pour simplement penser ce qu'ils sont. La philosophie n'est pas instrumentalisée ou dénaturée comme le craignent certains de mes collègues, elle est sollicitée. Elle a donc toutes les raisons d'en être fière. Elle joue un rôle en quelque sorte social, elle a son utilité dans la vie de la cité. Qui s'en plaindra ?

mercredi 22 juillet 2009

Une Lune de philosophe.



Il y avait hier soir une quarantaine de personnes pour écouter nos deux conférences sur la Lune. Le temps de rentrer chez moi, me changer et enlever mon chapeau (voir le billet d'hier) et j'étais prêt. Un incident indépendant de notre volonté (c'est la formule consacrée quand on ne veut pas dire de quel incident il s'agit) nous a fait débuter avec 30 minutes de retard. Embêtant ! Heureusement, j'avais de quoi meubler (c'est la photo). Je me suis servi du quiz Apollo 11, utilisé dans l'après-midi sur la plage, pour faire patienter. C'est pourquoi vous voyez les participants avec une feuille entre les mains. Au micro, je donne les résultats. Nous sommes dans la magnifique salle Antoine-Vitez du non moins magnifique théâtre Jean-Vilar. Appréciez le décor !


Au premier rang, du beau monde : en bermuda de vacancier, hilare, c'est le vice-président de la communauté d'agglomération. A un fauteuil de lui, en plus classique, c'est le maire-adjoint chargé du patrimoine, qui en la circonstance s'est chargé de m'indiquer où était l'interrupteur du magnifique lustre (tout est magnifique à Jean-Vilar). Sans lui, nous aurions parlé de la Lune dans la nuit, ce qui aurait eu aussi son charme. A côté, veste bleue librement posée sur les épaules, c'est le maire-adjoint chargé de la culture. Bref, nous étions humainement armés pour fêter dignement ce 40ème anniversaire.


Au fond de la salle, vous remarquez deux personnes avec un rectangle blanc sur la poitrine, comme en ont les jeunes Mormons qui déambulent dans notre ville. Ce ne sont pas des Mormons ! (ils sont reconnaissables à leur chemise blanche éclatante et leur pantalon noire) Non, ce sont des membres de l'Astro-Club 02, dont le président est assis, en bleu, Francis Daudré. Laurent Portois, président de Saint-Quentin Astronomie, est invisible sur la photo, il est à ma gauche, installant son matériel pour passer le diaporama "De la Terre à la Lune".


Avez-vous remarqué, à la 2ème place à la droite de Francis, un étrange personnage ? Regardez bien. Il a une barbe blanche et un drôle de chapeau pointu couvert d'étoiles. Qui est-ce ? C'est Galilée, représenté par un membre de l'Astro-Club qui a dans la journée amusé les enfants et qui a gardé son déguisement pour le soir. Pourquoi Galilée ? Parce qu'il y a 400 ans, le vénérable savant pointait sa lunette vers la Lune. 400 ans, 40 ans, toute une aventure ! Bon, notre Galilée ressemblait plus à un magicien ou à un astrologue qu'à un scientifique. Pas grave, c'est l'intention et le message qui comptent. Darwin, Galilée, Armstrong, quelle année 2009 ! 2010 sera moins riche en commémorations pour moi signifiantes.


Revenons à la photo. Sur la table, vous retrouvez mon indispensable montre de conférencier, avec trois documents à côté de ma pochette rouge qui contient le plan de mon exposé : l'ouvrage J'ai marché sur la Lune (des extraits d'un livre en anglais de Neil Armstrong), le dvd du film In the shadow of the Moon, le "numéro historique" de Paris Match d'août 1969, la une du Monde datée du 22 juillet 1969, le magazine Science et Vie de janvier 1965.


C'est avec tout ça que je me suis lancé dans mon exposé philosophique, après que Laurent nous ait rappelé les données scientifiques de la conquête de la Lune. Pourquoi philosophique ? Parce que cette aventure, par tout le symbolisme qu'elle déploie, est hautement philosophique, sous des aspects d'abord technologiques. Que s'est-il passé là-haut le 21 juillet 1969 ? Rien moins qu'une opération de désacralisation, un véritable sacrilège : l'homme a osé "toucher" ce qui relevait, depuis bien longtemps, du domaine des dieux (car le sacré, c'est ce à quoi il ne faut pas "toucher"). S'est ouverte alors une nouvelle étape de l'humanité, dont nous avons la chance inouïe de connaître les débuts. Ce sur quoi elle débouchera, nous n'en savons rien. Et puis, la Lune nous a ramenés sur Terre : nous l'avons enfin vu, cette boule blanche et bleue dans le noir absolu, c'est elle, c'est notre Terre, si belle, si fragile. C'est pourquoi je suis persuadé que la conquête de la Lune nous ouvre aussi les portes d'un nouvel humanisme.

mardi 21 juillet 2009

Les 40 ans.






Nous avons été gâtés par le temps, pour ce 40ème anniversaire de l'homme sur la Lune. Hier, c'était gris et pluie, et demain pas mieux. Aujourd'hui, à part un petit vent parfois gênant, c'était le beau soleil tout l'après-midi. Et ça tombait bien puisque nous avions justement prévu de l'observer, le soleil, avec une lunette spéciale. Les présidents des trois associations organisatrices (photo 1) ont pris solennellement la pose autour de la plus fameuse photo de cosmonaute (il s'agit d'Aldrin pris par Armstrong, avec le superbe reflet sur la visière).
Nous avons accueilli une bonne centaine d'enfants, pour un concours de dessins à colorier dont nous avons exposé les meilleurs spécimens (photo 2). Pour les plus grands, un quiz Apollo 11, concocté par mes soins, vérifiait les connaissances de chacun sur la première mission lunaire (photo 3). Les parents s'y sont mis aussi. Nous avons eu les honneurs de la presse locale et aussi, c'est assez rare, de la télévision axonaise sur le Net, Aisne TV, qui a réalisé un reportage (que vous pourrez consulter dans leur journal de demain).
Une exposition de photos de la Lune de nos amis astronomes donnait à rêver pour qui acceptait de se laisser transporter, j'avais apporté une pleine malle de documents sur Apollo 11, dont le numéro historique de Paris Match de l'époque. Au final, Laurent, Francis et moi étions contents. Ça fait des mois qu'on y pense, qu'on prépare, et puis voilà, c'est fait, en quelques heures. Non, pas tout à fait : il reste les deux conférences de ce soir, dont je vous parlerai demain.

lundi 20 juillet 2009

C'est la rentrée !



Mais non, ce n'est pas la rentrée, les vacances viennent à peine de commencer (du moins dans la perception que j'en ai : être en vacances, c'est n'avoir strictement plus rien à faire) ! Pourtant, j'ai reçu ce matin, de mon proviseur-adjoint, un courrier qui pouvait laisser penser le contraire. A l'intérieur se trouvait le document ci-dessus, qui peut m'être fort utile dans les prochaines semaines, s'il me prend l'envie de visiter un musée ou un monument public. Je l'ai demandé, il n'est pas délivré automatiquement. C'est une nouveauté, un petit privilège bien mérité dans une vie d'enseignant.

Ce qui me surprend, c'est le nom de ce document officiel, plastifié, dont vous voyez ici le recto, dont le verso est tricolore, barré par la devise de la République Française et le logo du ministère de l'Education Nationale : pass éducation. Pourquoi pass ? L'école est chargée d'apprendre la langue, de s'exprimer en bon français. Je ne suis pas choqué par l'usage de mots étrangers dans la conversation, il est bon au contraire que les langues s'enrichissent mutuellement. Mais pass éducation, c'est ce qu'on appelle du franglais, un mélange peu heureux, d'autant plus surprenant dans un écrit administratif, qui plus est de l'Education Nationale. Pourquoi ne pas avoir utilisé les termes de "carte d'enseignant" ou de "permis d'entrée", "permis de visite" ? Pass, ça fait sans doute jeune, moderne, rapide. Misère ...

