jeudi 31 décembre 2009

Café théo.




Raphaël était inquiet. Malgré ma promesse, rien sur ce blog à propos du café philo consacré à Dieu, qu'il a animé avant les vacances. Aurait-il été mauvais, ce qui pouvait justifier mon silence de politesse ? Mais non, ce ne sont pas mes façons de faire ! En vérité, Raphaël, lycéen de Terminale, a été très bon. Et je le dis sans flatterie : je connais peu d'adultes qui acceptent de prendre en main une séance de café philo ! Il va bien falloir tout de même que je songe à prendre ma retraite et préparer ma succession !

Pourquoi ai-je attendu ce dernier jour de l'année pour parler de ce café philo ? Parce que je comptais sur les clichés de notre photographe attitré, Arnaud, mais ils ne sont pas encore venus. Je ne veux donc pas soumettre plus longtemps Raphaël au supplice et j'aborde dès aujourd'hui sa prestation, profitant du compte rendu fait par L'Aisne Nouvelle de lundi (vignette 1).

Raphaël avait choisi les vêtements de circonstance : chemise blanche pour le côté BHL et cravate noir pour le côté ... sérieux. Le sujet prêtait à cette couleur d'ange. Son animation a été très proche de la mienne, ce qui a évité les déconvenues de l'avant-dernière séance. Ah les habitudes ! Le départ a consisté en la traditionnelle introduction sous forme de questions, concoctée par les soins de Raphaël (vignette 2). Ensuite roule ma poule ! Tout s'est très bien passé.

Un professeur est par profession un mécontent. J'ai donc malgré ma satisfaction une petite critique à faire : il y a eu une occasion où Raphaël aurait dû affirmer un peu plus son autorité, lorsqu'un nouveau participant s'est permis d'intervenir sans qu'on lui donne la parole. Les bizuts, abusant de leur statut, ont souvent cette goujaterie qu'ils font passer pour de l'audace. Il convient alors de les casser élégamment. En général, ils ne remettent pas les plats et même parfois les pieds au café philo. Tant mieux, c'est une forme intelligente et civilisée de sélection naturelle.

Bravo Raphaël. C'est quand ta prochaine animation ?

mercredi 30 décembre 2009

A mes élèves de TL1.


Avant le départ en vacances, je vous ai demandé d'acheter, pour l'étudier, l'ouvrage de Lucrèce De rerum natura, traduction Henri Clouard, chez Garnier-Flammarion (livre de gauche sur la vignette). Or, pendant le bac blanc, des élèves m'ont fait savoir que cette édition n'existait plus (je l'ai achetée il y a quinze ans environs). Mais il était trop tard pour vous prévenir.

De retour de mes vacances en Berry, je me suis arrêté à Paris. Chez Gibert Jeune, à Saint-Michel, il n'y avait aucun exemplaire de l'ouvrage de Lucrèce, ce qui est surprenant parce que c'est un classique. L'employée, peu aimable, m'a dit que tout avait été vendu. Elle m'a seulement indiqué qu'il existait deux éditions, chez Garnier-Flammarion et au Livre de Poche. Mais elle ne connaissait pas le nom des traducteurs (qui me sont cependant essentiels pour que l'ensemble de la classe travaille sur le même texte). Elle aurait pu chercher sur son ordinateur, mais son humeur m'a dissuadé d'en demander plus.

Au moins quelque chose d'agréable chez Gibert : ma rencontre surprise avec un collègue prof de philo qui a exercé à Saint-Quentin, au lycée Condorcet, et qui enseigne depuis deux ans à ... Cayenne, en Guyane française ! Et nous nous retrouvons au rayon philo de Gibert ! "Comme tout le monde", me dit-il. Eh oui, c'est un peu le rendez-vous parisien des profs de philo de province qui viennent se réalimenter en lectures. En attendant, avec Lucrèce, j'ai fait chou blanc.

Heureusement, à la FNAC des Halles, j'ai eu un peu plus de chance, en dénichant trois éditions du De rerum natura : deux étaient bilingues (franco-latin) et coûteuses, l'autre plus abordable (ouvrage à droite sur la vignette) et seulement en français, ce qui suffit pour des élèves de Terminale (sauf pour les latinistes qui veulent se perfectionner). Aucune de ces trois traductions n'a été réalisée par Henri Clouard.

Bref, je vous conseille l'achat de mon choix, au prix de 7 euros, aux éditions Arléa, traduction de Chantal Labre. Je vous rappelle que nous n'étudierons que le chapitre trois, qui fait 37 pages, parfaitement photocopiable ou, si c'est possible, récupérable sur le Net, à défaut de pouvoir l'acheter. Vous remarquez, en vignette, que même le titre peut donner lieu à des différences entre traducteurs : De rerum natura devient De la Nature (Clouard) ou La nature des choses (Labre).

Mais nous reparlerons de tout ça à la rentrée. N'oubliez pas de travailler votre prochain devoir à la maison, à rendre pour le 11 janvier, et notre rencontre avec la philosophe new-yorkaise Avita Ronell, à partir de son interview dans le dernier Philosophie Magazine. Profitez bien des quelques jours de vacances qui vous restent, soyez raisonnables demain soir. A lundi prochain.

mercredi 23 décembre 2009

Joyeux Noël !




J'en ai terminé avec le premier paquet du bac blanc, c'est-à-dire les scientifiques. 9 n'ont pas la moyenne, 19 l'atteignent et il y a eu deux absents. Donc ce n'est pas si mal pour une première. A noter aussi l'équitable répartition des notes, qui est toujours bon signe. Sans surprise, le sujet sur le désir a été massivement choisi, alors que la vérité n'a intéressé qu'une toute petite minorité. Normal : entre le désir et la vérité, un être humain préfèrera toujours le désir ! Mais je ne sais pas s'il a raison pour autant. Une seule surprise quand même : une très bonne élève dans toutes les matières ne l'est pas ... en philo. Je ne vois pas pourquoi. J'ai découvert ça au conseil de classe.

