lundi 31 août 2009

Mushotoku.

C'est demain. Trois mois que je n'ai pas enseigné (ce qui ne veut pas dire pas travaillé), et demain je reprends le chemin du lycée. Certes il faudra attendre jeudi matin pour passer aux choses sérieuses avec les classes. Demain c'est la rentrée des enseignants et après-demain la rentrée administrative des élèves. Tout de même, le cadre de l'année, avec la liste des élèves et les emplois du temps, sera demain tracé.

En attendant, j'ai relu le dictionnaire philosophique de Gabriel Matzneff, Le Taureau de Phalaris (La Table Ronde, 1987), à l'article "Education", page 100, dont voici un extrait :

"Certes, il vaut mieux faire de bonnes études que de mauvaises, mais l'essentiel est ailleurs. Ce qui manque à notre enseignement, qu'il soit confessionnel ou républicain, c'est ce que les bouddhistes japonais appellent Mushotoku : l'absence d'esprit de profit, la gratuité de la quête, la pratique sans but. La voie de la connaissance, c'est aimer sans se soucier d'être aimé en retour ; c'est prier par libre effusion du coeur et non par crainte de la damnation ; c'est créer pour la joie de la création et non dans l'espoir d'une récompense ".

Comme toujours chez Gaby le Magnifique, c'est très beau, mais je n'en ferai rien du tout cette semaine avec mes nouveaux élèves, ni dans l'année. J'ai déjà donné ! Moi aussi, au début du métier, j'ai professé doctement à mes élèves "l'absence d'esprit de profit, la gratuité de la quête, la pratique sans but". Je leur disais par exemple que les notes n'avaient aucune importance, qu'il leur fallait librement philosopher.

Résultat : après quelques jours de faux calme, le vrai bordel ! Le drame de l'enseignement, c'est que les élèves ne sont pas des anges mais des petits hommes, qu'ils en ont tous les défauts. Parlez-leur de liberté, ils s'en foutent. Menacez-les, ils obtempèrent. Quelques-uns seulement échappent à la commune humanité. A l'école primaire, c'est un peu différent : ce ne sont certes pas des anges, mais encore des enfants. Au collège, c'est l'enfer : cette période intermédiaire de leur vie biologique les transforme en démons. Au lycée, ce ne sont plus que des êtres humains.

Désolé Matzneff : si j'applique Mushotoku, je me fais Hara Kiri. Je tiens autant à mes tripes qu'à mon cerveau. Les élèves sont motivés par le profit personnel, ils veulent que mon enseignement soit scolairement payant, ils attendent de moi que je leur impose des buts précis. Il n'y a pas de Mushotoku possible à l'école.

dimanche 30 août 2009

Une rentrée atchoum.

A 48 heures de la rentrée (des enseignants du second degré), je me demande bien sûr quel sera son profil. Pas une rentrée ne ressemble à une autre. Le discours solennel du proviseur (que d'aucuns appellent la "messe") donne le ton, rappelle les priorités du moment, installe en quelque sorte une ambiance. L'an dernier, j'ai déjà oublié. Peut-être que le billet de ce jour-là en parle, allez voir. Cette année, je ne sais pas encore, il faut attendre mardi matin. Mais je devine : ce sera une rentrée H1N1.

Une grippe qui couve, qui menace, qui fait peur, qui a mobilisé notre attention presque tout l'été, voilà incontestablement la vedette de la rentrée. Ce n'est pas banal, c'est peut-être même unique dans les annales de l'Education Nationale, qui en a pourtant vu d'autres ! Qu'est-ce qui va se passer ? C'est la grande question, et pour beaucoup la grande angoisse. On dirait que toute notre société, pourtant à peu près bien portante, a été gagnée par la fièvre. Alors pourquoi pas l'école ?