Le courrier accompagnant la carte (désolé, pass je ne m'y fais pas) annonce le calendrier de la rentrée, qui aura lieu le mardi 1er septembre, à 9h00 pour les nouveaux collègues, à 10h00 pour tout le monde. Puis nous nous scinderons à 10h30 en deux réunions, celle des profs du collège et celle des profs du lycée, jusqu'à 11h30. Les années précédentes, tout le monde se retrouvait dans une même pièce pendant deux heures. Au bout de trente minutes, la moitié n'écoutaient plus rien et discutaient dans un brouhaha monstre.

A 11h45, ce sera la partie conviviale, la petite réception, où l'on raconte ses vacances et fait connaissance avec les nouveaux (en philo, j'aurai un nouveau collègue). A 15h00 auront lieu les conseils d'enseignement, c'est à dire les réunions de profs par discipline, pour causer de l'année qui vient (les choses sérieuses commenceront).

Mais je vous raconte tout ça comme si on y était déjà ! Tout ça ne se produira que dans six semaines, que j'espère les plus longues possibles. Après, vous aurez le plaisir de lire la suite dans Prof Story. Et si vous vous ennuyez en août, pourquoi ne pas relire les archives de ce blog depuis septembre dernier et faire revivre ainsi l'année scolaire 2008-2009 ?

L'enveloppe contenait un troisième et dernier document, sans surprise : la "répartition de service", c'est à dire mes classes de l'année. Comme depuis une éternité, j'aurai une Terminale L, une ES et une S, avec en sus une première L en ECJS. Des classes s'en vont, d'autres viennent. La roue tourne, la terrible roue de l'Education Nationale.

dimanche 19 juillet 2009

Gros projets.

Je vous ai donné ces derniers jours le programme prévisionnel du Café Philo et du Ciné Philo. Il faut ce soir que je vous dise un mot de mes projets de plus grande ampleur pour le dernier trimestre de l'année.

D'abord un échec, pour l'instant en tout cas : j'avais sollicité le journal Charlie-Hebdo pour une exposition et un débat dans le cadre du Festival du Livre de Merlieux, en septembre. Philippe Val, le précédent rédacteur en chef, étant passé à France-Inter, le projet n'a pas pu se faire avec lui. Et depuis, je n'ai pas eu de nouvelles. En attente donc.

Pour octobre, je prévoie une belle commémoration des 20 ans de la chute du mur de Berlin. Il se trouve, heureux hasard, que le Festival International Ciné-Jeune a pris pour thème cette année "les Droits de l'Homme" (j'essaie toujours d'inscrire ce que je fais dans un partenariat). Je leur ai donc proposé quelque chose de sympa, qui me trottait dans la tête depuis pas mal de temps : faire une reconstitution (symbolique) du mur de Berlin dans le hall du multiplexe, pour que chacun vienne y déposer un message sur les Droits de l'Homme.

En novembre, ce sera pour moi la célébration des 500 ans de l'Hôtel de Ville de Saint-Quentin. Il fallait un projet qui tranche sur ce qui est déjà programmé, quelque chose de civique, de citoyen, qui s'intéresse à la démocratie locale. J'ai trouvé : inviter le public et quelques structures à une rencontre avec le premier magistrat de la commune, afin de l'interroger très librement sur tout ce qui relève de son fonctionnement. En souvenir d'une émission radiophonique qui a bercé les matins de mon enfance, j'ai intitulé cette manifestation "Bonjour Monsieur le Maire". Elle aura lieu le 6 novembre dans le Palais de Fervaques.

Dernier gros projet, en novembre encore : les 100 ans de la création de la Fédération des Oeuvres Laïques de l'Aisne. Je ne veux pas d'une commémoration de musée, mais quelque chose de moderne, de militant, de dynamique. A Saint-Quentin, ma ville, je ne peux pas rester sans rien faire. J'ai donc contacté la Vaillante Gymnastique, une de nos associations affiliées, qui organisera un spectacle autour des valeurs de la laïcité, au stade Marcel-Bienfait. La date précise est encore à fixer. Et puis il y aura, comment faire autrement, un point d'orgue à cet anniversaire, dans le lieu historique de la FOL, le domaine de Beauregard, à Belleu, près de Soissons. Ce sera le 28 novembre, avec une journée portes ouvertes et la présentation des activités de nos associations culturelles et sportives.

Je ne vous reparle pas du colloque sur Darwin, le 22 novembre (décidément quel mois !), je l'ai évoqué dans un récent billet.

Pour 2010, je suis à la recherche de commémorations à célébrer. N'hésitez pas à m'en signaler.

samedi 18 juillet 2009

Philo sur la plage.

A mes ancien élèves qui ont envie de prolonger leur année de philosophie, à mes futurs élèves qui souhaitent se préparer à leur année de Terminale, je conseille l'achat et la lecture d'un "Cahier de vacances de Culture Générale" (ça s'appelle ainsi) qui porte sur "les grande questions de la Philosophie". C'est le magazine L'Etudiant qui est à l'origine de cette publication, qui s'adresse plutôt aux adultes mais qui fait peut faire l'affaire pour des lycéens en dernière année.

Ça n'a bien sûr rien à voir avec les traditionnels "devoirs de vacances". C'est ludique, marrant mais aussi sérieux. Il y a des quiz, des énigmes, des anecdotes, des citations, des mots croisés et pas que de la philo. Ça me semble assez bien fait, instructif et distrayant, bref l'idéal pour des vacances studieuses (ce n'est pas un oxymore !).

Pour des lycéens, ce qui est profitable dans ce cahier (vendu 5,40 euros), ce sont les très classiques textes de philo qui sont non pas exposés (ce serait trop long et souvent d'un abord ardu) mais résumés et commentés. Il y en a 31 exactement, par exemple la caverne de Platon, le tonneau de Diogène, la chouette de Hegel, le garçon de café de Sartre. C'est court, limpide, ça donne envie de lire les textes originaux.

Si vous n'aviez qu'une lecture de philo cet été, ce pourrait être celle-là. Il y en a bien sûr d'autres, et de meilleures, mais celle-là est rapide, pratique, efficace. En montagne, vous mettez le cahier dans votre sac à dos, et vous vous arrêtez de temps en temps pour méditer une page. Sur la plage, au lieu de vous ennuyer en bronzant, prenez votre "Cahier de vacances". Au retour, vous aurez un peu gagné en intelligence. C'est toujours ça de pris !

vendredi 17 juillet 2009

Ciné Philo 2009-2010.

Je vous ai dévoilé il y a deux jours une ébauche de la prochaine saison du Café Philo. Je vais procéder de même, cette fois avec le Ciné Philo (c'est toujours un programme prévisionnel). La différence avec les films, c'est que je dépends de leur sortie et des choix du multiplexe. Je ne peux donc pas faire de prévisions sur l'année scolaire. Mais voici les projets pour le premier trimestre :

Septembre : In the shadow of the moon, de David Sington, un documentaire sur la conquête de l'espace, avec une sortie en France le 21 juillet, jour-anniversaire du premier homme sur la Lune (les 40 ans cette année !). Sur le sujet, il y a de quoi philosopher ... Nous aurons comme invité Laurent Portois, président de l'association Saint-Quentin Astronomie. Et une expo de photos lunaires dans le hall du multiplexe.

