jeudi 16 avril 2009

Quelle journée!

A 8h00 ce matin, Gunter était là, devant le lycée Henri-Martin, sous un ciel maussade. Venu la veille, l'animateur du célèbre café philo parisien des Phares devait d'abord intervenir dans mon établissement, devant ma classe littéraire. Au départ, je lui avais réservé une heure sur trois. Et puis, au lever, brusque changement de ma part: je me suis dit qu'il fallait lui abandonner toute la matinée.

La première heure, Gunter s'est installé à ma place, au bureau, et moi, je me suis assis parmi mes élèves. Voilà un petit renversement de situation rafraîchissant. Gunter se présente, explique son parcours, raconte l'aventure planétaire des cafés philo, dont il a été l'un des initiateurs. Il n'est pas philosophe de formation, a enseigné le droit à la Sorbonne, s'est mêlé de psychanalyse. C'est très bien comme ça.

Petit problème (que je craignais): les élèves interviennent peu, le questionnent rarement. Il faut dire que tout n'a pas très bien commencé: c'était aujourd'hui ramassage du dernier devoir, il y avait six absents (comme par hasard...) et parmi les présents trois n'ont pas rendu, avançant des prétextes minables. Ma gueulante a peut-être surpris Gunter, mais nous sommes dans un lycée, un lieu de travail, et ça ne s'oublie pas .

Deuxième et troisième heures, nous nous rendons au foyer, pour improviser un café philo. Les échanges, là encore, ont eu du mal à s'engager. Vers la fin, c'était un peu mieux. Notre sujet: l'enfer, ce n'est pas les autres, c'est moi-même. Après, j'explique à Gunter que la philo au lycée est formatée par les épreuves du bac, qui sont écrites, à l'exception du rattrapage. Et puis, s'exprimer devant ses camarades, c'est difficile pour bien des élèves. J'ai pensé un instant que j'aurais peut-être dû laisser Gunter seul avec eux. Moi présent, c'est l'ombre menaçante du prof qui est toujours là et qui bloque.

Déjeuner sympa au Golden Bar, puis Gunter file vers Chauny, avec Samuelle, prof de Lettres au lycée Gay-Lussac, pour une nouvelle animation philo là-bas, tandis que je retourne en cours. Le soir, on se retrouve tous de nouveau à Saint-Quentin, au bar Le Manoir, avec le café philo ouvert au public. J'ai réussi à faire inscrire une trentaine d'internes d'Henri-Martin, sans me faire d'illusion: il y a beaucoup de Secondes, c'est pour eux une occasion inespérée d'échapper au lycée. Pourquoi pas: en écoutant nos débats (ce qu'ils ont fait très attentivement), il leur en restera toujours quelque chose.

Pour l'occasion, le Manoir était plein comme un oeuf. Je n'ai jamais vu autant de monde. Chaleur d'enfer, difficultés à circuler, bruits de fond inévitable. Bravo Gunter pour l'animation! Dans de telles conditions, après une journée bien remplie, ce n'est pas évident. Mais quel plaisir de voir la philosophie mobiliser ainsi! A la fin, avant de nous quitter, j'ai offert à Gunter un petit souvenir de Saint-Quentin: des chocolats à l'effigie de notre grand pastelliste Quentin de La Tour, pour qu'en les croquant, Gunter pense à nous. En attendant de le retrouver l'an prochain!

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Super café Philo, ce soir ! Je suis 2nde et c'était la première fois que je participais à un café philo et j'ai adoré. Certes le sujet était vague et assez complexe mai très interessant. D'ailleurs, je serait présent au prochain café philo en Mai.
G

Emmanuel Mousset a dit…

D'habitude, il y a beaucoup moins de monde! Si tu es interne, ce serait bien de continuer à mobiliser les autres internes d'Henri-Martin.

Anonyme a dit…

Non, je ne suis pas interne mais j'essayerai quand même de les mobiliser. Surtout que thème du prochain café philo est très interessant et risque d'interesser pas mal de monde je pense..

Emmanuel Mousset a dit…

Pour les lecteurs, je rappelle le sujet: ne pensons-nous qu'à l'argent?

l'anonyme révolté a dit…

Dans ce monde ultra capitaliste, vraisemblablement oui.

Emmanuel Mousset a dit…

Ne croyez-vous pas qu'au Moyen Age ou sous l'Antiquité, il en était de même? La cupidité n'est-elle pas inscrite dans la nature humaine?

Anonyme a dit…

Aucun mot ne sera utile juste le surnom qui me fut donné lors du café philo de Wassigny...

Emmanuel Mousset a dit…

Un surnom est souvent une appellation fausse, ridicule et blessante.

l'anonyme révolté a dit…

on a toujours pensé à l'argent, oui, mais pensez à lui avec une telle avidité et un telle besoin, je crois que c'est quelque chose propre à notre époque. au moyen-âge, la cupidité existait, mais par exemple, un ouvrier, se faisait payer en nature (ne voyait là aucune allusion sexuelle de ma part) il était payé non pas en argent mais en kilo de carottes et avec trois moutons. et c'était très bien ainsi ( je ne parle pas des inégalités, mais du moyen de payement).

Emmanuel Mousset a dit…

Vous avez raison, mais vivait-on mieux au Moyen Age qu'aujourd'hui? La domination politique d'alors n'était-elle pas plus terrible que la domination économique d'aujourd'hui?

Et puis, l'argent introduit une forme de justice, il donne une valeur précise aux choses qui n'existe pas dans le troc ou dans la rétribution en nature, il favorise les échanges et donc la communication entre les hommes. Il ne faut pas cracher sur le fric.