mardi 24 mars 2009

Les quatre.

La Bibliothèque Départementale de l'Aisne me demande "une liste basique d'ouvrages philosophiques que vous jugez indispensables dans une bibliothèque publique pour tous publics". Pas facile. J'ai envie de répondre par une boutade un peu facile: aucun livre de philo n'est accessible à tous publics. Puisque leur lecture est un travail, assez difficile, le public ne peut être qu'averti et soigneusement choisi.

En même temps, il y a une prétention universelle de la pensée philosophique qui permet de mettre ses oeuvres entre toutes les mains, pourvu que l'esprit s'y soit préparé. Bref, je dois faire une sélection. Mais combien d'ouvrages? Et lesquels? A nouveau, casse-tête. Faisons le test de l'île déserte: si j'avais à emporter dans la solitude quelques titres, si j'avais à sauver quelques chefs-d'oeuvre de l'humanité en perdition , quels seraient-ils? J'en vois tout de suite quatre, les piliers sans lesquels le temple s'écroule:

PLATON, République.
DESCARTES, Méditations métaphysiques.
KANT, Critique de la Raison pure.
HEGEL, La Phénoménologie de l'Esprit.

Hors de ces quatre-là, point de salut philosophique! Avec ces quatre-là, je peux vivre et mourir. Les bibliothèques sont pleines de livres inutiles. Leur autodafé ferait un joli et joyeux feu. Nos cerveaux sont alourdis d'écrits indigestes, surtout quand ceux-ci se prétendent philosophiques. Platon maudit l'écrit qui fige la pensée. C'est aussi pourquoi je n'ai pas donné à mes élèves de bibliographie, qu'on range généralement dans un coin et dont on ne se sert pas (j'ai constaté ça à la fac).

Mon problème, c'est que les quatre joyaux que je viens de citer sont d'un abord décourageant, même pour une bonne volonté et une intelligence moyenne. J'excepte éventuellement la République de PLATON. La Phénoménologie de HEGEL est à rendre fou l'esprit le plus rationnel, alors que la thèse de l'ouvrage est hyper rationnelle! Bref, ça ne va pas du tout, et c'est de toute façon beaucoup trop court pour ce que me demande la Bibliothèque Départementale de l'Aisne. Il va donc falloir voir la commande autrement.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

En ce qui me concerne, je préfère lire les philosophes que les malmener dans une pauvre dissertation... Désolé, je n'en vois pas l'utilité; les copies sont presque toujours plus faibles que les originaux. Et il semble impossible de s'improviser philosophe. Alors à quoi ça sert? Autant s'abstenir de malmener les grandes oeuvres - ça fait grincer des dents... -

Emmanuel Mousset a dit…

Il n'y a que le bruit de la scie ou des ongles sur le tableau qui fassent grincer des dents.

Les philosophes peuvent être utilisés à bon escient dans une réflexion, pourvu qu'on reste modeste dans l'approche. On peut se référer par exemple à l'une de leurs idées, bien maîtrisée, pas nécessairement à toute leur pensée.

Les élèves de Terminale ayant étudié complètement un ou deux ouvrages, ils disposent de références assez solides et donc exploitables.

Anonyme a dit…

D'accord. Au fond, l'élève est comme un coucou qui occupe le nid d'un autre et copie ses oeufs... En somme, tous ceux qui se prêtent à la philosophie sont comme qui dirait des élèves de Platon, puisqu'il en est le fondateur. Non?

Emmanuel Mousset a dit…

Platon fondateur de la philosophie? Ca se discute, comme dirait l'autre.

L'image du coucou est inadéquate. Je vous en propose une autre: celle de l'abeille qui butine les grandes oeuvres et en fait son miel.

C'est quand même plus joli et plus vrai que le coucou.