Voici l'échelle des notes (à gauche la note, à droite le nombre de copies) :

5 : 1
7 : 3
8 : 3
9 : 2
10 : 3
11 : 4
12 : 4
13 : 2
14 : 3
15 : 2
16 : 1

Il me reste deux paquets à corriger. Ils m'accompagneront durant mes quelques jours de vacances dans mon Berry natal, et dès demain dans le train, endroit idéal pour corriger des copies. Ce qui signifie que je vais stopper pour quelques jours la rédaction de ce blog. Nous nous retrouverons la semaine prochaine.

En attendant, je vous souhaite un joyeux Noël, en compagnie de Wanted, le journal du lycée et son dernier numéro (en vignettes).

mardi 22 décembre 2009

Les bonnes manières.




Au bout de onze ans d'animations philo en tout genre, j'ai fini par créer un style et des manières, qu'on n'est d'ailleurs pas obligé d'apprécier ni d'approuver. Je l'ai encore constaté hier, pendant le ciné philo (vignette 1). Il y avait 50 spectateurs (29 en tout lors des cinq autres séances dans la semaine, ça montre bien le "plus" qu'apporte le ciné philo, c'est-à-dire un débat autour d'un invité après la projection).

Pendant les échanges et après, au moment du debriefing, je me suis rendu compte à quel point mes "bonnes manières" n'allaient pas de soi pour qui les découvre pour la première fois. C'était le cas hier, notre invitée, la psychologue Catherine Rouch, ayant drainé une dizaine d'ami(e)s. Je vous énumère le savoir-vivre, le code de bonne conduite du café et ciné philo :

1- Avant la séance, dans l'après-midi, une amie me téléphone pour me demander si, à cause de la neige, le ciné philo sera annulé. Elle ne viendra pas, faute d'une bonne circulation routière. Je lui réponds que je n'annule JAMAIS aucune activité, même quand le temps est mauvais, même quand le public est peu nombreux. Parce que ce qui est promis doit avoir lieu. Hier, j'ai d'ailleurs bien fait.

2- Les participants au débat doivent parler dans le micro. Certains n'aiment pas, se rabrouent, critiquent cette injonction. Mais comment faire autrement si l'on veut que TOUS entendent confortablement ce qui se dit ?

3- Des personnes ont du mal à s'empêcher d'intervenir spontanément, hors micro. Je les réprimande, elles le prennent mal. Mais c'est ainsi chez moi, dans le cadre que j'ai depuis onze ans constitué : ce n'est pas la pulsion qui prime, c'est la réflexion.

4- Une collègue dans la salle me dit, quand j'avance vers elle le micro, qu'elle a oublié maintenant ce qu'elle voulait dire tout à l'heure instantanément. Je ne le lui dis pas mais je le pense très fort : une idée, quand elle est authentique, pertinente, vraie, elle reste à l'esprit, on s'en souvient.

5- Des interventions se proposent de "rebondir" sur ce qui s'est dit auparavant. Non, je le déconseille : la pensée n'est pas un ballon ou un trampoline. Réfléchir, ce n'est pas réagir à l'autre, c'est construire un raisonnement par rapport à soi.

6- Je suis fort irrité par les personnes qui commencent par "Je suis d'accord avec ...", en signe d'approbation d'une intervention précédente. Pourquoi signaler un tel soutien, qui n'apporte rien ? Pas la peine de prendre la parole si c'est pour acquiescer ou répéter. C'est fréquent en politique, mais là c'est normal : il s'agit de manifester de façon ostentatoire sa fidélité à tel ou tel leader. Mais dans un débat philo, nuls rapports de forces, nuls enjeux de pouvoir, pas besoin donc d'exprimer une quelconque sujétion.

7- Irritation aussi quand quelques personnes applaudissent une autre. Nous ne sommes pas dans un meeting, on ne recherche pas des effets de tribune. Qu'est-ce qu'apporte la manifestation bruyante qui suit une parole qu'on apprécie ? Strictement rien.

8- Quand on s'exprime, c'est pour tous, dans une réunion qui est publique, et non pas dans un échange, presque un aparté d'individu à individu, comme il a failli se passer hier, si je n'y avais pas mis bon ordre. Je n'ignore pas que la nature humaine recherche l'intimité, que celle-ci est moins intimidante que parler devant et pour 50 personnes. Mais c'est ainsi, ce sont mes "bonnes manières". Un ciné philo n'est pas une conversation de salon, une activité de cercle privé.

9- Pour finir, on me demande pourquoi je ne laisse pas la liberté à chacun d'intervenir comme il l'entend, même avec les désagréments inhérents à cette liberté. Je réponds que la liberté ainsi pratiquée se transformerait très vite en innommable bordel, et j'en parle d'expérience. Le style "Droit de Réponse", la fameuse et excellente émission de Polac, c'est bien à la télévision, quand des personnalités se donnent en spectacle. Mais dans un café ou ciné philo, non ça ne fonctionne pas, ou très mal.

Je suis persuadé que certains sont partis en me trouvant bien austère, "psycho-ridige" comme on dit aujourd'hui, et même un peu chiant. Mais c'est le prix à payer pour qu'un débat se déroule dans de bonnes conditions et que les gens aient envie de revenir. Car il y a toujours un prix à payer, quoi qu'on fasse. Et reconnaissez que celui-là n'est tout de même pas très élevé.

Vignette 2 : Catherine et ses amis de l'association Psychanalyse et petite enfance, d'obédience lacanienne.

lundi 21 décembre 2009

Agenda 2 010.



Chaque fin d'année, je reçois gratos deux agendas : celui de la municipalité de Saint-Quentin et celui du Conseil général de l'Aisne. Je choisis d'utiliser le premier ... parce que je le reçois en premier. Et puis, il est moins volumineux, plus pratique (ce qui me permet de faire une bonne action : j'offre le second !). J'ai passé deux bonnes heures à remplir les six premiers mois de mes diverses activités. Un temps fou, qu'on n'imagine pas ! après, quand je le feuillette, j'ai l'impression (agréable ou pas ?) que tout mon temps est pris.

