lundi 2 novembre 2009

Ne rien désirer ?

Peut-on ne rien désirer ? J'ai corrigé aujourd'hui presque la moitié des ES. Comme chez les L, on retrouve les mêmes défauts à travers bien des devoirs. Le principal a consisté en une pure et simple description du désir, de son fonctionnement, expliquant qu'il était impossible de ne pas désirer puisqu'on désirait en permanence, que le désir s'inscrivait au plus profond de la nature humaine.

Soit, mais ce n'est pas philosophiquement très intéressant de faire un tel état des lieux intimes. Le problème que nous pose la question, c'est d'essayer de concevoir l'absence de désir, le non désir, qui n'est pas si invraisemblable que ça. L'élève qui ne faisait pas cet effort pouvait difficilement se voir gratifier d'une bonne note.

Compliqué ? Pas tant que ça, certains d'ailleurs y sont parvenus. Comme toujours, il est plus simple de partir du vécu. En théorie, nous avons le sentiment de vivre notre existence sous la loi implacable du désir. Mais en pratique, ce n'est pas si vrai. D'abord, il est faux de dire que nous désirons sans arrêt ! Il y a bien des moments où le désir se calme, s'assagit, s'éteint, quasiment disparaît. Si Deleuze percevait l'homme comme une "machine désirante", celle-ci ne fonctionne pas 24h sur 24, à la différence de notre réfrigérateur !

Ensuite, loin d'être notre loi universelle, le désir est peut-être notre grand manque. Combien de gens autour de nous sont vides de passion, de motivation, d'enthousiasme ? Pas mal tout de même. Ils ne désirent rien, éprouvent un vague dégoût, souffrent d'une forme d'impuissance à ne pas désirer. La flamme du désir en l'homme brûle sans doute moins qu'on ne le croit, tellement elle est fragile et vacillante. Le désir se cherche plus qu'il ne surabonde.

Et puis, il y a tous ceux qui désirent, mais peu ou très mal, à tel point qu'on peut penser qu'ils ne désirent pas. Regardez l'amour : qui aime vraiment ? Le plus grand des désirs n'est pas toujours à la fête ! On croit aimer plus qu'on aime réellement. Le désir est aussi une illusion. Pour bien cerner la question, il fallait au préalable distinguer le désir du besoin (la pulsion, l'instinct) et de la volonté (qui est rationnelle).

Quelques références pouvaient fournir une base de réflexion : la religion critique le désir, les ascètes tentent de s'en libérer. Dans le bouddhisme, c'est l'état d'éveil, quand tous les désirs ont été vaincus. La sagesse philosophique nous conduit également sur ce chemin, avec les stoïciens (la volonté supérieure au désir) ou bien les épicuriens et leur notion d'ataraxie (la cessation des désirs douloureux).

Enfin, et pas mal d'élèves en ont parlé, il y a une absence de désir qui provient de sa satiété, quand l'homme est comblé, ne manque plus de rien et ignore jusqu'à l'appel du désir. Un homme heureux n'a pas de désir, aucune frustration ! Beaucoup de copies ont pointé la contradiction d'un désir de ne pas désirer, remarque qui pouvait fournir une problématique de départ ou bien une aporie finale. C'est selon, tout dépend comment l'élève choisit de construire l'ensemble de son argumentation.

4 commentaires:

Arthur Nouaillat a dit…

Ne rien désirer c'est être vide..

Emmanuel Mousset a dit…

Vide ou vidé ? Le rien ou la libération ?

Arthur Nouaillat a dit…

Le rien évidemment. Quand on ne désire rien, on n'a plus aucune motivation, aucun objectif, aucun rêve.. donc on est vide, vide d'esprit par exemple..

grandourscharmant a dit…

Ne rien désirer,
c'est déjà désirer quelque chose.