Notre ministre a fait ce qu'on fait toujours dans l'Education Nationale quand se présente un problème, petit ou grand : il a pondu une circulaire. Quand trois cas suspects auront été décelés dans une même classe en moins d'une semaine, l'établissement pourra fermer. On appelle cela, je crois, "principe de précaution". Je suis plutôt précautionneux, mais aussi interrogatif : en quoi un seul cas en un seul jour serait-il moins suspect ? Mais je suppose que le pouvoir administratif a suivi le pouvoir politique qui lui même a suivi le pouvoir médical, réputé savant sur ces questions.

Moi, je suis un peu savant sur les questions scolaires, je sais qu'un lycée est un lieu de rumeurs, de mimétisme, un bouillon de culture psychologique, aggravé ou pimenté par des élèves facétieux. Je ne serais donc pas surpris si la pandémie qui frappe les corps se transformait en épidémie qui touche, excite et emballe les esprits. J'imagine aisément des atchoums poussant comme des champignons, des accès de fièvre se répandant de classe en classe, des écoles fermant à la pelle.

Je sais aussi que mon administration, dans son expérience et sa sagesse, sait aussi, qu'elle a fait l'hypothèse de la psychose et je ne doute pas qu'elle ait prévu des contre-feux. Toujours est-il qu'en cas de fermeture, des enseignants ont été désignés pour mettre en place des cours sur France-Culture, la 5 ou Internet. Ma tête à la télé, de la philo au micro ? Pourquoi pas mais ça me paraît surréaliste. Ça fait vraiment guerre, Occupation, BBC etc. J'accepte à la rigueur de faire cours sur Prof Story, que mes élèves pourront suivre bien au chaud à la maison.

Je n'imagine pas qu'on aille jusque là. En revanche, cette grippe A pourrait, dès les premiers cours de rentrée, faire l'objet de plusieurs enseignements : en biologie étudier le virus, en histoire revoir les contaminations du passé, en philosophie réfléchir à la peur sanitaire, en instruction civique apprendre les gestes élémentaires qui protègent, en français lire les grands textes sur la maladie, et j'en oublie sans doute. Voilà en tout cas une grippe qu'on peut prendre aussi comme source d'inspiration pédagogique. Elle n'a pas que du mauvais.

samedi 29 août 2009

Les matins d'hiver.

J'ai reçu hier soir un très joli cadeau, j'aimerais ce soir, à mon tour, vous en offrir un, qui s'adressera à votre mémoire. Puisque nous sommes à quelques jours d'une rentrée qui verra douze millions d'enfants et d'adolescents rejoindre les chemins de l'école, je voudrais l'évoquer, cette école, en vous rappelant une chanson, très populaire. C'était peut-être il y a longtemps pour vous, ce n'est pas si vieux pour moi, 1972, une année où je n'étais plus vraiment un enfant et pas encore un adolescent. J'écoutais cette chanson de Gérard Lenorman qui me plaisait tant : Les matins d'hiver.

Elle me plaisait parce que je m'y reconnaissais, parce que je me voyais moi aussi "quand je marchais à côté de mon frère sur le chemin des écoliers". Aujourd'hui, je suis séduit par la nostalgie qu'elle provoque en moi et par sa grande vérité. Car c'est aussi une chanson qui dépeint la dureté de l'école, "où le maître nous séparait", où "l'on ne pouvait plus se parler", où l'on voyait des "visages tristes". C'est ainsi, c'est l'école, le travail, la vie. Allez sur Deezer rechercher cette très belle chanson, cet hommage un peu cruel à l'école, dont je vous offre le texte :

Je me souviens de ces matins d'hiver
Dans la nuit sombre et glacée
Quand je marchais à côté de mon frère
Sur le chemin des écoliers
Quand nos membres, encore tout engourdis
De sommeil, grelottaient sous les assauts du vent
Nous nous battions à grands coups de boules de neige
En riant

Nous arrivions dans la salle de classe
Où le maître nous séparait
Nous retrouvions chaque jour notre place
Et l'on ne pouvait plus se parler
Puis bercés par les vagues d'une douce chaleur
Que nous prodiguait le vieux poêle
Nos esprits s'évadaient pour se rejoindre ailleurs
Vers des plages

Où il fait toujours beau, où tous les jours sont chauds
Où l'on passe sa vie à rêver
Sans songer à l'école, en pleine liberté,
Pour rêver

Je me souviens de l'odeur fade et chaude
De notre classe calfeutrée
Des premières lueurs pâles de l'aube
A travers les vitres givrées
Je revois les yeux tendres et les visages tristes
Qui autour de moi écoutaient
Et pendant les leçons dans mon coin je rêvais
A des îles

Ces paroles sont de Richard et David Seff. Quand vous écouterez Lenorman les interpréter, vous songerez, comme moi, à ces douze millions qui s'apprêtent à rentrer.

vendredi 28 août 2009

Le plus beau des cadeaux.


J'ai passé la journée à Paris. Pour un enseignant, surtout lorsqu'il a la chance d'habiter à une heure trente en train de la capitale, c'est toujours un ressourcement. Le matin, je suis allé à la Procure, la librairie religieuse, le must dans le genre. Si vous ne connaissez pas, il faut y passer, c'est impressionnant. Pour les collègues en histoire ou philo qui travaillent sur les religions, c'est une adresse utile (rue de Mézières, près du Luxembourg).

L'après-midi, j'ai visité, au musée Branly, l'exposition sur Tarzan. Malgré l'apparente futilité du thème, un enseignant peut en tirer quelque chose. Moi qui prépare des goûters philo sur le darwinisme avec des élèves du primaire, il y a là une entrée intéressante et amusante (après tout, Edgar Rice Burroughs a fait mentir l'anti-darwinisme de sa patrie en décrivant un héros très proche des grands singes !).

En rentrant, j'ai eu une surprise : une enveloppe glissée sous ma porte, à mon nom et adresse, mais non timbrée. Quelqu'un l'avait donc déposée, une élève de l'an dernier, qui a obtenu son bac à l'oral de rattrapage. A l'intérieur, j'ai découvert une carte postale en noir et blanc, genre Doisneau, représentant des enfants d'autrefois devant la vitrine d'une librairie, manifestement absorbés dans leurs lectures. Voilà une belle photo pour un enseignant ! Mais plus beau encore le texte qui l'accompagne au verso :
"Je ne peux, à la veille de la rentrée, continuer ma route sans penser à vous remercier pour mon année scolaire de Terminale et votre soutien lors du rattrapage. Je souhaite à tous vos nouveaux élèves de trouver dans vos cours tout ce qui m'a passionné et enrichi. Vous avez semé chez moi l'envie de continuer la philosophie. Je vais m'attacher à progresser dans cette voie".
Voilà. Pouvais-je recevoir un plus beau cadeau à quelques jours de la rentrée ? Ne suis-je pas justifié dans ma mission beaucoup plus que ne pourraient le faire l'avis d'un inspecteur, le jugement de mon proviseur ou une circulaire administrative ? Mon sommeil sera cette nuit paisible.



jeudi 27 août 2009

Ma rentrée associative.




J'ai fait aujourd'hui ma rentrée associative, en animant un petit débat avec essentiellement des enfants, à Harly, dans le cadre de la "journée de lutte contre la discrimination des personnes handicapées". Ça n'a pas duré très longtemps, j'ai profité d'un entracte d'une vingtaine de minutes au milieu d'un concert pour lancer la réflexion. C'était d'ailleurs plutôt un exercice de libre expression sur le thème de la journée. Mais il faisait beau, l'ambiance était festive, j'étais avec des enfants, nous sommes encore en vacances, ce n'est pas déjà l'école, je ne pouvais pas en demander trop. C'était très bien.
Pourtant, en arrivant, j'ai retrouvé tout ce que je déteste dans mon cher pays : la désorganisation ! Je ne savais pas où, quand, comment, avec qui j'allais intervenir, je l'ai su au dernier moment, et pas dans les conditions optimales. C'est la France ! Un sympathique bordel que personne ne condamne parce que ça fonctionne tout de même de cette façon. Je veux bien, mais ça ne me satisfait pas.
Nous gagnerions, dans beaucoup de domaines, à être un peu plus et un peu mieux organisés. Mais je sais aussi que mes compatriotes ont besoin d'une joyeuse improvisation pour agir. Un bon point cependant : le micro. Je n'ai eu avec lui aucun problème, alors qu'en général ces objets me résistent, sifflent, toussent, crachotent ou se taisent, quant ils n'ont pas été oubliés par les "organisateurs".
Au détour d'un stand, j'ai découvert cette affiche, que j'ai photographiée parce que je la trouve très chouette. L'idée pourra servir lors de la "journée mondiale contre le racisme", en mars. Mais nous n'en sommes pas encore là ...

