vendredi 17 octobre 2008

Une journée ordinaire.

9h00 ce matin: j'entre dans la salle de vote pour l'élection des représentants du personnel au conseil d'administration, côté lycée. Je jette un coup d'oeil côté collège: stupeur! Des tables vides de tout bulletin de vote, une urne tout aussi vide, des isoloirs sans personne. Qu'est-ce qui se passe? On m'explique: aucun liste syndicale, aucun enseignant candidat. C'est la première fois depuis 14 ans que j'exerce à Henri-Martin!

Je sais, les pouvoirs du CA sont limités, mais réels. La politique de la chaise vide n'est pas une politique. Je suis très inquiet: la démocratie représentative en prend un coup, le syndicalisme est affaibli, la radicalisation a de beaux jours devant elle. Elle pourra se développer en toute irresponsabilité, ne jamais rien proposer, ne pas négocier. Catastrophique...

10h00, en salle des profs: une collègue me parle de la confidence que lui ont faite deux élèves à propos de mes cours. "Monsieur Mousset ébranle nos certitudes", au sujet d'une réflexion de ma part sur le désir et sur l'amour. Est-ce cela un prof de philo, quelqu'un qui "ébranle les certitudes"? Sûrement mais pas seulement. C'est tout autant quelqu'un qui initie à des méthodes de pensée, au goût pour la rigueur, à la pratique de l'argumentation, à la recherche de la vérité. Et moi aussi, mes certitudes étaient ébranlées, quand une heure plus tôt je constatais le vide du bureau de vote du collège...

15h00: conférence de presse (on dit plutôt maintenant point-presse) au multiplexe de Saint-Quentin, en compagnie de sa directrice et du président du Festival international Ciné-Jeune. Objectif: présenter notre Ciné-Philo de mardi prochain consacré à la Palme d'Or de cette année, "Entre les murs", consacrée à la vie d'une classe dans un collège. Le film passionne et divise les enseignants. J'ai envoyé des invitations à tout ce que Saint-Quentin compte d'acteurs et de partenaires de l'Education Nationale. Je souhaite bien sûr un beau débat. On verra mardi.

18h30, Guise, au Centre social: je devais animer une rencontre dans le cadre de la Semaine des Parents, autour de la question: "Les parents d'aujourd'hui sont-ils heureux?" Mais aucun parent, donc pas débat. Deux élèves à moi étaient présentes. Sinon personne. Peut-être que la question est inutile, que les parents d'aujourd'hui sont évidemment heureux? Je n'en sais rien, je rentre à Saint-Quentin. La journée aura commencé par un vide, celui d'une procédure démocratique, elle se sera terminée sur une absence, celle d'un débat à prétention philosophique.

20h00, chez moi, devant mon ordinateur: Simon, un élève d'Henri-Martin (pas dans mes classes) qui représente l'UNL (Union Nationale Lycéenne), un syndicat lycéen, m'envoie un courriel très enthousiaste, très militant, qui se termine par cette phrase: "L'union fait la force, alors professeurs et élèves, mobilisons-nous pour défendre nos intérêts communs". Il a appris que je représentais dans l'établissement le SE-UNSA, syndicat enseignant, et s'adresse à moi à ce titre-là. Le vide atterrant de ce matin se remplit, l'espoir renaît un peu.

Sur mon répondeur téléphonique, un parent d'élève m'avertit que sa fille ne sera pas présente au devoir surveillé de demain, le premier de l'année, en quatre heures, dans les conditions du bac. La cause: son grand-père est décédé, elle va à l'enterrement dans le sud de la France. Le père me précise qu'elle sera en cours lundi. Sa prévenance n'était pas indispensable. J'aurai bien sûr compris. Mais il a suivi ce que j'ai demandé à sa fille, et à tous mes élèves: dès qu'il y a problème, prévenez-moi. Comme quoi l'autorité et le respect des profs ne se perdent pas.

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