Octobre : Taking Woodstock, de Ang Lee, le réalisateur du fameux Secret de Brokeback Mountain. C'est un film de fiction, pour un autre anniversaire, la même année que la Lune : le festival de musique pop de Woodstock aux Etats-Unis. Je recherche un invité parmi les spécialiste de l'époque ou un amateur de pop music (si vous connaissez, dites le moi). Un orchestre dans le cinéma pour accueillir les spectateurs, ça le ferait. Ainsi qu'un pétard géant en carton, pour le fun (mais rien à voir avec le 14 juillet).

Novembre : Le syndrome du Titanic, un documentaire de Nicolas Hulot sur les dangers qui menacent la planète. L'écologie, c'est à la mode, ça fait débat. Invités pressentis : monsieur et madame Boutinot, des figures locales de la défense de l'environnement.

Mais si vous avez d'autres idées, n'hésitez pas à me les soumettre.

jeudi 16 juillet 2009

It's a small world.

Journée à Amiens, avec Annie, de la Ligue des Droits de l'Homme, et Sylvie, prof de SVT. Pour faire quoi ? Préparer un important colloque sur Darwin (eh oui, encore et toujours le bicentenaire de sa naissance !) le 22 novembre à Soissons. Ce sera un dimanche (nous ne reculons devant rien !) et nous aurons du beau monde : Patrick Tort, philosophe, LE spécialiste français de Darwin, et Guy Lengagne, ancien ministre, rédacteur d'un rapport sur les dangers du créationnisme.

C'est la LDH qui organise, mais la Ligue de l'enseignement et autres associations amies apportent leur contribution. Ma partie, c'est d'élaborer un questionnaire en direction des élèves de l'académie, afin de percevoir quelles représentations ils se font de Darwin, de sa pensée et du créationnisme. Nous avons donc, tous les trois, passé très studieusement une bonne partie de la journée à concevoir ces questions.

Il y a aussi les aspects pratiques et techniques, qui sont toujours, dans ce genre d'opération, les plus inattendus et les plus difficiles. Comment acheminer le questionnaire auprès de chaque collégien et lycéen, en étant certain de sa réception ? Par quel biais, le plus rapide et le plus efficace, les réponses nous parviendront-elles ? C'est pas coton, croyez-moi ...

En vérité, par expérience, je sais qu'il ne faut pas s'attendre à énormément de retombées et de remontées. Les établissements scolaires sont très sollicités, les propositions se perdent parfois dans les dédales de l'administration, les enseignants sont pris par leurs cours et les programmes. Il ne faut compter que sur quelques bonnes volontés, certains collègues motivés, mais c'est souvent suffisant pour faire un travail intéressant et obtenir des résultats significatifs.

Pour les écoles primaires, j'ai proposé une action spécifique, car je ne pense pas qu'un questionnaire soit opérant : organiser quelques goûters philo autour des grands thèmes du darwinisme, en prenant soin bien sûr de les adapter à l'univers des enfants. Mais la vie, les fossiles, les dinosaures, les hommes des cavernes, les animaux, la nature, ce sont des choses qui les mobilisent aisément.

Au moment du repas, en discutant avec Sylvie et son conjoint, tous les deux profs de "sciences nat" comme on disait il n'y a pas si longtemps, je découvre qu'ils connaissent très bien Maurice, mon collègue de SVT à Henri-Martin. Bref, même dans la vaste Picardie, le monde des profs est petit ...

mercredi 15 juillet 2009

Nouvelle saison.

Je prépare en ce moment les sujets de café philo pour la nouvelle saison 2009-2010. Je vous donne en primeur le calendrier prévisionnel, toujours modifiable :

Septembre : l'écologie, est-ce vraiment sérieux ?
Octobre : à quoi servent les murs ? (dans le cadre des 20 ans de la chute du mur de Berlin)
Novembre : quel sens donner au progrès aujourd'hui ?
Décembre : qui est Dieu ?
Janvier : l'érotisme, et alors ?
Février : a-t-on encore besoin de l'école ?
Mars : qu'est-ce que je fais là ?
Avril : carte blanche à Gunter Gohran.
Mai : sommes-nous tous des victimes ?
Juin : qui doit gouverner ?

En bonus : la beauté peut-elle sauver le monde ?

Qu'en pensez-vous ? J'attends vos éventuelles corrections ou suggestions.

mardi 14 juillet 2009

La philo au village.



A Bernot, en ce 14 juillet, c'est la fête au village. Et cette année, Raphaël et la municipalité ont fait appel à mézigue pour animer un café philo d'un genre particulier, en plein air, au débotté, j'ai presque envie de dire à la bonne franquette. Avec mon élève, nous l'avons intitulé "café philo sauvage". Bon, il était moins sauvage que je ne l'espérais. Nous avons retrouvé notre public de l'année, certes pas mal élargi à des petits nouveaux (et nouvelles).
Mon idée initiale, un peu différente, était de m'installer en pleine rue, d'interpeller les passants, de provoquer à tous les sens du terme leurs réactions et leurs réflexions. Mais il aurait sans doute fallu une fréquentation plus importante. Je suis tout de même content de ce qui s'est passé : un public nombreux, attentif, qui a cependant eu un peu de réticence au début à participer. Il faut dire que les bruits de la fête, les regards des passants ne favorisaient pas une extrême concentration. Mais on s'en est bien sorti quand même !
Le sujet proposé par Raphaël, je vous le donne en mille : le 14 juillet ! La fête nationale, objet de méditation philosophique ? Mais oui, pourquoi pas. Cette commémoration historique est lourde de symboles variés et parfois contradictoires : la révolution, l'unité nationale, l'armée mais aussi la simple fête, les bals populaires, les feux d'artifice. Notre réflexion a glissé très vite du côté de la République, de la citoyenneté et du fameux liberté-égalité-fraternité. Comme il faisait très beau, très chaud et que quelques participants étaient encore sous l'influence du pastis de midi, j'en ai profité pour faire chanter la Marseillaise et les Aristocrates à la Lanterne. Mais nous n'avons pendu personne, puisque Bernot a bien quelques bourgeois mais aucun aristo.
Sur la première photo, vous reconnaissez à gauche l'ébouriffante chevelure poivre et sel de Madame Blanchard, la maman de qui-vous-savez. La jambe à ses côtés, que vous ne pouvez en revanche pas reconnaître, est celle de son mari. Au milieu, un petit garçon pensif m'écoute parler. Sachez qu'il a été le premier intervenant de ce café philo sauvage. Je ne sais pas si la vérité sort de la bouche des enfants, mais la spontanéité si ! Tout au fond, les regards attentifs comprendront qu'il s'agit d'un manège d'auto-tamponneuses, indispensable à toute fête au village.
Sur la seconde photo, à l'extrême gauche, Raphaël est en conciliabule avec Monsieur le Maire, tout de blanc vêtu, en socquettes et sandales. La caravane au fond est une sorte de baraque à frite, non loin de la buvette. Le café philo vient de se terminer, le maire a offert le champagne, ma tête commence à tourner (c'est la philosophie qui évidemment m'enivre). Avez-vous remarqué qu'à Bernot le turquoise est à la mode ? Et la philo aussi !

lundi 13 juillet 2009

Ces élèves qu'on croise.

Je suis allé cet après-midi, avec mes amis astronomes, sur la plage de l'Hôtel de Ville, histoire de faire un petit repérage pour préparer notre animation du 21 juillet. Surprise : j'ai retrouvé, parmi le personnel de la plage, Sylvain, un élève de l'an dernier. C'est le genre de rencontre qui est fréquente pour un prof. On demande comment ça va, ce qu'on devient, etc.

