dimanche 3 mai 2009

La dictée.

J'ai entendu ce dimanche soir un bruit dans mon couloir. Il n'y a pas aujourd'hui de facteur, ça ne peut donc pas être une lettre. Peut-être un prospectus, une publicité, ou bien un tract politique ? Rien de tout cela, mais une dissert de philo, d'un Scientifique, absent avant les vacances. Il rend in extremis (je donne les corrigés demain matin, après plus question de me donner des copies). Mais il rend, c'est l'essentiel.

Hier matin, sur France-Culture, l'émission d'Histoire de Jean-Noël Jeanneney Concordance des temps portait sur "la dictée laïque". Fait-on encore des dictées à l'école primaire ? Pendant longtemps, cet exercice était considéré comme majeur, essentiel. Et puis, il a été très décrié, critiqué pour sa passivité, sa soumission à l'ordre orthographique. Dictée, dictature, même combat !

C'est injuste. La dictée, comme tout exercice, est active. L'élève prend l'initiative de traduire une parole en écriture. C'est incontestable un exercice d'intelligence, et pas une stupide reprise ou répétition d'un texte. Quant à la soumission à l'ordre de l'orthographe et de la grammaire, dont je reconnais qu'il est parfois arbitraire, il a son utilité. Car apprendre quoi que ce soit, c'est se soumettre à un ordre. L'intelligence est ordonnée, la bêtise est chaotique. Je parle d'expérience, je connais bien l'une et l'autre. Le fin du fin, le nec plus ultra, c'est quand on crée son propre ordre, qu'on l'invente. C'est le but de la pensée.

Écolier dans les années soixante, je faisais des dictées, j'en ai gardé un excellent souvenir. Le stylo n'était pas encore de rigueur, on écrivait à la plume, l'encre et le buvard, avec des pleins et des déliés. Alors, rédiger était un plaisir, une esthétique, quelque chose de précieux, presque sacré, qu'il ne fallait pas rater. Nathalie Sarraute, dans Enfance, paru en 1983, traduit fort bien ce sentiment, ce respect, cette joie qu'instaurait la dictée. Ce n'est pas chez moi de la nostalgie, je me fous du passé, seul compte l'avenir. Mais je restitue un souvenir et une vérité.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

je sais que vous vous occupez du ciné philo, et j'aimerais savoir sur quel film portera le prochain ?
merci d'avance.

Emmanuel Mousset a dit…

"Let's make money", un film documentaire sur les banques et le monde de la finance, qui tombe à pic avec la crise économique mondiale. Notre invité sera Karim Saïdi, professeur agrégé d'économie au lycée Condorcet.

Anonyme a dit…

et le ciné philo a lieu quand ?
vous l'animez uniquement sur Saint-Quentin?

Emmanuel Mousset a dit…

Le lundi 18 mai (toujours le 3ème lundi du mois). Seulement sur St Quentin.

Maniaque de l'orthographe a dit…

Je regrette aussi le temps des "bonnes vieilles dictées". Je trouve superbes ces écritures à la plume. D'autant plus que j'ai la nette impression qu'aujourd'hui, les élèves écrivent de plus en plus mal. Une chose est sûre, c'est qu'il y a de moins en moins de personnes qui écrivent correctement, je veux dire sans faire de fautes: le langage sms et la fonction "correction automatique" du traitement de texte informatique y sont pour beaucoup. Je ne suis pas du tout contre les nouvelles technologies, seulement il est toujours plus profitable que, par exemple, une demande d'embauche soit rédigée à la main et sans erreur. Question d'impression. Quand je lis un texte, un tract, le fait qu'un mot soit mal orthographié (souvent plusieurs) ou qu'il contienne des erreurs grammaticales le décrédibilise totalement à mes yeux. Enfin, je m'en doute bien, tout le monde n'est pas aussi rigide...

Anonyme a dit…

C'est grâce à notre passé que nous sommes tels que nous sommes aujourd'hui. Alors, s'il vous plaît, ne le négligeons pas!

Emmanuel Mousset a dit…

A Maniaque de l'orthographe :

Je vous donne raison pour votre rigueur et votre exigence. Mais quand vous dites : "les élèves écrivent de plus en plus mal", "il y a de moins en moins de personnes qui écrivent correctement", il faut à mon avis nuancer :

- La plupart des élèves qui sont aujourd'hui en lycée n'y seraient jamais allés il y a 40 ans. Les enfants des milieux populaires allaient directement à l'usine ou au champ après la 6ème. La comparaison avec le passé est donc trompeuse.

- Notre société exige de plus en plus de compétences. Il y a 50 ans, beaucoup de gens par exemple n'avaient pas besoin de posséder un carnet de chèques, pas besoin donc de rédiger. Là encore, la comparaison est difficile.

Emmanuel Mousset a dit…

Au dernier anonyme :

Vous avez raison, le passé est responsable de ce que nous sommes. Mais je persiste à penser qu'entre ce qui est fait et ce qui est à faire, je préfère me concentrer sur le second.