samedi 7 novembre 2009

Un philosophe à St Quentin.


Un philosophe à Saint-Quentin, ce n'est pas fréquent. C'était pourtant mardi dernier, au théâtre la Manufacture. Nous étions peu nombreux, quelques-uns seulement, pour écouter Pierre Jacob, que je ne connaissais pas (il a cependant enseigné à Vincennes, peut-être du temps où j'y étais). C'est un spécialiste de Derrida, un philosophe français mondialement connu. Il y a lui ... et Lévi-Strauss. Son concept-phare : la "déconstruction". Une bonne soirée, malgré le peu de monde.

J'ai commencé hier avec les L la religion, avec une question à méditer ce week-end : Qui est Dieu ? Tout est programme ! Je verrais lundi ce qu'il va en sortir ... J'ai rendu aux ES leurs copies, dont voici l'échelle des notes. Il me reste à corriger les S. Ce sera mon travail du dimanche :

5 : 1
7 : 1
8 : 9
9 : 4
10 : 5
11 : 1
12 : 7
13 : 3
14 : 2
15 : 1

L'écart entre ceux qui ont la moyenne et ceux qui ne l'ont pas s'est hélas resserré. Petit motif de satisfaction : les bonnes notes sont un peu plus nombreuses qu'au premier devoir.

vendredi 6 novembre 2009

L'école et l'Europe.

L'école et l'Europe semblent fâchées. Quand on traîne l'oreille dans une salle des profs, c'est plutôt l'hostilité. Il faut dire qu'en France l'école détient une place qu'elle n'a pas, ou moins, ailleurs. La laïcité, le mot lui-même est inconnu dans bien des pays. Quand nos lycéens descendent en masse dans la rue, on n'est jamais très loin de la crise de régime ...

Je ne porte pas ici de jugement sur l'Europe telle qu'elle se construit. C'est à la libre appréciation politique de chacun. Mais je constate les craintes que suscite l'Europe à propos de notre système scolaire. Comme si celui-ci allait être sacrifié sur l'autel de la construction européenne.

Pourtant, rien ne légitime cette inquiétude. Cette semaine, la Cour Européenne de Justice a estimé que la présence de crucifix sur les murs des écoles en Italie était contraire à la liberté de l'esprit. Voilà un point de vue d'une stricte laïcité ! Cet été, j'avais remarqué que cette même Cour avait rejeté la plainte de familles musulmanes qui voulaient faire condamner la France et sa loi sur l'interdiction des signes religieux à l'école. Dira-t-on encore, après tout ça, que l'Europe est hostile à notre école laïque, gratuite et obligatoire ?

jeudi 5 novembre 2009

La sagesse d'un enfant.

Je n'ai pas vu les vacances passer. Je n'avais pas vu non plus les semaines de rentrée filer. J'ai un problème avec le temps, il est trop rapide à mon goût, je ne parviens pas à le stopper, à en profiter paisiblement. Et puis, une petite grippe a gâché une partie de mes petites vacances.

La reprise s'est fort bien déroulée. J'ai été heureux de retrouver les salles, de revoir les élèves. Heureux surtout de renouer avec ce tonus qui me rend agréable chaque heure de cours, indispensable même. Dans les vacances, il y a quelque chose d'amollissant , d'émollient que je n'aime pas.

En première heure, avec les Scientifiques, nous avons commencé une nouvelle notion, la vérité, avec la question suivante : Avons-nous des raisons de mentir ? Pour une remise en bouche, c'était pas trop mal. Avec les Littéraires, nous sommes allés en salle informatique pour qu'ils puissent s'inscrire au bac, sous la douce férule de monsieur le proviseur-adjoint.

Puis, en deuxième heure, je leur ai remis leur deuxième devoir, corrigé pendant les vacances. En poussant un peu mes statistiques, je me suis rendu compte que 12 avaient progressé, 12 régressé et 2 égalisé. Dans dix jours, je ramasserai leur troisième et dernier devoir du trimestre, qui me permettra de calculer leur moyenne. Et puis, en décembre, deux devoirs sur table, les premiers de l'année, les attendront.

En quittant à midi le lycée, il pleuvait. Je m'en moquais, la pluie ne pouvait rien contre moi, j'avais le tonus. Une surveillante m'a dit qu'un élève, un collégien, voulait me rencontrer. Tiens ! C'était Igor, le fils de Marie-Claude, dont je vous ai parlé dans un billet la semaine dernière. Nous nous sommes croisés au funérarium, mais on ne se connaissait pas. Il a lu, je ne sais trop comment, mon texte sur sa maman. Il était heureux, je crois, de me rencontrer. Je l'ai trouvé très calme. Comme si le douloureux événement ne l'avait pas atteint. Un collégien comme les autres, parmi d'autres. Mais les grandes souffrances sont rarement visibles.