Juste après, à la Maison de la Presse, je tombe nez à nez avec ... Sarah, qui n'est pas de mes élèves, ni cette année, ni les autres, mais que j'avais reçue chez moi il y a quelques jours pour la préparer à l'oral du bac. Elle a eu droit à Freud, elle a échoué. Maxime, avec qui elle était venue, a aussi raté. Ça ne me surprend pas. Il n'était pas l'un et l'autre très au point. Ce n'est pas la veille qu'on peut apprendre Rousseau et Freud.

J'ai eu plaisir quand même à tenter de les sauver, même si ça n'a pas réussi. Sarah me dit que le jury a été particulièrement sévère, puisque Anthony, lui aussi passé par mon training, a calé. Je ne commente pas parce que ça ne sert à rien, mais ces candidats n'étaient pas bons, et j'ai pressenti que ça ne marcherait pas pour eux.

Passant devant Monoprix, j'aperçois d'anciennes élèves aux caisses. Quelle courage ! Elles quittent une année de scolarité, une semaine d'épreuves du bac et se remettent à bosser ! Tout comme Claire-Sophie (elle l'a eu) et Raphaël (il a raté) qui travaillent en ce moment dans un centre de loisirs. Je les admire, il faut le faire quand même !

Traversant la place du 8 Octobre, je croise une autre élève (quelle journée !), Julie, qui m'a certainement vu, baisse les yeux, ne dit rien, ne s'arrête pas. Timidité ? Refus de me parler ? Je ne sais pas et je m'en moque. La page de la Terminale est tournée, je comprends que certains élèves ne se sentent plus aucune obligation, même de courtoisie, envers leur professeur. Aux yeux de Julie, en pleine rue, son bac en poche, je deviens peut-être pour elle un parfait inconnu.

Et moi, de mon côté, je n'ai rien fait pour briser cette distance, je l'ai respectée, dans l'incertitude de sa signification. C'est comme lorsqu'on croise quelqu'un qu'on connaît et qui ne vous regarde pas : soit c'est involontaire et peu importe que chacun poursuive son chemin, soit c'est volontaire (hypothèse que plutôt je retiens) et tant pis ou tant mieux, la vie continue. Il y a aussi les vicieux qui ne disent rien pour vous tester, pour voir si vous allez intervenir les premiers. Mais il faut laisser les vicieux à leurs vices.

dimanche 12 juillet 2009

Marcher, une philosophie.

C'est tout de même formidable de voir, à l'entrée de mon bistro de quartier Le Liberty, une pub pour Philosophie Magazine, là où on trouve plus souvent la une cradingue de Détective. C'aurait été inimaginable il y a trente ans, cette popularisation de la philosophie, qui mériterait toute une analyse (qui à ma connaissance n'existe pas).

Dans ce numéro d'été, je découvre un très intéressant article, page 39, sur la marche ... et la philosophie, à l'occasion de la sortie d'un livre de Frédéric Gros, Marcher, une philosophie, Carnets Nord. Qu'il y ait un rapport entre la marche et la philo, j'ai pu l'expérimenter. Quand on se promène, la tête ne reste pas vide, on pense, on réfléchit (et pas à ce qu'on va manger le soir !). La marche est une activité propice à la méditation (ce n'est pas le cas de la nage ou du travail). C'est qu'on y est à la fois pris par les jambes mais libre de la tête.

Et puis, il y a les expériences relatées dans des ouvrages, celles de Jacques Lanzmann, Jacques Lacarrière ou Théodore Monod. J'ai beaucoup lu les deux premiers, Fou de marche et Chemin faisant ont été à une époque mes livres de chevet. Parfois, la marche y dépasse la simple philosophie pour entrer dans la spiritualité, une forme de mystique. On a l'impression que la marche libère moins le corps que l'esprit, qu'elle épuise le premier pour émanciper le second, le faire accéder à un état inconnu, quasi extatique. J'ai vécu ça aussi quelquefois en faisant du vélo.

Revenons à Frédéric Gros et à Philosophie Magazine. "La marche fait coïncider l'âme, le corps et le monde", nous dit-il. "Beaucoup de penseurs ont considéré que la marche était essentielle à leur travail". Il cite Nietzsche et ses promenades en montagne, Kant qui faisait chaque jour son petit tour rigoureusement chronométré, Rousseau bien sûr et ses Rêveries du promeneur solitaire, dont je recommande la lecture.

Gros nous propose deux distinctions conceptuelles tirées de sa réflexion sur la marche :
- Monotonie qu'engendrent ces pas mis les uns devant les autres et qui constituent la marche, contre l'ennui de l'esprit qui ne fait rien.
- La marche nous fait appréhender quelque chose d'élémentaire, contre l'idée d'essentiel que défend la philosophie classique.

C'est l'été, les vacances : marchez, vous n'en philosopherez que mieux. En ville, vous ne rencontrerez qu'une contrariété, l'être humain, qui vous interrompt dans votre marche et votre méditation. En campagne, c'est le chien fréquemment croisé qui menace vos mollets. Comme quoi la marche reste une aventure pas si facile que ça à accomplir.

samedi 11 juillet 2009

Les désobéisseurs.

Ils sont 2 807 qui se font appeler "désobéisseurs", ce sont des enseignants du premier degré, des professeurs des écoles, qui refusent d'appliquer la réforme, nouveaux programmes et aide personnalisée hebdomadaire aux élèves. Du coup, ils s'exposent à des sanctions administratives, puisqu'un fonctionnaire est soumis, par son statut, à l'obligation d'obéissance hiérarchique.

Ce mouvement est inédit, surprenant et, pour ma part, préoccupant. Il y a d'abord ce terme, étrange, de "désobéisseur", ce néologisme intriguant. Les mots, pour un enseignant, c'est important. Mes collègues auraient pu se qualifier de révolté, contestataire, protestataire, rebelle, résistant, que sais-je d'autres, le vocabulaire en la matière est très riche. Pourquoi avoir inventé une expression nouvelle, qui de plus abâtardit, substantifie un vocable admis, "désobéissant" ?

Surtout, la référence à la désobéissance, même civique, est troublante. Car qu'est-ce qu'un enseignant sinon quelqu'un dont le métier (et c'est ce qui fait toute sa difficulté) est de se faire obéir de ses élèves ? Non, ce terme de "désobéisseur" me heurte. D'autant qu'il ne s'inscrit pas dans les démarches traditionnelles de la revendication : la grève, la manifestation, qui ont le mérite d'être collectives, syndicales. Ici, on a le sentiment d'une expression purement individualiste, qui s'exclut en quelque sorte du corps enseignant.

Surprenant aussi l'objet du mouvement, qui ne porte pas sur des demandes catégorielles, corporatives, matérielles ou financières, mais pédagogiques, purement scolaires. Ce qui pose un problème politique : autant il est normal qu'une profession défende ses intérêts particuliers, autant il est discutable qu'elle veuille définir les contenus du métier et les finalités de l'institution qu'elle est amenée à servir. Est-ce aux enseignants de décider de ce que doit être l'organisation de l'école et de ses enseignements ? De même, sont-ce les militaires qui doivent fixer la politique de défense ? En République, ce sont les citoyens qui font les choix, à travers leurs votes et la désignation de leurs représentants, pas les corps de métier.

Voilà, je ne fais que m'interroger, lancer le débat, sans prendre position sur le fond, les réformes qui sont contestées. Mais le moyen utilisé, la désobéissance des "désobéisseurs", me semble poser problème.

vendredi 10 juillet 2009

Au clair de la Lune.

Conférence de presse ce matin à la Maison de l'Environnement, en compagnie de mes amis astronomes de l'Astro-Club 02 et de Saint-Quentin Astronomie : nous dévoilons aux journalistes le programme du 21 juillet prochain, jour-anniversaire de l'Homme sur la Lune, que nous voulons fêter dignement, pour nous montrer à la hauteur de l'événement (et la Lune, c'est très haut !).