C'est un peu effrayant. Il y a des moments où je rêverais d'un agenda complètement vide, c'est-à-dire seulement occupé par mes heures d'enseignement. Mais alors, plus besoin d'agenda ! D'ailleurs, avez-vous remarqué autour de vous ? la plupart des gens normaux n'ont pas d'agenda. Ils retiennent de mémoire ou sur des petits morceaux de papier, comme je le faisais avant d'avoir toutes ces activités. Les vrais sages, ce sont peut-être eux.

Ce sont mes activités associatives, pour beaucoup philo, qui mangent mon temps. C'est dingue : au fil des années, elles s'accumulent, j'en ai de plus en plus ! Il y a les café philo et ciné philo de Saint-Quentin, le café philo de Soissons, Guise et Bernot, mes interventions à Sophora de Gauchy, l'UTL de Cambrai et l'IUTA de Laon. Et puis l'atelier philo du Centre social de Guise. Là, je ne fais que vous donner les rendez-vous réguliers, pour la plupart mensuels.

Mais il y a aussi les événements ponctuels, un important environ tous les deux mois. Sans parler de toutes les initiatives que je n'organise pas directement mais auxquelles je me dois de participer : café citoyen, café livre, quelques autres et toutes celles pour lesquelles je suis sollicité. Et je vous épargne la multitude des réunions statutaires et organisationnelles. Imaginez un peu que je veuille faire autre chose, de la politique par exemple : je ne pourrais pas, je n'aurais pas le temps !

En vignette, le passage de témoin entre l'agenda 2 009 et l'agenda 2 010.

dimanche 20 décembre 2009

Bonne lecture !


Avant le départ en vacances, j'ai distribué à mes élèves (sauf les S, ce sera pour la rentrée) la fiche ci-dessus. J'ai attendu le début du deuxième trimestre pour leur donner des conseils et références de lectures. Pourquoi pas au commencement de l'année scolaire ? J'ai plusieurs raisons à ça :

1- L'épreuve de philo au bac n'est pas un exercice de connaissances qui réclame des références particulières mais une libre réflexion qui exige plutôt de la méthodologie.

2- J'ai un mauvais souvenir des bibliographies qu'on distribuait à la fac aux étudiants, qui les mettaient aussitôt dans un coin et s'en servaient rarement. Avec mes lycéens, je ne me fais pas d'illusion. Ce qui compte surtout, c'est l'écoute en classe, la prise de note et leur relecture à la maison.

3- Le savoir livresque peut être un obstacle à la pensée. Platon déjà s'en plaignait, il critiquait l'écrit (ce qui ne l'a pas empêché de rédiger de nombreux ouvrages !). L'élève a tendance à répéter, il croit alors que la méditation est une récitation.

4- Les bouquins de philo sont généralement difficiles, arides, rebutants. Mais comment s'attendre à autre chose ! Je ne voudrais cependant pas en dégoûter mes élèves ...

Ceci dit, on ne peut pas passer une année en classe de philo sans avoir au moins la curiosité d'ouvrir un bouquin de philo, ne serait-ce qu'en picorer ici ou là ce qui peut intéresser ou convenir pour traiter un sujet de dissertation. C'est pourquoi je me suis efforcé de ne sélectionner que les ouvrages les plus abordables, je devrais plutôt dire les moins inabordables.

Et pour les lecteurs de Prof Story, vous aurez droit à deux bonus qui me sont revenus en tête : Pensées pour moi-même de Marc-Aurèle et Rêveries du promeneur solitaire de Jean-Jacques Rousseau.

Laissez-vous tenter à votre tour en cette période de fêtes, et bonne lecture !

samedi 19 décembre 2009

Un rite.


A la veille de chaque vacances, j'accomplis un rite, immuable depuis que je suis à Henri-Martin, c'est-à-dire depuis que je suis enseignant. Je me rends au CDI pour emprunter quelques livres en vue de mes congés. Bien sûr, je le fais aussi, régulièrement, tout au long de l'année. Mais là, juste avant et pour les vacances, le sens est différent. Ce sont mes lectures de loisirs, même si le travail s'y mêle aussi un peu.

Et puis, il faut que je vous décrive le rite jusqu'au bout. J'aime vaquer dans les rayons et choisir au hasard, en quête d'une découverte. Je cherche à me laisser surprendre par une trouvaille. J'ai l'esprit libre, je ne prémédite rien. Ce n'est pas l'intérêt qui me guide mais la pure curiosité. Ce qui fait d'ailleurs que je prends le risque, qui n'est pas considérable, d'être déçu.

Une simple couverture, agréablement présentée, peut me séduire, ou un titre accrocheur. Ce qui signifie que je ne lis pas nécessairement tout ce que j'emprunte à la bibliothèque de mon lycée. Je la connais depuis quinze ans, c'est comme une vieille épouse ou une ancienne maîtresse, je ne m'en lasse pas, elle m'apprend toujours quelque chose.

Hier, en rentrant chez moi, je n'étais pas mécontent, j'ai eu la main plutôt heureuse ( voir en vignette). Mon premier est mon préféré, Naufragé volontaire de Bombard, que j'avais depuis longtemps l'intention de lire. L'histoire d'un homme seul dans un radeau sur l'océan, c'est fascinant. Déformation professionnelle oblige, je n'ai pas pu m'empêcher de prendre un bouquin de philo, de Kierkegaard, un auteur que je connais très mal, un existentialiste chrétien. Et puis, boulot oblige, j'ai pris un ouvrage qui m'avait littéralement emballé il y a vingt ans, une étude sur le phénomène de la rumeur, un essai qui est une référence dans le genre, que j'ai pris parce que je dois préparer une conférence sur le sujet pour la rentrée.

A part ça, j'ai quelques autres lectures qui m'attendent à la maison : un Matzneff à terminer, un Dostoievski à commencer (L'Idiot, sachant que je n'ai jamais pu finir de ma vie un ouvrage de cet auteur !), quelques bouquins sur l'orthodoxie, la relecture de L'Ethique de Spinoza (première et dernière partie, entre les deux je picorerai). Et je ne vous parle même pas de la pile de magazines en retard de lecture ... Pourquoi aller au ski ou réveillonner quand il y a tant à faire chez soi, autrement plus important que ça ?

vendredi 18 décembre 2009

IMAG'IN.



Elle s'appelle Cindy. Cindy Level plus exactement. Elle ne me connaît pas vraiment et je sais à peine qui elle est. Mais je l'aime, je l'adore ! Elle travaille au rectorat d'Amiens, à la Division des Examens et Concours, Bureau du Baccalauréat. Attention, il n'y a pas d'histoire d'amour entre nous, mais une histoire d'argent. Je vous raconte laquelle :

Cette année, comme toutes les autres années depuis quinze ans, je participe à la correction du bac et je suis rémunéré, comme tous les autres examinateurs, pour ça. Pendant quinze ans, pour se faire payer, nous remplissions des formulaires que nous donnions à notre centre d'examen (je suis allé cette année à Creil). Sauf que cette année, plus de papiers, tout passait par l'informatique et l'ordinateur. C'est beaucoup mieux, c'est plus rapide, on est payé plus tôt (avant, il fallait attendre assez longtemps).

Ce serait fort bien si je n'avais, à l'égard de l'argent, une attitude disons très relâchée, entre insouciance et négligence. J'ai mis dans un coin le formulaire d'utilisation du serveur (vignettes 1 et 2), dont je ne me suis préoccupé que ... ce matin. Mes collègues m'avaient averti : on a été payés pour le bac, et toi ? Bin moi, j'ai rien rempli, rien envoyé, je sais même pas comment on fait ...

Avant les vacances, j'ai voulu régularisé, je me suis rendu aujourd'hui sur le site, qui répond au doux nom d'IMAG'IN ... mais rien, impossible de rentrer les données. J'ai compris, c'est fini, clos, la rémunération, pas négligeable, va me passer sous le nez. Bien fait pour moi !

Je fais quoi ? J'appelle le rectorat, dernier recours. Je connais un peu cette grande maison, que j'ai fréquentée quelques années en tant que commissaire paritaire (rien à voir avec la police, ce sont simplement les représentants du personnel qu'on désigne ainsi). Je téléphone à la Division des Examens et Concours, Bureau du Baccalauréat, et je tombe sur Madame Cindy Level.

Tout penaud, faisant mille excuses, affichant profil plus bas que terre, j'explique que j'ai fauté, que je n'ai pas électroniquement rempli ce qu'il fallait, que je n'ai qu'à m'en prendre à moi-même, que j'accepte d'avance les conséquences de mon erreur funeste, etc etc. Bref je me couvre de cendres en espérant une résurrection. J'essaie d'apitoyer, en gardant tout de même ma dignité.

On dit parfois, parmi les enseignants, bien du mal de l'administration académique, de sa bureaucratie, de son opacité, de son manque d'humanité (ne dit-on pas ça de toute administration ?) Rien de plus faux et de plus injuste ! Je ne le dis pas parce que Cindy Level m'a sauvé ce matin la mise mais parce que c'est le contraire qui est vrai et que je l'ai souvent constaté.

Cindy a avec moi tout repris, allant sur le site, débloquant l'entrée, informant les rubriques vierges. Je n'aurai plus qu'à lui envoyer par courrier postal les justificatifs, convocations et billets de train. Je serai payé ! Pas maintenant m'a-t-elle cependant prévenu, il n'y a plus les budgets pour ça. Mais je m'en moque, je suis prêt à attendre un an. Après tout, je mérite bien cette petite punition ! Bonnes fêtes de fin d'année, Cindy !

jeudi 17 décembre 2009

Blanc comme neige.




J'ai bien cru ce matin que le bac blanc, qui est entré dans son troisième jour à Henri-Martin, allait se transformer en bac neige ! Les premiers flocons sont arrivés, une mince couche est tombé, il fait un peu plus froid que ces derniers temps, mais comme partout en France, on ne parle que de ça, on s'inquiète, on se demande ce qu'on va faire, on est dans le désarroi pour pas grand-chose. Heureusement, les absents n'étaient pas si nombreux, bien que les transports scolaires aient été suspendus : neuf sur deux classes surveillées.

J'ai voulu rendre aux Littéraires, avant leur départ en vacances, leurs copies corrigées du devoir sur table du début du mois. Ce n'est pas mal du tout pour une première. Observez l'échelle des notes (à droite le nombre de copies, à gauche l'évaluation) : il y a une répartition très régulière, pas d'engorgement, c'est un excellent signe. Bien sûr tout le monde n'a pas la moyenne, tout le monde n'accède pas à un bon résultat. Mais c'est impossible. Une bonne classe n'est pas faite de surdoués mais d'une grande diversité. C'est elle qui permet à tous d'éventuellement progresser.

6 : 1
8 : 2
9 : 3
10 : 3
11 : 2
12 : 3
13 : 4
14 : 3
15 : 1
16 : 3
17 : 2

J'en ai aussi profité pour leur donner le sujet de janvier (vignette 1), je ne veux pas les laisser inactifs pendant les vacances ! Une élève s'est exclamée, lisant les questions de dissertation : "vous n'y êtes pas allé de main morte !" C'est toujours la même réaction en philo : les sujets paraissent difficiles. Mais c'est de la philo ! Personne ne s'étonnerait de la complexité d'un sujet de maths. Et puis, à bien y réfléchir, ces deux questions ne sont pas si difficiles que ça ...

Hier, pour la deuxième fois de l'année scolaire, je suis retourné à la Maison du Sophora de Gauchy, qui accueille des traumatisés crâniens, afin d'animer un café philo (vignette 2). Les résidents avaient choisi le sujet, qui ne m'a pas surpris : la solidarité. Avec le respect, c'est l'un des thèmes qui a le plus la cote ces dernières années. L'animation n'a pas été au début facile, les interventions venaient difficilement, ça ne prenait pas trop .

Chez ces personnes plus que chez d'autres, la parole n'est pas toujours facile, il faut aller chercher les mots qui ont du mal à s'exprimer. L'une d'entre elles, privée de langage, montrait les lettres sur une tablette pour faire ses phrases. Tout ceci est pour moi assez émouvant : constater que la pensée se fraie un chemin même quand les mots manquent, que la parole défaille, que le langage se dérobe. Comme si la pensée était la plus forte.

mercredi 16 décembre 2009

Pas matheux.