Toujours est-il que sa sérénité, sa tranquillité m'ont fait du bien, m'ont rassuré. La mort n'a pas le dernier mot. Il y a quelque chose de plus fort qu'elle : le souvenir, la vie. Cet enfant vivra, aura sans doute des enfants, et sa mère restera pour nous tous un souvenir vivant, qu'un jour nous-mêmes irons rejoindre dans la longue liste des souvenirs. Je me suis dit alors que nous n'avions pas besoin de l'éternité, que ce concept de la religion était de trop, inutile. C'est la paix qui rassure et console, pas l'éternité.

Nous avons discuté sous la pluie et le ciel gris, Igor et moi. Lui venait de la cantine, moi je rentrais à la maison pour manger. Nous étions les hommes les plus forts du monde. Ni la pluie, ni le ciel gris, ni la mort ne pouvaient rien contre nous.

mercredi 4 novembre 2009

Obéir à qui et à quoi.

Ce qui distingue l'école de la République de toute autre école (car les conceptions et les réalités de l'école sont multiples), c'est qu'elle n'est soumise qu'à la République, c'est à dire des règles, des valeurs, une culture, une histoire. Cette école-là est laïque parce qu'elle est neutre, indépendante, libre à l'égard de tout ce qui n'est pas la République. L'école de la République ne se soumet pas au pouvoir politique, pas plus que le pouvoir politique, s'il est républicain, ne cherche à soumettre l'école publique.

C'est pourquoi je suis gêné et un peu fâché d'entendre le ministre de l'Education Nationale, en début de journée, annoncer que le débat politique sur l'identité nationale sera organisé dans les établissements scolaires. Là je dis non. Je ne me prononce pas ici sur le bien fondé de ce débat, qui appartient à la sphère politique, pas éducative. Mais cette initiative ne doit pas franchir le seuil de l'école, précisément parce que son intention est politique. J'aurais exactement la même réaction pour un autre thème proposé par un autre gouvernement, de gauche par exemple.

Par le passé, nous avons déjà été confrontés à ce genre d'incursion dans l'éducation. A la suite des attentats du 11 septembre 2 001, les enseignants avaient été invités à faire respecter devant leurs classes trois minutes de silence en mémoire des victimes. Je me suis plié à cette obligation sans trop de problème : la tragédie avait une dimension universelle, l'émotion était partagée par tous. Et puis, il ne s'agissait pas de débattre mais de rendre hommage à des disparus dont personne ne pouvait contester l'état d'innocents.

En 2 004, à l'occasion de la catastrophe du tsunami, les enseignants avaient été sollicités pour organiser des réflexions autour de cette tragédie naturelle. J'avais mené un petit débat dans ma classe, en présence du proviseur, pour marquer le coup. Là encore, aucun problème de conscience : l'événement n'était pas politique, ne répondait à aucune instrumentalisation, je l'ai traité en philosophe, c'est à dire librement, et en le rapportant aux problématiques qui sont celles de notre programme.

Récemment, la lecture de la lettre de Guy Môquet a suscité la polémique. Je n'ai pas quant à moi été choqué, et si on m'avait demandé de lire ce beau texte devant les élèves, je l'aurais fait volontiers. Le style, les valeurs, le contexte méritent qu'on les évoque. Que l'initiative vienne d'un président de la République nouvellement élu ne porte pas vraiment à contestation, pourvu que cette décision soit le fait du président en tant que président, et non pas l'homme de droite qu'il est.

Un enseignant est un fonctionnaire dont l'obéissance est un devoir et une vertu. Si chaque prof faisait ce qu'il voulait dans son petit coin, ce ne serait pas républicain. Mais cette obéissance n'est pas aveugle. Il ne s'agit pas d'obéir à n'importe qui ou n'importe quoi.

mardi 3 novembre 2009

Un géant nous a quittés.


C'était le dernier des géants, en philosophie s'entend. L'avant-dernier, dont nous fêterons l'an prochain les trente ans de la disparition, c'était Jean-Paul Sartre. Moins connu du grand public mais tout aussi important, Claude Lévi-Strauss s'est éteint aujourd'hui.

"Je hais les voyages et les explorateurs". Ce sont les premiers mots de son plus grand ouvrage (en vignette), avec ce paradoxe qui annonce toute véritable pensée : il allait au bout du monde et détestait voyager ! Qu'est-ce que Lévi-Strauss a apporté de nouveau à la philosophie ? l'anthropologie des peuples primitifs. Là où avant lui on ne voyait que d'aimables ou cruels sauvages, il a mis à jour des civilisations et des sociabilités aussi complexes, aussi intéressantes et aussi honorables que les nôtres occidentales.

Lévi-Strauss nous a permis de rompre avec l'européocentrisme et son progressisme niais, l'idée que la modernité était supérieure à l'archaïsme. Quand on constate de quoi a été capable la modernité au XXème siècle, ce doute n'était pas inutile. Lévi-Strauss nous a appris à vivre avec ce concept et cette réalité qui nous donnent tant de mal : la différence.

Un géant nous a quittés. D'autres viendront, sur le long chemin de la philosophie.

lundi 2 novembre 2009

Ne rien désirer ?