Les astronomes sont des gens sympas, très calmes, fort méticuleux. Car il en faut de la patience et de la précision quand on observe le ciel. Ils ont une forme de sagesse qui les rapprochent des philosophes. D'ailleurs ceux-ci, au tout début de leur longue histoire, n'ont-ils pas commencé par lever les yeux vers les étoiles pour susciter leurs premières méditations ?

J'apprécie tout particulièrement Laurent, président de Saint-Quentin Astronomie, dont les beaux-parents sont quasiment mes voisins et qui sera à la rentrée mon collègue dans mon lycée (il est prof de physique) : deux coïncidences marrantes. Il a la passion en lui, ça se sent. A peine arrivé à Henri-Martin, il veut monter un club d'astronomie pour les lycéens et en a déjà parlé au proviseur. Il a le feu sacré, on va bien s'entendre, des projets communs sont en l'air, à coup sûr !

Ce que nous avons prévu le 21 juillet ? Des animations pour les gamins et les adultes sur la plage de l'Hôtel de Ville (je n'en dis pas plus, je vous raconterai le jour venu, avec bien sûr photos à l'appui). Et le soir, nous avons programmé au théâtre Jean-Vilar deux conférences, à 20h00 : De la Terre à la Lune, par Laurent, et Les hommes sont-ils vraiment allés sur la Lune ? par votre humble serviteur. Ça va décoiffer, je vous promets.

Ces 40 ans, j'y pense depuis longtemps, je les prépare, dans l'indifférence générale. Et puis, depuis quinze jours, ça bouge : les magazines consacrent des numéros spéciaux à l'événement le plus important de tous les temps, Arte commence demain un docu-fiction sur la conquête de l'espace, un film sort ce mois-ci (In the shadow of the Moon), que je présenterai au ciné philo de septembre. Confirmation que notre société ne vit qu'au rythme des médias. Mais je suis heureux que ceux-ci se soient enfin emparés de l'événement lunaire.

J'ai reçu aujourd'hui un sms d'Anthony (ou de Simon ? L'un et l'autre étaient venus chez moi pour réviser) : il m'annonce qu'il a raté l'oral du bac (il est tombé sur Epicure), qu'il souhaite retourner à Henri-Martin l'an prochain (c'est pas gagné, il faut envoyer une lettre de motivation au proviseur) que Mallory et Raphaël ont en revanche réussi l'oral (je suis content pour tous les deux, ils le méritaient). Sinon, pas de nouvelles de Claire-Sophie, de Thomas, de Maxime, de Sarah, qui eux aussi sont venus réviser avec moi. Alors, bacheliers ou pas ?

jeudi 9 juillet 2009

Des souvenirs de joie.


L'Aisne Nouvelle de ce matin consacrait sa première page aux résultats du bac, avec cette photo, que vous reconnaissez puisque vous l'avez vue sur ce blog mardi. Que s'est-il passé ? Au moment où je prenais mes élèves ivres de joie (ça se voit, non ?) d'avoir le bac, le journaliste s'est approché du groupe et en a profité pour faire son cliché. C'est pourquoi les deux élèves aux extrêmes le regardent alors que tous les autres se tournent dans ma direction.
Ces élèves, pour ce qui restera la dernière image de l'année, je vais vous les citer, de gauche à droite : il y a d'abord Jérémy et Gaëlle, de TL2, de bons élèves, qui étaient à la même table durant l'année (Gaëlle m'avait accompagné l'an dernier dans la visite du Père Lachaise). Puis vient une fille dont je ne connais pas le nom, qui ne fait pas partie de mes élèves mais que j'ai accueillie une fois dans ma classe, parce qu'elle voulait savoir comment je faisais cours (j'ai d'ailleurs consacré un billet à cet épisode, que j'avais intitulé, je crois, "Une fille qui passe", que vous retrouverez dans les archives). Enfin viennent mes cinq lascars de TSMP, Mathieu, Quentin, William, Alexis et Clément (eux aussi, vous les retrouvez sur mes photos "délirantes" de fin d'année).
Le sourire de William fait des ravages (c'est de famille, j'avais sa soeur l'an dernier, même visage naturellement joyeux), on le retrouve en page intérieure du journal, avec Pierre et Anthony, également en TSMP. Camille, de TL2, aussi a été interrogée et photographiée. J'apprends qu'elle a eu 20 en histoire ! (mais "seulement" 12 en philo ...). Elle poursuivra à la rentrée ses études à Amiens, pour devenir prof d'histoire ... et peut-être un jour ma collègue à Henri-Martin (quel beau billet ça fera ce jour-là !). Interrogé de même le père d'Ingrid, mon élève de TL2, lourdement handicapée, venant en classe en fauteuil roulant, et qui a eu son bac ! Quelle joie pour elle, pour sa famille et pour moi : ce n'était pas gagné d'avance ! Elle entamera en septembre un BTS notariat. Quelles belles choses que l'école, les études ! Autant de souvenirs de joie !

mercredi 8 juillet 2009

Coup de blues.

Ma maison a fonctionné cet après-midi un peu comme un cinéma, avec trois séances : 14h00, 16h00, 18h00. Sauf que ce n'est pas un film que je projetais, mais quelque chose de moins marrant : entraîner les élèves qui passent demain l'oral du bac en philo. Thomas a ouvert le feu. Il est sympa, décontracté, il n'a rien fichu de l'année. C'est pourquoi je le retrouve au "rattrapage". Il est loin d'être bête, il est même vif d'esprit, mais avec un très long poil dans la main.

Peut-être a-t-il ses raisons, d'ordre privé : toujours est-il que l'école est faite pour travailler, pas pour glander. Aura-t-il demain le bac ? Je peux me tromper mais je pense que oui. Il est malin, il peut tchatcher, éventuellement tromper son monde. C'est ça l'avantage de l'oral, on peut séduire. A condition de ne pas en faire trop. Mais je le sens confiant, cool ... comme dans l'année. Allez savoir si ce n'est pas une façade ! Un enseignant peut difficilement juger de ces choses-là. Surtout moi.

A 16h00, j'ai ouvert ma porte à Anthony, élève gentil, souriant, au premier rang tout au long de l'année, donnant l'impression de boire mes paroles. Jusqu'à l'ivresse ? Je le sens perdu dans ses notes, dans le cours, dans Nietzsche et Epicure. Mais on le serait à moins ... Il est consciencieux, appliqué, j'aimerais tellement qu'il réussisse demain. S'il y avait un dieu des élèves, je le prierais toute la nuit. Mais il n'y a même pas un dieu pour les professeurs ! Avant de passer chez moi, il a révisé son histoire-géo chez une collègue. Eh oui, je ne suis pas le seul à proposer des cours particulier de rattrapage gratuit à domicile !

Anthony est venu avec Maxime, déjà rencontré hier, qui n'est pas de mes élèves mais qui a tenu à ce que je l'entraîne à la redoutable épreuve de l'oral de philo. Idem pour Sarah, qui n'était pas prévue au programme, mais qui a entendu dire que je faisais réviser, qui a donc frappé à ma porte. L'un et l'autre sont issus de la même classe, ils ont étudié Rousseau (Discours sur l'inégalité) et Freud (Cinq leçons sur la psychanalyse). Ils n'ont pas l'air très au point. Je leur ai donc soumis un texte à expliquer et ils se sont pliés à l'exercice. J'espère leur avoir apporté un petit quelque chose, essentiellement psychologique : redonner confiance, susciter l'espoir et rappeler quand même quelques conseils techniques.