J'ai surveillé ce matin l'épreuve de maths du bac blanc. J'ai jeté un coup d'oeil aux sujets (un extrait en vignette), je n'y comprends rien. Les maths pour moi, c'est une langue étrangère. J'ai toujours été comme ça, pas matheux. A l'école primaire, l'instituteur me gardait à la récré pour me réexpliquer les calculs. Les chiffres je n'ai jamais aimés.

C'est bête. La philo aussi est compliquée pour qui n'en a jamais fait (et même après en avoir fait !). Plongez-vous dans la Critique de la Raison Pure de Kant ou la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel, vous n'y comprendrez pas grand-chose. Rien que les titres de ces prestigieux ouvrages font peur ! Pourtant, un sujet de philo au bac sera toujours plus abordable qu'un sujet de maths. Quant à le traiter correctement, ça c'est autre chose ...

Dans une épreuve de maths, je l'ai encore expérimenté aujourd'hui, l'ambiance est totalement différente de la philo. Ce qui me surprend, c'est le bruit. On y est condamné en maths ! Bruit des feuilles du sujet qu'on manipule, bruit de la calculatrice qu'on utilise, bruit des règles et des stylos pour faire les schémas. Ça n'a l'air de rien mais dans une salle vouée normalement au silence, tous ces petits bruits qui ressemblent à des cliquetis produisent très vite un irritant bruit de fond, qu'on ne peut reprocher à personne. L'usage des instruments le rend inévitable.

En philo, rien de tout ça, la feuille unique de l'épreuve sous les yeux, le seul stylo à la main, on entend les mouches voler et les anges (de la philosophie) passer. Il n'y a que les pieds de chaises qui raclent, les toussotements et éternuements grippaux qui perturbent. Et puis, il n'y a pas en philo cet appendice, ce deuxième cerveau sur la table qu'est en maths la calculatrice. Elles sont énormes (rien à voir avec la calculette), on ne voit qu'elles, elles me feraient presque peur. Rien à faire, les maths j'aime pas.

C'est pourtant injuste. Platon avait inscrit, au fronton de son école : Nul n'entre ici s'il n'est géomètre. Je suis quand même entré dans le temple de la philosophie. Mais par la petite porte.

mardi 15 décembre 2009

Pour ou contre.




C'est la période des conseils de classe. Ce soir, celui des Scientifiques semblait justifier la réforme des lycées qui se prépare. Quelques élèves ont d'excellentes notes dans les matières littéraires et de piètres résultats en sciences. Voilà le résultat de la fameuse voie royale qu'est la série S : les familles y poussent des enfants dont les talents s'exerceraient volontiers ailleurs. Mais puisqu'on leur a dit que tous les bons élèves allaient en S ...

En revanche, les défenseurs de la réforme utilisent parfois de faibles arguments. Dimanche soir, à la télévision, sur la troisième chaîne, tard en soirée, un député, ancien recteur des universités, a affirmé tout de go que les scientifiques désertaient l'histoire parce que cette matière n'était que de coefficient trois au bac, que la moitié d'entre eux seulement assistaient aux cours. Je n'ai pas besoin de statistiques pour savoir que c'est faux.

Je prends l'exemple de la philo. Le coeff est lui aussi de trois au bac. Il n'empêche que mes élèves bossent leur philo et sont présents en cours (comment pourrait-il en être autrement ?). Hier, je les ai surveillés lors du bac blanc. Pendant quatre heures, ils ont réellement disserté. Bien sûr, ils ne travaillent pas autant ma discipline que les autres, à forts coefficients. Mais c'est normal, je les comprends. Pour ou contre la réforme d'accord, mais prenons les bonnes raisons, pas les mauvaises ou les fausses.

lundi 14 décembre 2009

Par la fenêtre.


Je ne suis pas encore en vacances, mais j'ai l'impression. Pourquoi ? Parce que les cours sont suspendus cette semaine, à cause du bac blanc (il y en aura deux cette année, maintenant et avant Pâques). Je surveille. Ce n'est pas du tout la même chose qu'enseigner. Et en surveillant, je corrige les copies du devoir surveillé des Littéraires de samedi dernier. J'ai presque terminé. Ils les auront avant de partir.

Ce matin, au début des quatre heures d'épreuve, j'ai regardé par la fenêtre. C'est rare chez moi, chez tout prof je crois. On est complètement pris par le cours et la classe. Il n'y a que les élèves paresseux qui se perdent dans le paysage et le ciel. Aujourd'hui c'était moi. Parce que la vue était belle. La nuit encore là mais le soleil qui se lève, la basilique de Saint-Quentin (on ne voyait qu'elle ! ) apparaissait en ombre chinoise.

Devant elle, le lycée privé Saint-Jean, avec ses salles allumées où l'on voyait élèves, prof et tableau noir, ressemblait à une maison de poupée (établissements public et privé se font face !). D'habitude, je ne remarque pas tout ça, quinze ans que je suis là. Ce matin, je ne voyais que ça, j'étais absorbé par ce paysage.

dimanche 13 décembre 2009

Epistémo.




J'ai animé hier soir le café philo de Soissons, sur un thème un peu ingrat : L'évolution scientifique condamne-t-elle la philosophie à disparaître ? Ce n'est pas que je me sente menacé par la question, mais lorsqu'il s'agit de science, c'est inévitablement moins mobilisateur qu'un autre sujet. Les élèves m'en donnent l'expérience : tout ce qui concerne l'épistémologie (c'est ainsi qu'on appelle la philosophie des sciences), ils n'aiment pas trop.

C'est pourquoi je repousse cette partie du programme à la fin de l'année. La philo, c'est le contraire de la gastronomie : le meilleur n'est pas pour la fin ! Ainsi, je ne me presse pas pour étudier "théorie et expérience", "la démonstration", "l'interprétation" (cette dernière notion renvoie à l'herméneutique, un mot qui fait aussi peur à une classe qu'épistémologie ). Reconnaissez que c'est tout de même moins sexy que "le bonheur", "le désir" ou "la liberté" !

