mardi 19 mai 2009

Cinoche.

Hier soir, dernier Ciné Philo de l'année où les élèves de mon lycée pouvaient bénéficier de trente places gratuites. Et pour la première fois de l'année, les trente ont été réservées ... mais une petite dizaine ne sont pas venus, bien qu'ayant précisé qu'une place non occupée privait bêtement un camarade qui aurait bien voulu venir. Passons. Chez les adultes, c'est devenu fréquent : on s'inscrit et au dernier moment on ne vient pas parce qu'on a mieux à faire. Ainsi le veut la société de consommation. Ce n'est pas que jadis les gens étaient plus vertueux, mais les distractions étaient plus rares. On honorait ses engagements parce qu'aucune tentation ne les remettait en question.

Le film documentaire, d'un accès pas évident pour des élèves (et même pour tout public), portait sur le système financier mondial : Let's make money, de l'autrichien Erwin Wagenhofer. Ce qui explique la présence importante d'élèves de la série ES. J'avais invité un prof agrégé d'économie, Karim Saïdi, pour nous éclairer. Mais j'avais surtout en tête de surveiller les élèves. Toute sortie, même sur la base du volontariat, est périlleuse. Il vaut mieux le savoir si on ne veut pas être confronté à de désagréables surprises.

A l'heure du film, il manque bien sûr des élèves. Comment distinguer ceux qui ne viendront pas de ceux qui sont en retard ? J'apprendrai plus tard, en consultant mon téléphone portable, que trois élèves m'avaient prévenu de leur retard. Avant d'entrer dans la salle, je procède à un briefing : éteindre les portables, ne pas parler entre camarades pendant le film. Ça peut paraître évident, ça ne l'est pas pour beaucoup, comme on va le voir. Ils discutent entre eux au ciné comment n'importe où, il n'y voit pas grand mal. Même un murmure s'entend et gêne quand on veut suivre un film. Cette ambiance de monastère où il y aurait des distractions, les élèves n'y sont pas habitués. Le silence est presque pour eux inhumain, contre-nature.

Les cinémas n'ont rien arrangé avec leur vente de nourriture et boisson : les seaux à pop-corn, les emballages de friandises qu'on froisse, les bouteilles qu'on s'échange, tout ça favorise la convivialité bavarde. Il y a vingt ans, quand je suis entré pour la première fois dans une salle de cinéma à New-York, j'étais stupéfait, j'entendais les maxillaires remuer, la nutrition et la digestion se faire. Je découvrais qu'on venait aussi au cinéma pour bouffer ! Maintenant en France c'est arrivé.

Une fois la salle plongée dans le noir et le film commencé, c'est le moment de tous les dangers. J'exagère ? Oui un peu. Je tends l'oreille, à l'affût du moindre chuchotement à châtier. Mais rien. Sauf qu'un groupe d'élèves, quatre ou cinq, entrent et s'installent, ce sont les retardataires et ils n'ont pas été par moi briffés. Les places libres sont rares, ils vont au premier rang. Après l'oreille, c'est mon oeil qui est aux aguets.

Je fais bien : une personne se lève pour manifestement intimer aux élèves de se taire. Quelques minutes plus tard, elle réitère. J'ai compris, je bondis de mon siège et me précipite pour réprimander le groupe, dans lequel je reconnais un élève à moi. Sauf que je me plante (je ne le saurai qu'après, une fois la lumière revenue) : c'est un rang plus loin, juste derrière, qu'il y a problème. Un élève, malgré mon interdiction, a utilisé son portable. Il a fallu le surveiller toute la séance pour qu'il ne recommence pas. Vraiment minable !

J'avais repéré, pendant mon briefing, deux ou trois élèves qui ne suivaient pas, que j'ai dû rappeler à une meilleure attention. L'avantage avec les malhonnêtes, c'est qu'on les détecte assez vite, sauf s'ils sont très malins, très intelligents (mais l'intelligence fait tout pardonner). Généralement, ce n'est pas le cas. Après, la riposte est purement technique et repose essentiellement sur le principe de surveillance : certains élèves ne sont pas bien méchants, seulement un peu bêtes et malhonnêtes.

Aucun commentaire: