vendredi 17 septembre 2010

Fou rire n'est pas sourire.





Je vous ai parlé il y a quelques jours des sourires d'élèves et tout le mal que j'en pensais. Je dois préciser aujourd'hui qu'il n'en va pas de même pour les fous rires. Cet après-midi, j'ai engueulé comme du poisson pourri une élève arrivée en retard. Non pas parce qu'elle était en retard : dans ce genre de situation, la procédure consiste à aller chercher un billet d'entrée au bureau de la vie scolaire et tout se passe bien.

En ce qui me concerne, je demande aux élèves de ne pas frapper à la porte ni ouvrir quand le cours est commencé (c'est-à-dire la porte fermée). L'élève a commis une première erreur en frappant. Mais il y a plus grave : elle a trouvé le prétexte que la dernière sonnerie n'avait pas encore retenti. Mensonge. Je ne supporte pas le mensonge, surtout quand il est grossier. J'exige qu'on soit intelligent jusque dans les petits vices. Mais les élèves ont beaucoup de mal.

L'incident passé, en deuxième heure, je ne sais trop pourquoi, l'élève en question est prise de fou rire et ne parvient pas à s'arrêter. Une mimique, un geste, un mot de ma part prêtant à rire ? Peu importe, je ne lui dis rien, ça ne me gêne absolument pas. D'abord parce que la classe n'a pas été influencée ou emportée par ce délire. Il n'y a pas eu trouble à l'ordre public, si j'ose dire.

Ensuite, je n'éprouve aucune vanité, narcissisme ou amour propre, en tant qu'enseignant et en tant qu'homme : on peut se moquer de moi, m'insulter, je reste imperturbable, ça ne me touche pas. Je suis totalement dépourvu de susceptibilité. Pourquoi ? Je ne sais pas, c'est comme ça. Si j'étais frimeur, je dirais que c'est une sorte de sagesse. Mais je ne le suis pas : c'est plutôt dans ma nature, ma psychologie, je suis fait comme ça. En tant qu'enseignant, c'est pratique, ça permet de surmonter bien des problèmes. Dans la vie, je trouve ça bien aussi.

Surtout, le fou rire, à la différence du sourire, prouve que l'élève suit le cours, s'intéresse, réagit. Le pire pour un enseignant, c'est vrai aussi dans la vie, est de laisser les élèves indifférents. De ce point de vue, je suis gâté, notamment dans la vie. Philosophiquement, le rire est une attitude parfaitement légitime, même si elle est peu orthodoxe. La pensée ne réside pas exclusivement dans la froide raison mais aussi dans la joyeuse réaction.


Vignette 1, 2 et 3 : le Café Philo d'hier, animé par Raphaël, et son introduction.

5 commentaires:

Lucas a dit…

Vous avez pris l'exemple du bon gros gâteau dans votre cours sur le désir?
Vous avez évoqué le cas du philatéliste ou celui du fétichiste?
Vous avez parlé du fameux tableau de la biche dans un sous-bois dans votre cours sur le beau?

Emmanuel Mousset a dit…

Bonjour Lucas.

C'est un plaisir de reprendre contact avec toi. Longue vie à ce nouveau blog ! Pour répondre à tes questions, nous venons tout juste d'aborder le désir et le beau sera pour plus tard. Mais j'ai fait une allusion au philatéliste hier je crois !

Bon courage à Tokyo et à bientôt.

Lucas a dit…

Et oui, me voilà de retour au Japon pour un an... Merci pour vos encouragements, j'espère que j'arriverai à m'occuper de ce nouveau blog régulièrement!

Bonne chance à vous aussi pour cette troisième année de prof story, ainsi qu'un bon rétablissement!

symy a dit…

Comment pouvez-vous accueillir un élève en retard avec son billet, s'il ne peut ni frapper ni ouvrir la porte après le début du cours? Cela veut-il dire que vous le considérez comme absent?
Je m'intéresse à votre blog sur lequel je suis tombée tout à fait par hasard. Ici en Suisse, les cours de philo ne se donnent pas exactement de la même manière. Mais ayant fait mes classes dans une école française, je continue à utiliser parfois La Connaissance et l'Action de Vergez et Huisman! Au plaisir de continuer à vous lire!
Une de vos collègues dans un "gymnase"(= lycée) vaudois.

Emmanuel Mousset a dit…

Cher collègue,

Tout le plaisir est pour moi, et il est bon d'échanger nos expériences. Pour l'élève qui arrive en retard, il peut frapper quand il a son billet d'entrée, alors tout va bien. Quand quelqu'un frappe, je le fais nécessairement entrer. Ce pourrait être quelqu'un de l'administration ! Ma colère, c'est quand l'élève est démuni de billet, donc n'a pas respecté le règlement.

Bon courage,
à bientôt.