Je n'aurai donc jamais proposé cette question pour un café philo, même si son fond est essentiel et passionnant. Mais Betty, une habituée, l'a fait. Ça arrive quelquefois, rarement, des participants qui demandent un thème précis, qu'on ne peut évidemment pas traiter la séance suivante puisque le programme est fixé pour l'année scolaire. Généralement, quand quelqu'un propose quelque chose, il n'est pas là, six ou dix mois plus tard, lorsque son sujet est abordé, ce qui est embêtant pour lui et irritant pour moi. Mais hier, Betty était là !

La salle était aménagée autrement, avec des fauteuils et non plus des tables, ce qui augmente la place, rend l'ambiance plus sympa. Seul regret (mais c'est ainsi depuis le début) : cette partie du café est un peu isolée, elle exclut donc, tout en restant ouverte, ceux qui voudraient jeter un coup d'oeil, dresser l'oreille sans s'attacher plus à ce que nous faisons. Dans l'idéal, un café philo s'installe au coeur d'un café, pour que n'importe qui puisse se laisser happer par nos échanges. Dans ce genre d'activité, il faut veiller de très près à la géographie des lieux et aux flux de circulation.

J'ai essayé de rendre intéressant ce qui est aride. Mais n'est-ce pas là la définition du métier d'enseignant ? Je ne sais pas si j'ai accroché, mais j'ai tenu l'heure et demi. Le mois prochain, c'est Jean-Hugues, ce veinard, qui animera, sur un sujet qui n'a pas besoin de publicité pour mobiliser : L'érotisme, et alors ? Il est même question d'inviter le patron du sex shop de la ville. Original ! Peut-être va-t-il apporter des sex toys pour ces dames (c'est très à la mode) ? Mais la philo, depuis toujours, c'est aussi ça, même si ce n'est pas tout à fait comme ça !

samedi 12 décembre 2009

Un doute.

J'ai fait part dimanche dernier de mon désaccord avec la suppression de l'histoire-géographie obligatoire en Terminale scientifique. L'affaire cette semaine est devenue carrément politique (mais c'est souvent le cas quand il est question en France de l'école). Une collègue m'a demandé de signer la pétition de protestation. Sans revenir sur ce que j'ai dit, me voilà cependant pris d'un doute.

Il y a d'abord la position de mon syndicat, le SE-UNSA, qui parle d' "hystérie", de "désinformation" et de "faux débat". Et puis, j'ai écouté à la radio l'intervention de l'ancien ministre de l'Education, par ailleurs prof de philo, Luc Ferry, qui a jugé "élitiste" et "corporatiste" la réaction des profs d'histoire-géo. Selon lui, on ne ferait pas tant de bruit si la mesure frappait l'enseignement technologique. Ferry est même allé très loin en taxant les S de "classe de bobos", ce qui est évidemment injuste et polémique.

Mais les arguments du débat sont quelque peu déstabilisants. Le point de vue doit être global : l'objectif de la réforme est de rééquilibrer les séries et de ne plus faire de la S l'unique classe d'excellence, attirant les bons élèves. Pour cela, la Première devient générale et la spécialisation ne touche que la Terminale. L'histoire-géo y gagne une heure trente en Première S et une heure en Terminale S. La différence, c'est que ce dernier enseignement devient facultatif.

Vu de cette façon, l'intention est louable et l'inconvénient relativement secondaire. Mais le débat a cessé d'être scolaire et pédagogique pour devenir politique et hautement symbolique. L'histoire est une discipline fortement porteuse de sens. La voir contestée, même à la marge, même pour la bonne cause, n'est sans doute pas supportable. L'histoire est notre destin, ça ne peut pas être une simple option.

vendredi 11 décembre 2009

Le blanc et le noir.

J'ai utilisé ce matin, en classe, un tableau blanc avec feutre. Ça ne m'arrive jamais. D'abord parce que la plupart du temps, j'ai affaire au bon vieux tableau noir avec craie. Ensuite parce que je me sers rarement du tableau, blanc ou noir. Au début oui, croyant que je fixerais ainsi l'attention des élèves. Mais finalement non : le dos tourné, ma surveillance cessait et les classes se relâchaient. L'enseignement, c'est comme dans les westerns : il ne faut jamais tourner le dos, il faut marcher à reculons, de peur d'être tué. Enfin parce que les élèves ont tendance, quand le prof écrit, de se contenter de ce qu'il écrit, en oubliant le reste.

Bref, j'utilise rarement le tableau. Mais ce matin, il fallait que je donne les références précises d'un ouvrage à acheter. Autant les noter. J'ai pourtant hésité. Le tableau blanc, je n'ai pas l'habitude. Je crains toujours que le feutre (je ne sais même pas comment on appelle cet instrument) utilisé ne laisse une trace indélébile. Ce sont les élèves qui m'ont encouragé : "Monsieur, c'est fait pour ça !" J'ai donc écrit au tableau blanc.

O surprise, c'est plutôt agréable. Le feutre glisse alors que la craie gratte et parfois couine. Et puis, c'est propre : pas de traces sur les mains ni au tableau. On est plus rapide (ce qui interrompt moins la surveillance). Ce blanc est rassurant, médical. Le noir a quelque chose de grave, de profond. Un grand rectangle sombre est inquiétant. C'est une nuit profonde, un abîme. Le tableau blanc capte la lumière. Il est parfait dans une salle scientifique, de bio ou de physique.

J'avoue préférer malgré tout le tableau noir. Parce qu'il est l'un des symboles éternels de l'école. Parce que son air sombre invite au travail, au sérieux. Son austérité est parfaite en philosophie, même quand, comme moi, on ne s'en sert pas. Muet, immobile, inutile, barrant le mur de la salle, il en est d'autant plus menaçant. La philo, ce n'est pas un truc pour marrants. Le professeur à son bureau ou debout sur l'estrade devient alors aussi sombre que le tableau noir, dans lequel sa silhouette finit par se confondre. Alors les élèves comprennent qu'ils ne sont pas là pour s'amuser. Mais il faut le tableau noir pour ça.

jeudi 10 décembre 2009

Une lecture philosophique.