mercredi 26 août 2009

Philo dans l'Hérault.




En vacances près de Montpellier, je suis allé au café philo de la capitale de l'Hérault. Que voulez-vous, on ne se refait pas, c'est sans doute ce qu'on appelle la déformation professionnelle ou plus simplement la passion : dès que je vois écrit philo quelque part, j'entre et je participe. Ce café philo, je connaissais puisque je l'ai découvert lors de mon dernier séjour, il y a quatre ans. J'ai de nouveau aimé, l'esprit est celui qui préside à mes cafés philo axonais, mais il y a tout de même des différences :
Première différence : le sujet (là aussi une question) n'est pas choisi ni introduit par l'animateur mais par un participant, qui se charge de rédiger l'introduction, disponible quinze jours avant la séance (voir la photo ; les annotations manuscrites sont de moi, pour préparer mon intervention).
Deuxième différence : il n'y a pas UN animateur mais trois, qui ne sont d'ailleurs pas, à proprement parler, des animateurs. Il y a l'introducteur qui lance et conclut la séance, il y a l'organisateur qui distribue la parole, il y a le modérateur qui synthétise les interventions et les commente.
Troisième différence : pas de micro ! Nous étions nombreux, l'assistance était très disciplinée, et même s'il fallait parfois tendre un peu l'oreille, l'écoute était relativement confortable.
Après ces différences techniques, il y a l'état d'esprit, l'ambiance, qui n'est pas la même. La grosse différence, c'est l'absence d'animation. Animer, c'est mettre en mouvement, ça commence par des questions provocatrices, ça se poursuit par une séance très rythmée, où les interventions doivent être nombreuses, pas trop longues, contradictoires. Il faut que ça bouge, que ça vive. C'est l'animateur qui doit donner le tempo, en remuant, en se déplaçant, en insufflant du mouvement, de la vie, des ruptures, de l'humour, de la remise en question.
Au café philo de Montpellier, ce n'est pas du tout ça : c'est très calme, très sage, néanmoins très intéressant, mais d'une autre façon qu'à Saint-Quentin. Chez nous, il faut philosopher à coups de pieds dans le cul, si vous me permettez l'expression (Nietzsche disait qu'il fallait philosopher "à coups de marteau", je n'en suis donc pas si loin). Dans les grandes métropoles, Montpellier ou Paris, l'expérience me montre que les cafés philo mobilisent un public plus averti, qui a moins besoin d'un aiguillon pour avancer et pour penser. Mais je me dis aussi que j'aimerais bien introduire mon style dans les grandes villes (malgré mon animation discutable au Café des Phares de Paris).
Une dernière remarque : l'introduction laissée à un participant n'est pas nécessairement une heureuse initiative. En l'occurrence, si vous lisez attentivement le texte de la photo, vous constaterez que ce n'est pas de la philo mais de la politique, et très engagée, très militante, à la limite de la mauvaise foi. Mon sang a d'ailleurs bouilli à la lecture, mais le modérateur est intervenu pour dire exactement ce que je viens de dire. Je me suis donc calmé. C'est peut-être un peu dommage : la philosophie est faite pour rendre sage, pas pour rendre calme.

mardi 25 août 2009

L'armure et le chat.

A une semaine de la rentrée, que fait et à quoi pense un enseignant ? Les plus sérieux ou les plus menteurs vous diront qu'ils préparent leurs cours. Pas moi, pas maintenant en tout cas, même si j'ai une tonne de papiers à classer en vue de la prochaine année scolaire. Je fais quoi alors (et je crois que nous sommes ainsi nombreux) ? Rien, strictement rien. Je me délecte de ces derniers jours, je ne songe à rien d'autre.

