mercredi 4 novembre 2009

Obéir à qui et à quoi.

Ce qui distingue l'école de la République de toute autre école (car les conceptions et les réalités de l'école sont multiples), c'est qu'elle n'est soumise qu'à la République, c'est à dire des règles, des valeurs, une culture, une histoire. Cette école-là est laïque parce qu'elle est neutre, indépendante, libre à l'égard de tout ce qui n'est pas la République. L'école de la République ne se soumet pas au pouvoir politique, pas plus que le pouvoir politique, s'il est républicain, ne cherche à soumettre l'école publique.

C'est pourquoi je suis gêné et un peu fâché d'entendre le ministre de l'Education Nationale, en début de journée, annoncer que le débat politique sur l'identité nationale sera organisé dans les établissements scolaires. Là je dis non. Je ne me prononce pas ici sur le bien fondé de ce débat, qui appartient à la sphère politique, pas éducative. Mais cette initiative ne doit pas franchir le seuil de l'école, précisément parce que son intention est politique. J'aurais exactement la même réaction pour un autre thème proposé par un autre gouvernement, de gauche par exemple.

Par le passé, nous avons déjà été confrontés à ce genre d'incursion dans l'éducation. A la suite des attentats du 11 septembre 2 001, les enseignants avaient été invités à faire respecter devant leurs classes trois minutes de silence en mémoire des victimes. Je me suis plié à cette obligation sans trop de problème : la tragédie avait une dimension universelle, l'émotion était partagée par tous. Et puis, il ne s'agissait pas de débattre mais de rendre hommage à des disparus dont personne ne pouvait contester l'état d'innocents.

En 2 004, à l'occasion de la catastrophe du tsunami, les enseignants avaient été sollicités pour organiser des réflexions autour de cette tragédie naturelle. J'avais mené un petit débat dans ma classe, en présence du proviseur, pour marquer le coup. Là encore, aucun problème de conscience : l'événement n'était pas politique, ne répondait à aucune instrumentalisation, je l'ai traité en philosophe, c'est à dire librement, et en le rapportant aux problématiques qui sont celles de notre programme.

Récemment, la lecture de la lettre de Guy Môquet a suscité la polémique. Je n'ai pas quant à moi été choqué, et si on m'avait demandé de lire ce beau texte devant les élèves, je l'aurais fait volontiers. Le style, les valeurs, le contexte méritent qu'on les évoque. Que l'initiative vienne d'un président de la République nouvellement élu ne porte pas vraiment à contestation, pourvu que cette décision soit le fait du président en tant que président, et non pas l'homme de droite qu'il est.

Un enseignant est un fonctionnaire dont l'obéissance est un devoir et une vertu. Si chaque prof faisait ce qu'il voulait dans son petit coin, ce ne serait pas républicain. Mais cette obéissance n'est pas aveugle. Il ne s'agit pas d'obéir à n'importe qui ou n'importe quoi.

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