J'ai donné hier, devant l'Université du Temps Libre de Cambrai, une conférence inédite, à l'issue de six mois de lecture assidue des Évangiles et de quelques ouvrages annexes. L'architecture de la réflexion m'est venue rapidement, la pensée ayant suffisamment mûri. Les idées se sont enchaînées sans grande difficulté. En voici le déroulé et le résumé :

En introduction, j'annonce la méthode : prendre les Évangiles au sérieux, envisager Jésus comme ce qu'il prétend être, le Fils de Dieu, non pas un sage, un philosophe ou un moraliste à la Renan. Puis j'expose ma position personnelle par rapport à la religion chrétienne, préalable à toute étude honnête et objective. J'explique ensuite que la religion et la philosophie, contrairement au préjugé, ne sont pas nécessairement opposées.

J'attaque enfin le gros du morceau : le Dieu de la Bible, c'est le Tout Autre, l'altérité radicale qui permet de me décentrer, d'introduire dans l'existence le point de vue de l'éternité, enfermés que nous sommes dans notre moi et les cercles du même. Ce Dieu se fait connaître par son Fils, le Christ, qui donne à l'Autre un visage humain, une proximité, l'incarnation, le Dieu-homme contre toutes les idoles de l'homme-dieu, pharaon, monarque, führer et compagnie.

Reste à savoir l'essentiel : qu'est-ce qui est vrai dans tout ça ? La plus mauvaise question, la seule pourtant qui nous intéresse, c'est de se demander si Dieu existe. De fait la réponse est non, l'existence étant une catégorie qui s'applique d'évidence aux objets et aux créatures, pas à leur Créateur. La question de la vérité ne peut alors se résorber que dans la foi, à l'intérieur de soi, y découvrant un désir d'absolu, un besoin d'éternité.

Sortant de soi pour aller vers l'autre, c'est le mystère de l'amour que posent les Évangiles. Car comment est-il possible, sinon par folie, d'aimer son prochain ? A quoi s'ajoute le problème du mal. Car un peuple entièrement heureux ne se tournerait pas vers la Bonne Nouvelle. Il faut du manque, de l'insatisfaction, du malheur pour en venir là.

J'ai terminé en recommandant la lecture des deux derniers numéros hors-série de Philosophie Magazine, l'un portant sur la Bible, l'autre sur le Nouveau Testament.

mercredi 9 décembre 2009

Happy Birthday !




La journée a été comme je les aime : à flux tendu ! Pas de temps morts, pas de perte : enseignement le matin, conférence l'après-midi à Cambrai (je vous en reparlerai demain), café philo à Bernot en soirée. Pour celui-ci, c'était le premier anniversaire, et pour l'occasion, une salle de la mairie repeinte à neuf. Nous dissertons sous le buste de Marianne (vignette 1). A la fin, traditionnelle photo de groupe (vignette 2) : Raphaël, à droite de la table, micro en main, animera le prochain café philo à Saint-Quentin. Le sujet du jour portait sur la ruralité, un thème qui s'imposait à Bernot : Le village est-il un monde à préserver ? Tout le monde a bien sûr répondu que oui !

mardi 8 décembre 2009

Un rayon de soleil.

Dans un gros lycée comme le mien, on a peu le temps de se parler. Les horaires sont décalés, ce qui rend difficile de faire connaissance. Les temps de pause et de récréation passent très vite. Les occupations inter-cours sont diverses : aller au CDI, passer par la Vie Scolaire, faire un saut à l'administration, s'activer autour de la photocopieuse ... Bref, peu d'occasion de causer et de sympathiser.

Dans nos classes, ne viennent que les élèves et le prof d'après, quand il est en avance. Sinon rien. Ceux qui s'imaginent un établissement scolaire du second degré comme une ruche pleine d'échanges doctes et intellectuels se trompent. C'est le même préjugé qui frappe les bibliothèques, où l'on croit faussement que les personnels passent leur temps à lire.

Pourquoi dire tout ça ? Parce que j'ai été heureux qu'un collègue vienne dans ma salle et me dise quelques mots, à propos de Tristes Tropiques, que je lui ai prêté, à sa demande, lors de la disparition de Claude Lévi-Strauss. Il est désolé des pages qui se détachent, je lui dis que je m'en moque, qu'il peut garder l'exemplaire. Surtout, il me confesse qu'il a beaucoup aimé, qu'il ne connaissait pas bien, que c'est pour lui l'un de ses trois livres de chevet, après La Bible et Don Quichotte. J'étais content qu'il soit content. Un rayon de soleil est passé sur le lycée.

lundi 7 décembre 2009

LHM-Flash n°27.




Le dernier numéro du bulletin interne du lycée.

dimanche 6 décembre 2009

Vive l'histoire-géo !




J'apprends qu'il serait question de rendre facultative l'histoire-géographie en Terminale scientifique. Lourde et grave erreur ! L'intention est de spécialiser la série. J'entends bien, mais l'enseignement général doit le rester, et ne pas tomber dans l'excessive spécialisation. D'autant que l'histoire-géographie sont nécessaires à l'acquisition d'une culture scientifique. Les sciences ont aussi une histoire et souvent une géographie !

L'histoire m'a accompagné jusqu'à la fin de ma scolarité, et je m'en suis très bien porté (la géo, j'aimais moins). A la fac, étudiant la philosophie, j'ai pris un module d'histoire. Cette matière est indispensable. Comment vivre le présent et préparer l'avenir sans connaître le passé ? Aujourd'hui encore, aujourd'hui plus que jamais, l'histoire m'est une source de réflexion et de plaisir.

Pour rendre hommage à cette belle discipline, j'ai choisi de reproduire en vignette la couverture et le premier cours d'un ouvrage destiné à l'école élémentaire, paru en 1959. Mon amour de l'histoire a commencé en feuilletant, enfant, ces pages. Les images me fascinaient, les questions m'intriguaient, la simplicité des réponses en imposait. J'avais alors l'impression d'apprendre vraiment quelque chose qu'à l'extérieur de l'école on ne savait pas, quelque chose de très intéressant, de passionnant même, quelque chose dont l'utilité n'était pas à démontrer.