Pourquoi ? Parce que dans une semaine, je vais reprendre mon train d'enfer, et pour un an. Alors c'est normal que je profite des instants de paradis qui me restent. Cours, copies, réunions, café philo, ciné philo, animations diverses et toutes mes activités publiques, je n'aurais plus le luxe de ne rien faire. Autant jouir de cette liberté maintenant. Mais cette fin de vacances n'est pas vide : je lis, j'écris ... et je dors. J'ai transformé ma maison en monastère, sans téléphone, presque sans messagerie. Je m'isole du monde avant d'y être replongé jusqu'au cou.

Je suis paisible, et ça aussi c'est le privilège du moment. Dans quelques jours, avec la reprise des cours, je sais que je retrouverai les problèmes, les habituels et les inédits, que vous découvrirez au jour le jour en lisant Prof Story, comme les lecteurs de l'an dernier les ont découverts. La préparation des cours, ce n'est rien, juste un travail. Non, la difficulté, ce sera la rencontre, la confrontation avec de nouvelles classes, et toute une année à tenir.

Je dis que je suis actuellement paisible, que je ne pense pas à la rentrée, mais ce n'est pas tout à fait vrai. L'an dernier, j'ai enseigné l'ECJS à une classe de Première, que je peux donc parfaitement retrouver à la rentrée en Terminale de philo. Sauf que ce ne serait pas parfait. Ces élèves se sont faits de moi, en deux heures mensuelles d'un enseignement très libre, une image assez décontractée, qui ne correspond pas du tout au prof de philo que je suis.

Si je les ai, ils seront donc très étonnés, il y aura une rupture, ce qui n'est pas bon : la pédagogie n'est efficace que dans la continuité. Eux devront me subir tel qu'ils ne me connaissaient pas, ce qui est désagréable. Et moi, je devrais en rajouter dans la sévérité, pour bien leur faire comprendre que je ne suis plus le prof d'ECJS assez cool de l'an dernier mais l'austère prof de philo qui doit les préparer rudement au baccalauréat.

J'espère que mon proviseur-adjoint aura eu la main heureuse en ne m'affectant pas cette classe (si j'avais anticipé, je lui en aurais bien sûr parlé). Sinon, j'aviserai. Voilà en tout cas un premier sujet de préoccupation qui vient un peu troubler ma tranquillité de cette fin de vacances.

Oui, je me sens libre, je me sens moi-même. Mais dans un coin, une armure m'attend, celle que j'endosserai dans une semaine en retournant au lycée. Pour enseigner, il faut être blindé sinon c'est fichu, on se fait bouffer. Je vais dans quelques jours affronter une centaine de garçons et filles que je ne connais pas, qui n'en ont rien à faire de moi, qui ne chercheront pas spontanément à travailler, qui seront soumis à mon désagréable pouvoir. Pendant des mois, je vais devoir les conduire jusqu'au bac, dans les meilleures conditions de réussite pour eux. Ne croyez-vous pas qu'il faut une solide armure pour ça ?

Ça ne m'enchante pas plus que ça. J'aimerais rester à visage découvert. Il paraît qu'un homme politique doit savoir "fendre l'armure". Un enseignant surtout pas. Ça ne m'amuse pas, je n'ai pas l'instinct guerrier et je ne cherche pas spécialement à emmerder autrui. Mais le boulot est le boulot. A côté de l'armure, mon chat se repose. Je l'observe et je l'envie : il mange, il boit, il joue, il dort, il se promène sur les toits. On parle d'une "vie de chien", pour s'en plaindre. Je ne sais pas, je n'ai pas de toutou. Mais une vie de chat est une vie de sage, bien préférable à l'armure que je m'apprête à revêtir. Il n'y a que les moineaux que je n'aimerais pas croquer. Sinon j'échangerais volontiers ma cuirasse contre son pelage.

lundi 24 août 2009

Des histoires d'enseignants.

