mardi 7 septembre 2010

Coupables sourires.

Quelques jours seulement après la rentrée, il est intéressant de noter mes premières impressions sur les classes, sachant qu'elles sont amenées à évoluer (mes impressions, pas les classes !) et peut-être même à se contredire. Dans l'état actuel, je n'ai guère d'éléments objectifs pour porter une claire appréciation. Mais les sentiments, les intuitions, les perceptions immédiates méritent d'être signalés. Je n'irais pas jusqu'à penser que la première impression est la bonne.

Les L, c'est le calme plat. Impossible pour le moment de discerner un profil de classe, d'anticiper ce qu'ils donneront. Ils sont normalement attentifs, prennent des notes. Je ne décèle aucun indice inquiétant ou réjouissant. RAS. Tous les espoirs sont permis. Mais toutes les craintes aussi ?

J'ai une S que je ne connais qu'à moitié (le cours était en demi-groupe). Donc je ne peux rien en dire de sérieux. L'autre S semble assez bien accrocher, ce qui n'est jamais évident avec cette série qui a généralement d'autres préoccupations que scientifiques. Mais la grande chance, c'est qu'ils sont très peu nombreux.

Les ES en revanche sont une grosse classe (35, on ne peut pas faire plus). J'avais dès le début remarqué le problème de l'horaire (deux heures en fin de journée). Bingo ! Dès la première séance, ça se confirme (ce qui est parfois désespérant dans l'enseignement, mais toute la vie n'est-elle pas ainsi ? c'est que le prévisible est monnaie courante). Une part importante d'élèves sont arrivés en retard (en tout début d'année, c'est plutôt rare), la compréhension butte sur des points de cours mineurs, et surtout il y a les sourires.

Mais oui, les sourires ! On croit souvent que la mauvaise classe se distingue par l'indiscipline flagrante, les réactions d'humeur des élèves. Non, du moins pas en début d'année. Il faut que la situation se détériore nettement pour en arriver là. Les premiers signaux d'une classe qui présente des difficultés (au départ larvées), ce sont les sourires, d'après l'expérience que j'en ai. Je vous explique :

Lorsque qu'une classe est concentrée, surtout en début d'année, lorsqu'un groupe, quel qu'il soit, est au travail, les visages ne sourient pas, parce qu'il n'y a pas lieu. Observez autour de vous dans n'importe quelle réunion, vous le constaterez. Il y a sourire lorsqu'une situation amusante ou humoristique se présente, ce qui est plutôt rare en classe, en tout cas dans les premiers temps. Quand je repère donc des élèves qui sourient, régulièrement et sans raison apparente, c'est pour moi l'occasion d'un trouble, qui peut devenir une vive inquiétude.

Car le sourire est le symptôme de quoi ? De la déconcentration, de la difficulté à être là, de l'incapacité à prendre des notes, de la négligence, de la légèreté, parfois de la désinvolture ou de l'hypocrisie, de l'attention qu'on accorde à l'autre plus qu'au cours (puisque sourire, c'est la plupart du temps sourire à quelqu'un). On sourit en famille, entre amis, quand on fait la fête, mais pas en plein boulot ; ou alors c'est qu'on n'est pas en plein boulot.

Pire qu'un geste déplacé, qu'un refus ou qu'une insulte, il y a le sourire d'un élève. On ne peut rien contre ça, c'est le piège suprême, la résistance impossible à briser. Je ne vais tout de même pas interdire aux élèves de sourire ! Encore une fois, je me trompe peut-être, je l'espère en tout cas. Il y a des jours où l'on n'a pas envie d'être du côté de la vérité. C'est à la lecture de ce blog dans les prochaines semaines et mois qu'on saura.

4 commentaires:

Arthur Nouaillat a dit…

Non je ne suis pas d'accord là. Il est vrai que beaucoup d'entre nous souriaient hier mais ce n'est pas forcément parce que nous étions déconcentrés et que nous ne prenions pas note. Comprenez qu'il est tout à fait normal de sourire lors de vos premiers cours quand on voit que vous êtes un prof complétement atypique et anticonformiste et c'est d'ailleurs une bonne chose. C'est complétement nouveau pour nous de voir un prof incarnant un rôle, un personnage qui a tendance a sur-jouer. La nouvelle génération de prof hélas a bien trop peur d'adapter une attitude politiquement incorrecte. Vous réussissez justement à captiver l'intention de nous tous.

Emmanuel Mousset a dit…

Je souhaite que tu aies raison.

AG a dit…

Je ne suis pas d'accord avec toi Arthur. A la vue d'un prof "atypique et anticonformiste" comme tu le dis, les réactions des élèves peuvent être diverses, et celles-ci peuvent justement en dire grand sur la qualité d'intérêt porté au cours et sur la concentration.

A la vue d'un professeur "atypique" un élève concentré et intéressé va être intrigué et captivé, être réjoui de voir une nouvelle manière d'enseigner et en profitera pour être le plus attentif possible afin d'absorber toute la "matière pédagogique" que l'enseignant peut apporter.

Un élève désinvolte et peu intéressé, quant à lui, sourira en se disant simplement "Haha, il est marrant le prof' de philo !" Puis par la suite il se lassera, car la philo, ce n'est pas "marrant", et il deviendra inattentif.

Arthur Nouaillat a dit…

Moi je ne suis pas d'accord avec votre discours de moralisateur. Je suis désolé mais quand on a 17 ans, on a le droit de sourire et même de rire lors des premiers cours quand le prof est complétement différent. Cela ne nous empêche pas d'écouter et de suivre même en souriant. On est pas assez vieux encore pour tirer des tronches d'enterrement et de ne jamais sourire. Nous sommes en 2010 et nous ne sommes pas des robots.