18h00, c'est Claire-Sophie qui débarque. Vous la connaissez, elle est déjà intervenue dans les commentaires de ce blog. Je suis surpris qu'elle n'ait pas eu tout de suite le bac (elle l'aura demain, j'en suis certain). Au dernier trimestre, elle avait très bien progressé, à tel point qu'elle m'avait confié vouloir faire des études de philo. Évidemment, elle est aujourd'hui un peu refroidie par une note pas très bonne. Mais je ne cesse de le dire à mes élèves : le bac, c'est une épreuve, à tous les sens du terme. Ne vous attendez donc pas à la réussir automatiquement si vous n'avez pas été trop mauvais dans l'année, ni à échouer obligatoirement si vous n'avez pas été trop bon.

J'attendais aussi, en fin d'après-midi, Raphaël, qui n'est pas venu. Je lui souhaite beaucoup de courage et un peu de chance pour demain. Quant à moi, je me sens ce soir vidé, comme si j'avais révisé autant que mes élèves. Un coup de blues m'est tombé dessus, quand ma porte s'est refermée au départ de Claire-Sophie, ma dernière élève. Là, c'est bel et bien fini, il n'y aura pas de rappel, l'année scolaire 2008-2009 est terminée, morte enterrée.

Demain, je sais que je recevrais quelques textos pour m'informer des réussites à l'oral. Mais après, plus rien. Ces élèves, ces enfants, ces jeunes, que j'ai accompagnés presque une année, auront complètement disparu de ma vie. Parfois, j'en rencontrerai une ou un, au hasard de l'existence, sans nécessairement les reconnaître, ayant sûrement oublié leur nom.

Il ne restera plus rien de cette année-là, de ces trois classes, de ces 89 lycéen(ne)s. Seulement des listes d'appel au fond d'un carton, avec les petites fiches d'identité que je leur avais fait remplir en début d'année. Mais il demeurera quand même, c'est la grande nouveauté, ce blog commencé en août, que je devais clore en début juillet ... que je vais continuer. Parce que je ne veux pas que la mémoire s'efface, parce que je veux garder le souvenir des belles et des moins belles, des grandes et des petites choses.

mardi 7 juillet 2009

A mes élèves.

Félicitations à ceux qui ont eu ce matin le bac, courage à ceux qui ont échoué (ce sera pour la prochaine fois), espoir pour ceux qui vont à l'oral de rattrapage : il vous reste une journée, celle de demain, pour reprendre vos notes, réviser le (pour les S et ES) ou les (pour les L) ouvrages que nous avons étudiés (le Zarathoustra de Nietzsche et la Lettre à Ménécée d'Epicure) il y a longtemps déjà. C'est pourquoi, comme je vous l'avais proposé, nous pouvons reprendre ensemble ce travail, avec entraînement à l'épreuve de jeudi.

Dès cet après-midi, avec Simon et Maxime (ce n'est pas un de mes élèves mais je l'ai pris quand même !), nous avons revu l'essentiel des deux livres, et je leur ai rappelé dans quelles conditions l'oral se déroulait. Demain, deux nouveaux rendez-vous ont été fixés, chez moi, au 51 rue Jean Jaurès (à quelques minutes du lycée) : à 14h00 avec Anthony et Thomas, à 18h00 avec Claire-Sophie et Raphaël. Toutes celles et ceux qui veulent réviser avec nous seront les bienvenu(e)s.

Parmi vous, pour certains, l'accès au bac est à portée de main, il ne reste que quelques points à décrocher. Pour d'autres, ce sera plus difficile mais pas impossible. Sachez que la grande majorité des candidats au "rattrapage" ont finalement leur bac. Profitez des prochaines heures : bien utilisées, elles peuvent vous éviter une année supplémentaire au lycée. Me revoir à la rentrée, vous n'aimeriez tout de même pas ! Moi non plus !

Le bac sur le vif.

Derrière la grille d'entrée monte l'angoisse des élèves et des parents : avoir le bac ou pas ?



Ca y est, il est 10h00 pile, les portes s'ouvrent, la vérité va éclater dans quelques minutes.

A travers la cour du lycée, la ruée vers les résultats, la longue marche pour le succès ... ou l'échec.

A la recherche des heureux élus, au milieu des premiers pleurs de bonheur ou de tristesse.


Bacheliers depuis quelques secondes, ils laissent exploser leur joie. Le plus beau jour de la vie ?




lundi 6 juillet 2009

Dans le secret du jury.

Ce matin, j'ai pris le train pour Creil, mon cartable plein à craquer de mes 128 copies du bac. Sur le quai, et dans chacune des gares rencontrées (Tergnier-Chauny-Noyon-Compiègne), j'ai vu des individus suspects, sac à dos volumineux, qui n'avaient pas l'air de partir en promenade ou en vacances. Des profs avec leurs copies, j'en suis sûr !

A Creil, mon centre d'examen est installé dans le lycée Jules Uhry. L'entrée est très "sécurisée", comme on dit aujourd'hui : une porte automatique, un gardien puis un tourniquet. A une fenêtre de l'établissement, j'aperçois un énorme panneau marqué "SNES", le syndicat majoritaire dans le second degré.

A l'intérieur, les couloirs sont vides, pas de comité d'accueil (certaines années, dans le lycée, un petit déj nous attend !), des collègues qui errent, une feuille qui m'indique la salle de mon jury (en fait de mes deux jurys, puisque les profs de philo sont très chargés en copies à corriger, étant moins nombreux que dans les autres disciplines).

Il faut donc que je choisisse : j'assiste aux délibérations d'un des deux, et je me tiens près à intervenir dans l'autre, si besoin est. Comment je choisis ? En allant jeter un coup d'oeil chez l'un et l'autre, et en retenant celui qui me semble le plus efficace et le plus rapide ! Mais parfois je me plante ...

Je vais donc vous faire entrer dans ces mystérieux jurys du bac et vous dire ce qui s'y passe. Nous sommes dix enseignants, parmi lesquels la hiérarchie a désigné un président et un vice-président, qui sont responsables des débats et qui font le plus gros du boulot, à forte dimension administrative. Il faut remplir des papelards et faire gaffe de ne pas se tromper dans le calcul des résultats.

C'est assez pesant, surtout pour des profs qui n'ont pas trop l'habitude de ça. On pourrait penser que le travail serait plus efficacement et rapidement fait avec du personnel administratif. Mais le principe est sacré : les jurys du baccalauréat ne doivent être composés que d'enseignants, qui ont seuls le pouvoir de délibérer dans le secret de leur réunion. C'est un peu, si vous voulez, comme un conclave et l'élection d'un pape.

Il faut rappeler que l'attribution du bac est une décision collective, entre les mains d'un jury. La souveraineté n'est pas dans la note que l'enseignant attribue au candidat dans la solitude de son travail. Celle-ci n'est qu'une proposition. C'est le jury qui unanimement arrête les résultats définitifs, par la discussion et l'examen éventuel du livret scolaire.

Ce qui signifie aussi que l'anonymat, à ce moment là, est levé : le jury passe en revue chaque candidat et ses résultats par épreuves et disciplines, en décidant s'il est admis au bac, admissible à l'oral ou bien refusé (il n'y a que ces trois options-là). Pour les admis peut se poser la question de leur mention (assez bien, bien, très bien).

En règle générale, il n'y a pas discussion, le jury ne fait que reconnaître et additionner les notes données, en constatant si le candidat a le bac ou pas. Mais il existe des cas, certes minoritaires, où le débat s'impose : tel candidat à qui il manque quelques points pour aller à l'oral, pour avoir le bac ou pour obtenir une mention, que fait-on ?

C'est à ce moment-là que le jury a toute son utilité et exerce un réel pouvoir. Priver un élève de passer l'oral, d'avoir le bac dès l'écrit ou de recevoir une mention, c'est une lourde responsabilité. Nous en discutons donc entre nous, pour savoir ce qu'on fait. Car les résultats purement numériques ne suffisent pas. Il y a des circonstances où l'intelligence, le bon sens doivent intervenir.