Quand un enseignant part en vacances, où que ce soit, il a statistiquement de grandes chances (mais est-ce une chance ?) de rencontrer un ou plusieurs autres enseignants. C'est en tout cas une expérience que j'ai toujours pu personnellement vérifier, à nouveau cette année. C'est plutôt rassurant, c'est la preuve que la race est prolifique et très loin d'être en voie d'extinction. J'ai ainsi sympathisé avec Christian, Virginie et Dominique, respectivement prof d'histoire-géo à Grenoble, prof d'arts plastiques du côté de Pau, instit dans le Gard.

Et quand un enseignant rencontre un autre enseignant, savez-vous ce qu'ils se racontent ? Des histoires d'enseignants ! Vous me direz peut-être que c'est normal, logique. Non, pas du tout. Je suis certain qu'une secrétaire qui croise pendant ses vacances une secrétaire ne se racontent pas des histoires de secrétaires. Pas autant en tout cas que ne peuvent le faire des enseignants. C'est là aussi rassurant, c'est le signe qu'ils aiment tellement leur métier qu'ils ne peuvent pas s'empêcher d'en parler, même en plein farniente.

Avec Virginie, j'ai parlé pédagogie. En arts pla, c'est gratiné : une heure par semaine, de nombreuses classes, des centaines d'élèves, une image de la discipline pas toujours très bonne. Et pourtant, qui peut nier que l'apprentissage de la beauté et de la création sont indispensables à l'enseignement ? De Christian, j'ai appris que dans son lycée le sacro-saint emploi du temps de l'enseignant était envoyé à chacun en début juillet par internet. Voilà une idée que je vais soumettre à mon chef d'établissement !

Cette sociabilité naturelle entre enseignants, si elle a quelque chose de réjouissant, ne me satisfait pas complètement, y compris quand je suis le premier à la pratiquer, comme cet été. Entre soi, discutant de nos problèmes, étant amené inévitablement à nous plaindre, nous excluons les autres, nous nous en distinguons, nous donnons une image de repli qui n'est peut-être pas la meilleure. Ce n'est pas propre aux enseignants, ça ne discrédite pas la profession. Le phénomène d'entre soi frappe tout milieu qui se sent solidaire et qui croit fort en ses missions. C'est réjouissant pour nous, je comprends que ça puisse être irritant pour les autres. L'école de la République est au coeur de la République mais pas en son centre. C'est un organe vital mais pas le seul et unique.

dimanche 23 août 2009

Carte postale.



Comme promis, après quasiment un mois d'absence, c'est le retour, et une nouvelle année qui commence pour Prof Story. Je veux la commencer par une carte postale, celle de mes vacances, une photo prise à Montpellier, dans son jardin des plantes, le plus ancien parc botanique de France. C'est un merveilleux endroit de paix et de méditation, dont j'ai su pendant ces dernières semaines profiter.

Dans mon dernier message, au moment du départ, je m'étais référé à Montaigne. C'est un autre grand humaniste, presque de la même époque, qui accompagne mon retour : Rabelais, dont vous voyez ici le monument qui lui a été dédié. Car l'écrivain et à sa façon philosophe a fait ses études à Montpellier, passant de moine à médecin.

A gauche et à droite, vous pouvez remarquer les célèbres personnages de Gargantua et Pantagruel. Pour le reste, la sculpture n'est pas simple à déchiffrer. C'est une allégorie de la médecine, illustrant une comédie de Rabelais ironisant sur le métier : une muette guérie par les docteurs empoisonne par ses bavardages son mari, que ces mêmes docteurs ne trouvent d'autre solution que de rendre sourd ! Du Rabelais tout craché ...

Quoi de mieux pour se préparer à une nouvelle année scolaire que de parcourir ces allées où André Gide s'est promené, que de s'asseoir sur ces bancs de pierre où Paul Valéry a lu, écrit et pensé. Les vacances, c'est le silence, le calme, l'oubli. Mais aujourd'hui c'est fini.