Encore maintenant, il m'arrive de temps en temps de relire ce vieux livre d'histoire. Je n'en apprends certes plus rien, mais j'y retrouve ce plaisir des textes et des images, cette concision et cette rigueur dans l'organisation : gravure, récit, résumé, questions. J'envie souvent mes collègues du premier degré ; en Terminale et bien avant, le savoir devient sophistiqué, les élèves ont perdu de leur enthousiasme, il n'existe plus cette saveur, cette fraîcheur, ce charme des premières années de la scolarité, quelques dix ans auparavant, auxquels nos manuels contribuaient tant.

samedi 5 décembre 2009

Déesse.


C'était ce matin le premier DS de l'année pour mes élèves (sujets en vignette). DS, c'est Devoir Surveillé, en quatre heures, dans les conditions du bac. Le monde de l'Education Nationale adore les sigles, et je déteste !

Je vous donne l'échelle des notes des ES pour leur dernier devoir :

6 : 3
7 : 3
8 : 4
9 : 8
10 : 9
11 : 4
12 : 1
13 : 1

17 : 1

vendredi 4 décembre 2009

Philothon.




J'ai animé cet après-midi, dans le cadre du Téléthon, un café philo à Guise sur le thème : Que faire quand le corps souffre ? J'ai retrouvé à cette occasion mes amis de l'atelier philo du Centre social. Le Téléthon, ce n'est pourtant pas complètement ma tasse de thé. Son pathos, son exhibitionnisme, son argent, sa charité, je n'aime pas trop. Mais on m'a sollicité pour animer ce café philo, au nom de quoi aurais-je refusé ? On ne participerait à pas grand-chose si on devait à chaque fois être d'accord sur tout. L'important pour moi est d'avoir provoqué cette réflexion sur la souffrance, grande question métaphysique et existentielle s'il en est. Un élève à moi et sa mère étaient dans l'assistance.

jeudi 3 décembre 2009

Café Lire.




Le Café Lire, c'est le petit dernier de Rencontre Citoy'Aisne, animé par Michèle, une ancienne collègue d'Henri-Martin. Le concept est simple : chacun arrive avec un ouvrage qu'il veut faire connaître et partager (en vignette, je suis en train de lire un passage de l'Eloge de l'amour, d'Alain Badiou). A la fin, il y a "le don du poème", c'est à dire une lecture de poésie. Ce soir, c'était du Baudelaire.

Le Café Lire, comparé au Café Philo, est beaucoup plus intimiste. Il n'y a pas de micro, pas vraiment d'animation. Mais c'est très bien ainsi : chacune de nos activités doit trouver son style, afin qu'il y en ait pour tous les goûts.

Le Café Lire, c'est le premier jeudi du mois, de 19h00 à 20h30, au café Le Regin's, place du Marché (derrière l'Hôtel de Ville). Venez faire un tour, et n'oubliez pas le livre que vous souhaitez nous faire aimer !

mercredi 2 décembre 2009

La Lune à l'IUTA.


Depuis que j'enseigne à l'IUTA de Laon, j'ai fait des conférences. Aujourd'hui commençaient les ateliers, un public sélectionné de quinze étudiantes (aucun homme !) qui me suivront durant toute l'année. Le premier a été consacré à un sujet dont vous m'avez souvent entendu parler cette année, 40ème anniversaire oblige : La conquête de la Lune. Voici le programme des prochains :

6 janvier : Une lecture philosophique des Évangiles.
3 mars : Marx et le Manifeste.
5 mai : Nietzsche et le christianisme.
9 juin : Descartes et le Cogito ergo sum.

Entre ces ateliers me seront sans doute proposées de nouvelles conférences. L'atelier invite à un travail de groupe, la conférence est un cours plus magistral. Quinze inscrits pour un atelier, c'est bien. La motivation est là. Et ma satisfaction.

mardi 1 décembre 2009

L'oeil de la Lune.




L'oeil jaune de la Lune me regarde à travers mon vasistas et je le regarde, parce que je suis fatigué, exaspéré, désespéré, le paquet de copies de mes ES étalé devant moi. Ils ont commis, mais en pire, la même erreur que les L : Être libre, est-ce faire ce qui nous plaît ? a été transformé en Être libre, est-ce faire ce qu'on veut ? D'où des chapelets interminables de banalités sur la loi, la morale et la société qui nous empêchent d'être libres ...

Tous ces devoirs se ressemblent. A la limite, ils mériteraient presque tous la même note. Mais c'est impossible, infaisable. Tous aussi mériteraient une note sous la moyenne. Mais c'est impensable : il suffit bien que je sois désespéré, je ne vais tout de même pas désespérer toute une classe ! A quoi cela servirait-il ?

Au bac, il existe une étrange et pourtant très rationnelle règle : quand un sujet donne lieu à un contresens généralisé, le contresens est accepté, c'est le nouveau sens qui s'impose, la mauvaise interprétation devient la bonne. Mais nous ne sommes pas dans l'épreuve du bac, nous la préparons. Ceci dit, si je veux me sortir de cette impossible évaluation, il faut bien que je transige, que j'accepte ce que normalement je ne devrais pas accepter, que je devrais même sanctionner.

Que c'est néanmoins pénible ! J'attribue des 9 et des 10 à la pelle, je joue à la danseuse sur le fil de la moyenne, preuve de mon hésitation, de mon incertitude. C'est sûrement aussi pour le prof une façon de se rassurer, d'être prudent, de ne risquer aucune flagrante injustice. Le pire pour moi, et aussi pour eux, c'est que beaucoup ont honnêtement travaillé la question (mais ils sont passés à côté !). Quand c'est franchement mauvais on sanctionne de bon coeur, quand c'est très bon on récompense avec bonheur. Mais quand c'est ni l'un ni l'autre, c'est à dire laborieusement médiocre, incompris, quand les efforts ne donnent rien d'intéressant, quand la volonté est là mais rate son objectif, on fait quoi ? On regarde l'oeil jaune de la Lune.

En vignette, mon interview sur le café philo par Arthur dans le journal du lycée, "Wanted".