samedi 14 mai 2011

Prudence de la provocation.

Jeudi soir, à l'invitation du centre social Saint-Waast de Soissons, j'ai animé un débat à la suite du documentaire d'Hubert Sauper, "Le cauchemar de Darwin". La séance était organisée dans le cadre des journées de l'Europe. Cinquante places gratuites avaient été distribuées ... et nous n'étions qu'une dizaine dans la salle. Une fois de plus, j'ai eu la confirmation que la gratuité d'une activité ne faisait pas nécessairement son succès.

Ce film est déjà ancien (2 004), son sujet un peu austère (la dégradation de l'écosystème du lac Victoria en Tanzanie par l'introduction de la perche du Nil et ses conséquences sociales), l'engouement qu'il a en son temps suscité est à mettre en rapport avec la mode altermondialiste, alors plus forte qu'aujourd'hui. Ceci dit, j'ai fait mon métier, j'ai consciencieusement pris des notes pendant la projection et j'ai fait mon speech à la fin (le peu de public ne prédisposait pas à un vrai débat).

A quoi s'est ajoutée une gêne de ma part : "Le cauchemar de Darwin" a été l'objet, un an après sa sortie, d'une vive mais sérieuse polémique, mettant en doute le bien fondé de sa thèse (un trafic d'armes en échange du poisson, au bénéfice de l'Europe), contestant certaines allégations (les carcasses de poissons servant soi-disant de nourriture aux tanzaniens iraient en vérité aux porcs et aux poulets). Bref, le documentaire a été accusé de supercherie, d'imposture (ce sont les mots employés).

Or, je ne savais pas si les spectateurs savaient, s'ils étaient au courant de la polémique ou s'ils venaient voir le film en toute bonne foi, adhérant à sa ligne. J'aime provoquer, déstabiliser, je crois que c'est indispensable à la réflexion, à condition que le public soit prévenu, qu'il sache à quoi il s'attend, pour qu'il puisse s'y préparer. Là, ce n'était peut-être pas le cas. J'ai été prudent, je ne me suis pas trop engagé, j'ai tout de même relaté le problème : la plupart n'en avaient pas eu connaissance, quelques-uns en avaient entendu parler mais ne se souvenaient plus très bien. J'ai donc bien fait d'être prudent.

En tout cas, ce documentaire est un excellent support pour une réflexion sur les rapports entre l'image et la vérité.

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