Peut-on ne rien désirer ? J'ai corrigé aujourd'hui presque la moitié des ES. Comme chez les L, on retrouve les mêmes défauts à travers bien des devoirs. Le principal a consisté en une pure et simple description du désir, de son fonctionnement, expliquant qu'il était impossible de ne pas désirer puisqu'on désirait en permanence, que le désir s'inscrivait au plus profond de la nature humaine.

Soit, mais ce n'est pas philosophiquement très intéressant de faire un tel état des lieux intimes. Le problème que nous pose la question, c'est d'essayer de concevoir l'absence de désir, le non désir, qui n'est pas si invraisemblable que ça. L'élève qui ne faisait pas cet effort pouvait difficilement se voir gratifier d'une bonne note.

Compliqué ? Pas tant que ça, certains d'ailleurs y sont parvenus. Comme toujours, il est plus simple de partir du vécu. En théorie, nous avons le sentiment de vivre notre existence sous la loi implacable du désir. Mais en pratique, ce n'est pas si vrai. D'abord, il est faux de dire que nous désirons sans arrêt ! Il y a bien des moments où le désir se calme, s'assagit, s'éteint, quasiment disparaît. Si Deleuze percevait l'homme comme une "machine désirante", celle-ci ne fonctionne pas 24h sur 24, à la différence de notre réfrigérateur !

Ensuite, loin d'être notre loi universelle, le désir est peut-être notre grand manque. Combien de gens autour de nous sont vides de passion, de motivation, d'enthousiasme ? Pas mal tout de même. Ils ne désirent rien, éprouvent un vague dégoût, souffrent d'une forme d'impuissance à ne pas désirer. La flamme du désir en l'homme brûle sans doute moins qu'on ne le croit, tellement elle est fragile et vacillante. Le désir se cherche plus qu'il ne surabonde.

Et puis, il y a tous ceux qui désirent, mais peu ou très mal, à tel point qu'on peut penser qu'ils ne désirent pas. Regardez l'amour : qui aime vraiment ? Le plus grand des désirs n'est pas toujours à la fête ! On croit aimer plus qu'on aime réellement. Le désir est aussi une illusion. Pour bien cerner la question, il fallait au préalable distinguer le désir du besoin (la pulsion, l'instinct) et de la volonté (qui est rationnelle).

Quelques références pouvaient fournir une base de réflexion : la religion critique le désir, les ascètes tentent de s'en libérer. Dans le bouddhisme, c'est l'état d'éveil, quand tous les désirs ont été vaincus. La sagesse philosophique nous conduit également sur ce chemin, avec les stoïciens (la volonté supérieure au désir) ou bien les épicuriens et leur notion d'ataraxie (la cessation des désirs douloureux).

Enfin, et pas mal d'élèves en ont parlé, il y a une absence de désir qui provient de sa satiété, quand l'homme est comblé, ne manque plus de rien et ignore jusqu'à l'appel du désir. Un homme heureux n'a pas de désir, aucune frustration ! Beaucoup de copies ont pointé la contradiction d'un désir de ne pas désirer, remarque qui pouvait fournir une problématique de départ ou bien une aporie finale. C'est selon, tout dépend comment l'élève choisit de construire l'ensemble de son argumentation.

dimanche 1 novembre 2009

Un dimanche littéraire.

Ça y est, j'ai terminé ce soir le paquet de copies des Littéraires. Par rapport au premier devoir, il y a un progrès, plus que léger, pas complètement flagrant non plus. Mais ne soyons pas regardant : ce qui compte, c'est que les notes soient en hausse. Les copies en dessous de la moyenne sont un peu moins nombreuses. Surtout, les bonnes copies augmentent nettement, alors qu'elles étaient rares la première fois.

Un bémol : deux élèves absentes n'ont pas rendu le travail. Une a fait dire par sa camarade qu'elle me communiquerait son devoir dans mon casier, mais je n'ai rien vu avant de partir. Peut-être y est-il néanmoins ? L'autre ne m'a absolument contacté alors que j'avais demandé de le faire en cas de problème, donnant aux élèves mes cordonnées. Il va donc falloir qu'on s'explique à la rentrée.

Sur 25 copies rendues, une seule a choisi le commentaire de texte de Spinoza sur la liberté (pas très réussi d'ailleurs). Pour la dissertation, le sujet était : Peut-on ne rien désirer ? Je vous livre ce morceau d'anthologie trouvé chez une élève :

"Pour certains événements de la vie, l'être humain ne réagit pas pareil. Surtout lorsqu'il s'agit d'un homme et d'une femme car nous ne désirons pas les mêmes choses : une femme désire un beau et grand mariage, elle souhaite fonder une famille et avoir plusieurs enfants. Alors qu'un homme, lui, s'en moque, il préfère sortir, voir ses copains, s'amuser".

Je suppose que ça vous laisse autant que moi songeur ... En attendant, voici l'échelle des notes, le nombre de copies et l'évaluation :

8 : 3
9 : 2
10 : 4
11 : 4
12 : 2
13 : 6
14 : 1
15 : 3