Ce matin, une candidate était à trois points d'avoir le bac. Qu'avons-nous fait ? La faire revenir à l'oral aurait été stupide, puisqu'avec trois points qui manquent, l'oral est automatiquement dans la poche. Sauf que ça n'a pas le même sens d'avoir le bac tout de suite ou au rattrapage. Dans ce genre de situation, nous consultons le livret scolaire, pour voir si l'élève n'a pas démérité dans l'année. Il nous arrive de remonter jusqu'aux résultats de la classe de Première. C'est en fonction de ces informations que nous exerçons ou pas notre indulgence.

Le système est bien rodé, et je le crois profondément juste. Aucun laxisme ou sévérité ne viennent le contrarier. Un prof n'est certes pas contraint de changer une note, ni les collègues ni l'administration ne l'y obligent. Mais la délibération collective a ses vertus, la raison finit par l'emporter. Je n'ai jamais vu, en 16 ans de participation à ces jurys, un désaccord entre les membres qui conduise à un conflit ou à un rapport de force (nous ne passons jamais au vote).

Nous avons notre patois. "Racheter" un candidat signifie lui donner les points supplémentaires pour aller à l'oral et lui donner ainsi une seconde chance. Par extension, "être racheté" ou "repêché" veulent dire que le candidat a réussi à l'oral. Le "rattrapage", c'est le second groupe d'épreuves, quand on n'a pas été admis au premier. Une "collante", c'est la feuille des résultats.

Bilan de mon jury : sur 64 candidats, 29 ont été admis, 15 ont été refusés et 18 vont au "rattrapage" (2 étaient absents lors des épreuves). C'est jeudi que commencera l'oral, jusqu'à vendredi. Comme la philo, dans la série technologique, n'a pas un gros coefficient, il n'est pas certain que j'ai des candidats à interroger. Du coup, pour les disciplines à faible coefficient, le président du jury nous téléphonera jeudi matin pour faire éventuellement appel à nous (les épreuves auront alors lieu dans l'après-midi). Bref, on ne se déplacera pas pour rien et le rectorat fera des économies !

Au retour, dans le train, j'apprécie de porter un cartable allégé : j'ai laissé mes 128 copies dans le centre d'examen, devoir accompli ! Demain, pour tous les candidats au bac de France, c'est le D Day. J'ai ce soir une pensée pour mes élèves, pour le travail que nous avons mené ensemble pendant une année et qui prendra tout son sens demain matin, à la lecture des résultats. Je serai bien sûr là, dans la cour de mon lycée où ces résultats seront affichés.

Je sais qu'il y aura, comme chaque année, des pleurs de joie et de tristesse, des satisfactions et des incompréhensions, des choix à faire pour celles et ceux qui devront passer l'oral. Je sais que des parents seront présents, qu'ils auront autant peur que leurs enfants en prenant connaissance du fatal résultat. Je me dois d'être là, moralement, puisque ce n'est pas une obligation statutaire.

Pour mes élèves, je sais aussi que cette nuit sera la plus longue, que demain sera pour eux l'heure de vérité et pour beaucoup le début d'une nouvelle vie. Leur résultat dort au fond du tiroir de l'administration, dans un quelconque bureau. Pour la plupart, les jeux sont faits. On verra demain si c'est réussi ou raté.

dimanche 5 juillet 2009

Philo en Europe.

Il y a un préjugé fréquent qui fait dire que la philosophie ne serait enseignée au lycée que dans notre pays, et reléguée ailleurs dans les études supérieures. Moi-même j'ai adhéré à ce préjugé pendant longtemps, je l'ai même transmis, jusqu'à ce que je découvre, dans le numéro de juin de Philosophie Magazine, que ce n'était qu'un préjugé. Terrible ! On peut être prof de philo, être donc ennemi juré des préjugés et en devenir sans le savoir la victime. Maintenant je sais, et je vous explique :

Sur les 27 pays de l'Union européenne, 25 enseignent la philo en lycée. Eh oui ! Elle est inconnue en Belgique et au Royaume-Uni. En Irlande et en Pologne, ce n'est guère mieux : la philo est abordée, mais à travers d'autres disciplines. Sinon, le régime le plus fréquent, c'est la philo optionnelle, dans 12 pays. Allez, je vous les cite, pour vous faire une petite idée : Pays-Bas, Slovénie, Suède, Estonie, Danemark, Lettonie, Lituanie, Allemagne, République Tchèque, Hongrie, Malte, Chypre.

Dans 11 pays, la philo est obligatoire. Pas mal, non ? Je ne vous les cite pas, ce sont les 11 qui restent. Mais parmi ceux-ci, deux ont un destin exceptionnel, une communauté d'approche : la France et le Portugal. Dans ces pays, l'enseignement de la philo repose canoniquement sur deux exercices, la dissertation et le commentaire de texte, avec programme de notions et oral de rattrapage au bac. Ailleurs, la philo prend d'autres formes très variées, histoire des idées, contrôle continu, inclusion dans d'autres disciplines. Ce qui fait souvent le lien, c'est le programme de notions.

Bref, l'origine du préjugé est ici : en France et au Portugal, la philosophie est exceptionnellement une discipline à part entière. Ce qui n'empêche nullement qu'elle soit bien vivante dans les autres pays d'Europe.

samedi 4 juillet 2009

On est les champions !



Je suis allé ce matin à la réception en l'honneur des gymnastes champions de France UFOLEP 2009, issus du club saint-quentinois de la Vaillante Gymnastique. Qu'est-ce que pouvait bien faire là un prof de philo ? D'abord parce que ce club, affilié à l'UFOLEP, l'est par conséquent à la FOL, Fédération des Oeuvres Laïques de l'Aisne, que je préside. Ensuite parce que mon lycée est très impliqué dans cette belle victoire :
Sur la première photo, à côté de moi, c'est Camille, mon élève de Première en ECJS (l'instruction civique), que je retrouverai peut-être en philo à la rentrée. Au beau milieu, la jeune femme souriante de bonheur, qui a eu la larme à l'oeil pendant toute la cérémonie, c'est Stéphanie, ma collègue prof d'EPS et entraîneur à la Vaillante, dont je connais très bien la maman (elle a travaillé à l'intendance d'Henri-Martin et a pris sa retraite cette année, je lui avais consacrée un billet) et son papa (il a été trésorier de la FOL).
A la gauche de Stéphanie (à votre droite donc), c'est Sylvie, vice-présidente du club, qui travaille elle aussi, actuellement, dans mon lycée, au service de l'intendance. Quand j'ai besoin de commander un car pour une sortie scolaire, je m'adresse à elle. Sylvie a été, il y a dix ans, déléguée UFOLEP, travaillant à ce titre au siège de la FOL, à Beauregard, près de Soissons.
A mon opposé, à l'extrême droite (sans connotation politique !), c'est Vincent, le Conseiller Principal d'Education du lycée (qui est déjà intervenu dans quelques billets). Entre Sylvie et lui, vous voyez une future élève, et entre Camille et Stéphanie, une ancienne élève. La deuxième photo réunit l'ensemble des championnes.
Mine de rien, nous ne sommes pas dans un milieu uniquement sportif, fixé sur la performance et sa récompense. Nous sommes dans une culture laïque, très attachée aux valeurs de l'Ecole publique. C'est aussi pourquoi, moi si peu sportif, je me retrouvais là.

vendredi 3 juillet 2009

Lectures d'été.

