mercredi 8 juillet 2009

Coup de blues.

Ma maison a fonctionné cet après-midi un peu comme un cinéma, avec trois séances : 14h00, 16h00, 18h00. Sauf que ce n'est pas un film que je projetais, mais quelque chose de moins marrant : entraîner les élèves qui passent demain l'oral du bac en philo. Thomas a ouvert le feu. Il est sympa, décontracté, il n'a rien fichu de l'année. C'est pourquoi je le retrouve au "rattrapage". Il est loin d'être bête, il est même vif d'esprit, mais avec un très long poil dans la main.

Peut-être a-t-il ses raisons, d'ordre privé : toujours est-il que l'école est faite pour travailler, pas pour glander. Aura-t-il demain le bac ? Je peux me tromper mais je pense que oui. Il est malin, il peut tchatcher, éventuellement tromper son monde. C'est ça l'avantage de l'oral, on peut séduire. A condition de ne pas en faire trop. Mais je le sens confiant, cool ... comme dans l'année. Allez savoir si ce n'est pas une façade ! Un enseignant peut difficilement juger de ces choses-là. Surtout moi.

A 16h00, j'ai ouvert ma porte à Anthony, élève gentil, souriant, au premier rang tout au long de l'année, donnant l'impression de boire mes paroles. Jusqu'à l'ivresse ? Je le sens perdu dans ses notes, dans le cours, dans Nietzsche et Epicure. Mais on le serait à moins ... Il est consciencieux, appliqué, j'aimerais tellement qu'il réussisse demain. S'il y avait un dieu des élèves, je le prierais toute la nuit. Mais il n'y a même pas un dieu pour les professeurs ! Avant de passer chez moi, il a révisé son histoire-géo chez une collègue. Eh oui, je ne suis pas le seul à proposer des cours particulier de rattrapage gratuit à domicile !

Anthony est venu avec Maxime, déjà rencontré hier, qui n'est pas de mes élèves mais qui a tenu à ce que je l'entraîne à la redoutable épreuve de l'oral de philo. Idem pour Sarah, qui n'était pas prévue au programme, mais qui a entendu dire que je faisais réviser, qui a donc frappé à ma porte. L'un et l'autre sont issus de la même classe, ils ont étudié Rousseau (Discours sur l'inégalité) et Freud (Cinq leçons sur la psychanalyse). Ils n'ont pas l'air très au point. Je leur ai donc soumis un texte à expliquer et ils se sont pliés à l'exercice. J'espère leur avoir apporté un petit quelque chose, essentiellement psychologique : redonner confiance, susciter l'espoir et rappeler quand même quelques conseils techniques.

18h00, c'est Claire-Sophie qui débarque. Vous la connaissez, elle est déjà intervenue dans les commentaires de ce blog. Je suis surpris qu'elle n'ait pas eu tout de suite le bac (elle l'aura demain, j'en suis certain). Au dernier trimestre, elle avait très bien progressé, à tel point qu'elle m'avait confié vouloir faire des études de philo. Évidemment, elle est aujourd'hui un peu refroidie par une note pas très bonne. Mais je ne cesse de le dire à mes élèves : le bac, c'est une épreuve, à tous les sens du terme. Ne vous attendez donc pas à la réussir automatiquement si vous n'avez pas été trop mauvais dans l'année, ni à échouer obligatoirement si vous n'avez pas été trop bon.

J'attendais aussi, en fin d'après-midi, Raphaël, qui n'est pas venu. Je lui souhaite beaucoup de courage et un peu de chance pour demain. Quant à moi, je me sens ce soir vidé, comme si j'avais révisé autant que mes élèves. Un coup de blues m'est tombé dessus, quand ma porte s'est refermée au départ de Claire-Sophie, ma dernière élève. Là, c'est bel et bien fini, il n'y aura pas de rappel, l'année scolaire 2008-2009 est terminée, morte enterrée.

Demain, je sais que je recevrais quelques textos pour m'informer des réussites à l'oral. Mais après, plus rien. Ces élèves, ces enfants, ces jeunes, que j'ai accompagnés presque une année, auront complètement disparu de ma vie. Parfois, j'en rencontrerai une ou un, au hasard de l'existence, sans nécessairement les reconnaître, ayant sûrement oublié leur nom.

Il ne restera plus rien de cette année-là, de ces trois classes, de ces 89 lycéen(ne)s. Seulement des listes d'appel au fond d'un carton, avec les petites fiches d'identité que je leur avais fait remplir en début d'année. Mais il demeurera quand même, c'est la grande nouveauté, ce blog commencé en août, que je devais clore en début juillet ... que je vais continuer. Parce que je ne veux pas que la mémoire s'efface, parce que je veux garder le souvenir des belles et des moins belles, des grandes et des petites choses.

3 commentaires:

grandourscharmant a dit…

Vous imaginez quand viendra la retraite ?

Plus jamais de cours à dispenser,
plus aucun élève à qui enseigner,
il va falloir vous y préparer si vous voulez pouvoir le supporter, quand le temps sera venu

D'un autre coté, c'était peut etre votre dernier cours,
votre dernière élève aujourd'hui.

J'aimerai bien etre aussi émotif que vous.

Anonyme a dit…

"des cours particulier"

Il manquerait pas un "s" à particulier ?

Emmanuel Mousset a dit…

- Je suis pour le maintien de la retraite à 60 ans ... sauf pour moi.

- Mon dernier cours ? J'espère tout de même que ma dernière heure n'est pas venue.

- Le "s" qui manque, eh oui : le coup de blues est aussi un coup de fatigue.