Chaque discipline reçoit une somme pour acheter des ouvrages qui sont mis à disposition dans la bibliothèque du lycée. En cette fin d'année scolaire, il restait en philo 190 euros, que j'ai réparti sur huit livres, qui ne sont d'ailleurs pas spécifiquement philosophiques mais plutôt de culture générale. Ce sont des achats qui servent autant aux enseignants qu'aux élèves.

Cette semaine, j'ai fait un petit tour au CDI, complètement désert en cette période de l'année. La documentaliste m'a annoncé que les huit commandes étaient arrivées, que je pouvais les emprunter. J'étais tout content, je pouvais revenir chez moi avec mes lectures d'été, dont voici les références, dans un ordre arbitraire (mais le choix ne l'est pas, et vous en tirerez la conclusion que vous voudrez) :

- Et si on refaisait l'Histoire, Anthony Rowley, Odile Jacob, 17 euros.
- L'Apocalypse russe, Jean-François Colosimo, Bayard, 19 euros.
- L'arrogance du présent : regards sur une décennie 1965-1975, Jean-Claude Milner, Grasset et Fasquelle, 17,90 euros.
- Carnets noirs, Gabriel Matzneff, Léo Scheer, 19 euros.
- L'hypothèse communiste, Alain Badiou, Nouvelles Editions Lignes, 15 euros.
- Jésus sans Jésus, Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, le Seuil, 19 euros.
- Jésus contre Jésus, idem, Points, 8 euros.
- Jésus après Jésus, idem, Points, 8 euros.

jeudi 2 juillet 2009

La vie continue.

Une année scolaire dans le secondaire, c'est comme la fin d'un spectacle, il y a de fausses sorties, des rappels, on ne sait jamais vraiment quand c'est fini. Aujourd'hui, nous avons vécu l'une de ces fins : après la fin des cours, après la fin de l'écrit du bac, après la remise des récompenses aux meilleurs élèves, c'était la cérémonie de départ des personnels, ceux qui partent en retraite ou ceux qui sont mutés. Et d'autres fins m'attendent : les résultats de l'écrit du bac, la proclamation des oraux.

A nouveau, le cadre solennel de la Cour d'Honneur a été sollicité. Mais quand je suis entré, à l'heure de l'invitation, 17h00, j'ai cru m'être trompé, il n'y avait que quelques collègues rassemblés, le micro dressé au milieu avait l'air un peu ridicule. Et puis, le public s'est étoffé. Rien à voir cependant avec l'éclat d'une telle cérémonie il y a quelques années, pas si longtemps. La cour était noire de monde, les discours nombreux, la cérémonie autrement longue et importante, la presse présente .

Qu'est-ce qui s'est passé ? Ce qui s'est passé avec l'amicale du personnel et sa récente dissolution. Les quasi protocolaires départs en retraite ou en mutation ne sont plus dans l'air du temps. Beaucoup de collègues concernés ne viennent pas (alors qu'un cadeau leur est réservé). Question de goût : certains veulent partir discrètement, sans ostentation, d'autres ne voient pas l'intérêt d'y consacrer toute une cérémonie. Jadis, la retraite signait la rupture d'une vie, une page qui se tournait. Aujourd'hui, c'est une étape, la vie se poursuit, parfois elle (re)commence.

Et puis, un enseignant ne passe plus comme autrefois toute sa vie dans un seul établissement. La mobilité a rendu moins émouvant, moins solennel le départ. Le métier a aussi perdu sa mission sacerdotale, il est devenu beaucoup plus fonctionnel. Ça n'incite pas à un départ en fanfare ou avec les grandes orgues. Signe des temps : les jeunes retraités ne demandent plus à un collègue de faire leur panégyrique. Cette figure de rhétorique paraît sans doute désuète. Je la trouvais délicieuse, délectable même.

En effet, quoi de plus beau que de terminer sa vie professionnelle, surtout dans ce beau métier d'enseignant, par un rappel de cette vie, sous ses aspects les plus positifs. C'est une façon de redonner son sens à une existence, de la remettre en perspective. Je sais bien que les collègues peuvent le faire sans passer par un discours public, mais c'est aussi un salut qu'on adresse à la communauté enseignante. Y a-t-il encore aujourd'hui une communauté enseignante ?

Ce que j'appréciais dans ces discours d'adieu sous forme de portraits, c'est qu'on y découvrait des dimensions très personnelles de la vie des collègues, qu'on ignorait jusqu'alors. Une forme de mélancolie s'en dégageait : ce prof qu'on croisait depuis des années, avec qui on échangeait quelques mots, qu'on connaissait depuis longtemps sans le connaître vraiment, se dévoilait aux yeux de beaucoup sur le tard, au moment de nous quitter. Le regret me venait alors de n'avoir pas plus tôt sympathisé avec lui, de n'avoir pas chercher l'homme sous le prof. Mais peut-être est-il aussi bien que chacun conserve son jardin secret ?

Bref, la cérémonie a eu tout de même lieu cet après-midi, pâle reflet de ce que j'ai vécu autrefois. Les petits fours et le champagne étaient là, mais l'esprit n'était plus là. Pour la dernière fois, la présidente de la défunte amicale a remis un bouquet et une enveloppe aux retraités présents. Je ne sais pas comment on fera l'an prochain. 26 personnes étaient concernées par les retraites ou mutations, dont cinq retraités, toute une génération, des figures déjà anciennes du lycée, dont le départ me pousse un peu plus en avant vers la ligne de front des ancêtres de l'établissement !

J'ai voulu prendre une photo pour le blog, les collègues n'ont pas accepté, craignant un détournement de l'image. Il me reste les mots. Bientôt, il ne restera peut-être plus rien, parce que ce genre de cérémonie des adieux aura cessé d'exister. Mais arrêtons la mélancolie : la vie continue.

J'ai appris que mon unique collègue prof de philo, Pascal, quitte l'établissement pour ... San Francisco. Veinard ! Faire de la philo à San Francisco, le pied ! Tiens, en voilà encore un que je ne reverrai plus. Il était arrivé il y a un an, on se parlait assez peu, c'était sympa comme ça. Pas causant et pas prise de tête, le collègue idéal, quoi ! Sauf que lui aussi aurait mérité que je m'intéresse un peu plus à sa personne. C'est maintenant trop tard. Mais puisque je vous dis que la vie continue ! J'aurai un nouveau collègue à la rentrée. Pourvu qu'il soit pas trop causant ni prise de tête ! Vous le saurez de toute façon en lisant fidèlement Prof Story ...

mercredi 1 juillet 2009

C'est fini !

Oui c'est fini ! J'ai terminé dans la soirée les trois dernières copies qu'il me restait à corriger et j'ai envoyé l'ensemble de mes résultats par internet au rectorat. Et pourtant j'ai eu une grosse frayeur dans l'après-midi : l'ordi s'éteint, plus rien, impossible de le relancer, angoisse forcément ! L'explication : le câble à changer. Ouf, ça n'était que ça ! Sinon, qu'est-ce que j'aurais fait, en cas de panne ? Pas de panique, j'aurais calmement attendu demain matin pour appeler le rectorat, prévenir de la défaillance et me rendre dans mon établissement.

Je vous donne l'échelle de ma notation, comme je l'ai fait pour chaque devoir dans l'année, sauf que cette fois, c'est le baccalauréat ! A droite le nombre de copies, à gauche la note obtenue :

1 : 1
2 : 2
3 : 4
4 : 3
5 : 9
6 : 8
7 : 9
8 : 16
9 : 25
10 : 13
11 : 9
12 : 8
13 : 8
14 : 5
15 : 4
16 : 1
17 : 3

Ce qui donne, sur un ensemble de 128 copies, 77 en dessous de 10 et 51 ayant la moyenne.

Dernière information : chaque copie est payée 5 euros brut à son correcteur.